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Le Livre du second

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« Non », me répondit-elle. À voix très basse, je demandai à<br />

Aghia la raison de son refus.<br />

« Elle aime ce qu’elle porte, c’est évident. Moi, je dois<br />

toujours marcher en retenant mon corsage de la main si je ne<br />

veux pas avoir honte jusqu’à la fin de mes jours. » Elle laissa<br />

retomber sa main, et je pus voir luire la peau claire de ses seins<br />

dans la lumière <strong>du</strong> couchant. « Mais elle, ses haillons lui<br />

permettent de laisser voir juste ce qu’il faut de poitrine et de<br />

jambes. Il y a aussi un accroc à l’aine, mais je parierais que vous<br />

ne l’avez même pas remarqué. »<br />

Nous fûmes interrompus par l’arrivée de l’aubergiste, suivi<br />

d’un serveur portant un plateau où se trouvaient des pâtisseries,<br />

une bouteille et des verres. J’expliquai que mes vêtements<br />

étaient humides, et il fit apporter un brasero – devant lequel il<br />

se chauffa d’ailleurs lui-même sans vergogne, exactement<br />

comme s’il s’était trouvé dans ses appartements privés. « Ça fait<br />

<strong>du</strong> bien, à cette époque de l’année, dit-il. <strong>Le</strong> soleil est mort, et si<br />

lui l’ignore, nous, nous le savons. Si vous êtes tué, vous allez<br />

manquer l’hiver prochain ; mais si vous êtes gravement blessé, il<br />

vous faudra garder la chambre. C’est ce que je leur dis toujours.<br />

Certes, la plupart des combats se déroulent généralement vers le<br />

milieu de l’été, ce qui tombe mieux, si je puis dire. Je ne sais pas<br />

si cela les réconforte ou non, mais ça ne peut pas faire de mal. »<br />

J’ôtai le manteau brun et ma cape de guilde, posai mes<br />

bottes sur un siège près <strong>du</strong> brasero, et me tins près <strong>du</strong> feu pour<br />

faire sécher mes pantalons et mes chaussettes. Je demandai à<br />

l’aubergiste si tous ceux qui venaient participer à une<br />

monomachie s’arrêtaient chez lui pour s’y rafraîchir. Comme<br />

tout homme ayant l’impression qu’il est sur le point de mourir,<br />

j’aurais été heureux de savoir que je ne faisais que me plier à<br />

une coutume bien établie.<br />

« Tous ? Oh, non, répondit-il. Puisse la Modération et saint<br />

Amand vous bénir, Sieur. Si tous ceux qui vont aux Champs<br />

Sanglants séjournaient dans mon établissement, il ne<br />

m’appartiendrait plus : je l’aurais ven<strong>du</strong>, et vivrais dans une<br />

grande et confortable maison de pierre. Deux atroces<br />

garderaient l’entrée, et quelques jeunes gens armés de<br />

poignards se promèneraient dans les parages, histoire de<br />

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