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Le Livre du second

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Dorcas esquissa le geste de resserrer le manteau brun autour<br />

d’elle. « Et moi qui espérais que tu n’aurais plus jamais à<br />

exercer cet office… Ou <strong>du</strong> moins, pas avant longtemps. Tu t’es<br />

senti tellement malade, après ; mais je ne te blâme pas.<br />

— C’était purement nerveux. Je craignais que quelque chose<br />

n’aille mal.<br />

— Tu avais pitié de lui, j’en suis sûre.<br />

— Je le crois, en effet. C’était le frère d’Aghia, après tout ; et<br />

en dehors <strong>du</strong> sexe, il lui ressemblait à tous points de vue.<br />

— Aghia te manque, n’est-ce pas ? L’aimais-tu donc<br />

tellement ?<br />

— Je n’ai eu qu’un seul jour pour la connaître – je te connais<br />

déjà depuis bien plus de temps. Si elle avait obtenu ce qu’elle<br />

voulait, je serais maintenant un homme mort. L’une de ces deux<br />

avernes aurait eu ma peau.<br />

— Pourtant, la feuille ne t’a pas tué. »<br />

Je me souviens encore parfaitement <strong>du</strong> ton avec lequel elle<br />

dit cela ; et il me suffit même de fermer les yeux, en ce moment,<br />

pour entendre de nouveau sa voix et sentir le choc que<br />

j’éprouvai, en prenant conscience que depuis l’instant où je<br />

m’étais assis, tandis qu’Agilus me regardait, l’averne toujours à<br />

la main, j’avais évité d’y songer. La feuille ne m’avait pas tué,<br />

mais je m’étais arrangé pour détourner mon esprit de ce fait, un<br />

peu à la manière dont quelqu’un atteint d’une maladie mortelle<br />

évite par mille roueries d’envisager la mort en face ou mieux,<br />

comme une femme seule dans une grande maison évite de<br />

regarder dans les miroirs et s’active à toutes sortes de tâches<br />

triviales, afin de ne rien apercevoir de la chose dont elle entend<br />

parfois le pas, dans les craquements de l’escalier.<br />

J’avais survécu, alors que j’aurais dû mourir. J’étais un être<br />

hanté par sa propre vie. Je glissai la main sous ma cape, et<br />

caressai ma poitrine, d’abord d’un doigt précautionneux. Il y<br />

avait bien quelque chose comme une cicatrice, à laquelle<br />

adhérait encore un peu de sang séché. Mais elle ne saignait plus<br />

et je n’en souffrais pas. « Elles ne tuent pas, dis-je. Tout<br />

simplement.<br />

— Aghia prétendait pourtant que si.<br />

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