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Le Livre du second

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Quand il n’y eut plus rien, sinon partout en dessous de nous<br />

la surface infinie et mouvante des eaux, la bête tourna la tête<br />

pour me regarder. Son bec était celui d’un ibis et son visage<br />

celui d’une vieille sorcière. Elle portait une mitre faite<br />

d’ossements. Nous nous regardâmes pendant un instant, et j’eus<br />

l’impression de savoir ce qu’elle pensait : Tu rêves ; mais si tu te<br />

réveillais <strong>du</strong> rêve qu’est ta réalité, c’est moi qui serais là.<br />

Elle entama un mouvement semblable à celui d’un lougre qui<br />

vire bord sur bord ; le bout de l’une de ses ailes plongea, tandis<br />

que l’autre s’élevait presque à la verticale dans le ciel. Je tentai<br />

de me retenir à sa peau écailleuse mais tombai comme un<br />

plomb dans la mer.<br />

Sous la violence de l’impact, je me réveillai. Tous mes<br />

muscles étaient secoués de contractions, et j’entendis le géant<br />

grogner dans son sommeil. Je me mis à grommeler exactement<br />

comme lui, et après avoir tâtonné jusqu’à ce que je retrouve<br />

mon épée, je me rendormis.<br />

L’eau se referma sur moi, mais je ne me noyai pas. J’eus<br />

l’impression de pouvoir être capable de respirer l’eau,<br />

cependant je ne respirais pas. Tout était si clair autour de moi,<br />

qu’il me semblait être tombé dans un espace vide encore plus<br />

translucide que l’air.<br />

Très loin, je vis s’esquisser des formes gigantesques, des<br />

choses plusieurs centaines de fois plus grandes qu’un homme.<br />

Certaines suggéraient des bateaux, d’autres des nuages ; l’une<br />

d’elles était une tête vivante dépourvue de corps ; une autre<br />

avait plus de cent têtes. Une brume bleuâtre estompait toutes<br />

ces silhouettes, et j’aperçus, en dessous de moi, un paysage de<br />

sable sculpté par les courants. Là, se dressait un palais plus<br />

grand que notre Citadelle, mais en ruine, et ses salles étaient<br />

aussi désertiques que ses jardins. Des personnages immenses<br />

s’y déplaçaient, aussi blancs que la lèpre.<br />

En tombant je me rapprochai d’eux, et ils tournèrent leur<br />

regard vers moi ; je vis leur visage, qui était semblable à celui<br />

que j’avais rencontré dans les eaux <strong>du</strong> Gyoll, autrefois ; c’étaient<br />

des femmes, nues, avec des cheveux d’écume de mer verte et des<br />

yeux de corail. Elles me regardaient tomber en riant, et les<br />

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