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Le Livre du second

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Parfois cependant, en particulier pendant les heures<br />

somnolentes <strong>du</strong> milieu de la journée, il n’y avait que peu de<br />

chose à observer. Je contemplais alors le blason au-dessus de la<br />

porte, me demandant ce qu’avaient à voir avec moi un navire,<br />

une rose et une fontaine, ou j’examinais le bronze funéraire que<br />

j’avais trouvé et installé dans un coin après l’avoir nettoyé. Il<br />

représentait un homme mort grandeur nature, ses lourdes<br />

paupières fermées sur ses yeux. À la lumière qui tombait de la<br />

petite fenêtre, j’étudiais son visage tout en le comparant au<br />

mien dont j’apercevais le reflet dans le métal poli. J’avais tout<br />

comme lui un nez droit, des yeux enfoncés dans les orbites et<br />

des joues creuses ; j’aurais bien aimé savoir s’il avait également<br />

eu une chevelure noire.<br />

J’allais rarement dans la nécropole au cours de l’hiver ;<br />

pendant l’été, en revanche, ce mausolée profané ainsi que<br />

d’autres endroits me procuraient des postes d’observation et de<br />

quoi me reposer au frais. Drotte, Roche et Eata venaient aussi,<br />

mais je ne leur ai jamais montré ma cachette favorite ; ils<br />

avaient également, je le savais, leurs retraites secrètes. Quand<br />

nous étions ensemble, il était bien rare que nous pénétrions<br />

dans les tombes, préférant plutôt nous fabriquer des épées avec<br />

des bâtons, engager des batailles et nous poursuivre ; il nous<br />

arrivait aussi de lancer des pommes de pin sur les soldats, de<br />

strier de traits des planches sur les tombes récentes pour jouer<br />

aux dames avec des cailloux, aux osselets ainsi qu’aux cordes et<br />

aux colimaçons.<br />

Nous nous amusions aussi dans ce véritable labyrinthe<br />

qu’était la Citadelle, et nous allions nager dans la grande citerne<br />

située sous le donjon de la Cloche. Il faisait toujours froid et<br />

humide, même en été, en dessous de la voûte qui surplombait<br />

un bassin circulaire dont les eaux noires, immobiles, nous<br />

paraissaient sans fond. <strong>Le</strong>s conditions n’étaient pas plus<br />

mauvaises en hiver, d’autant plus que la chose avait le suprême<br />

avantage d’être interdite ; avec un frisson de délice, nous nous<br />

glissions furtivement dans l’escalier y con<strong>du</strong>isant, à un moment<br />

où nous aurions dû nous trouver ailleurs. Nous n’allumions nos<br />

torches qu’après avoir remis en place la barre qui verrouillait la<br />

trappe. Alors, au moment où, dans un crépitement de poix en<br />

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