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Le Livre du second

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— Il les rend affreuses. Pour commencer, il dessèche la peau,<br />

creuse des rides, bref, il l’abîme. En outre, il fait ressortir tous<br />

les petits défauts qu’elles peuvent avoir. Vous savez, comme<br />

dans l’histoire d’Urvashi qui aimait Pourourava avant de l’avoir<br />

vue au grand soleil. Mais peu importe ; je l’ai senti sur mon<br />

visage et je me suis dit : je ne me soucie pas de toi. Je suis<br />

encore trop jeune pour cela, et l’année prochaine, j’aurai un<br />

chapeau pris dans notre réserve. »<br />

Dans la pleine lumière <strong>du</strong> soleil, le visage d’Aghia était certes<br />

loin d’être parfait ; mais elle n’avait pas lieu de craindre quoi<br />

que ce soit. Mon désir se nourrissait aussi goulûment de ses<br />

imperfections que de ses beautés. Elle possédait ce courage des<br />

pauvres, fait d’espoir désespéré, qui est peut-être de toutes les<br />

qualités humaines la plus fascinante ; et je me réjouissais de la<br />

présence de ces petits défauts qui, à mes yeux, la rendaient plus<br />

réelle.<br />

« Peu importe », répéta-t-elle, serrant fortement ma main.<br />

« Je dois bien admettre que je n’ai jamais compris pourquoi des<br />

femmes comme ces pèlerines prétendent systématiquement que<br />

les gens ordinaires doivent se purifier de leurs désirs charnels.<br />

Mon expérience m’a montré qu’ils les contrôlent fort bien euxmêmes,<br />

quotidiennement de plus. Ce qu’il nous faut trouver,<br />

c’est quelqu’un avec qui nous pouvons les laisser s’exprimer.<br />

— Dans ce cas, il ne vous est pas indifférent que je vous<br />

aime », dis-je, ne plaisantant qu’à demi.<br />

« Aucune femme n’est indifférente à l’amour d’un homme, et<br />

plus il y en a, mieux ça vaut ! Mais je ne choisis pas de vous<br />

aimer en retour, si c’est ce que vous voulez dire. Il serait<br />

tellement facile de me promener avec vous en ville, aujourd’hui,<br />

sans plus se faire de soucis. Mais si vous êtes tué ce soir, je serai<br />

malheureuse pendant quinze jours.<br />

— Et moi donc !<br />

— Non, pas vous. Pour vous les soucis seront terminés pour<br />

toujours. Plus rien ne vous affectera. On ne souffre pas<br />

lorsqu’on est mort, vous devriez pourtant bien le savoir dans<br />

votre guilde.<br />

— J’en arrive presque à penser que tout ce qui m’arrive n’est<br />

qu’un tour que vous êtes en train de me jouer, vous et votre<br />

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