SPORT CHAMPIONNAT DU MONDE DES RALLYESSÉBASTIEN LOEB“Un 6 e titre en 2009.Après... on verra”INTERVIEW PATRICE BURCHKALTERbientôt 35 ans, Sébastien Loeb estdevenu la référence absolue des rallyes.Avec cinq titres mondiaux consécutifs,quarante-six victoires, soixante-douzepodiums, tous les records de la discipline, et cela ensix saisons complètes seulement, il affole toutes lesstatistiques et sidère ses adversaires, impuissantsface au pilote Citroën.L’intéressé, fidèle à lui-même dans son indéfectiblemodestie – et toujours aussi mal coifféet rasé malgré les demandes répétées de la FIAqui l’aimerait plus propret lors de ses apparitionsofficielles –, préfère mettre l’accent sur les méritesde l’équipe qui, depuis ses débuts, lui permet des’exprimer pleinement.Le quintuple champion du monde avoue dans unentretien qu’il nous a accordé à son retour du Japon,et juste avant d’aller s’essayer au volant d’une F1Red Bull puis d’une Peugeot 908 du Mans, que sonavenir se limite pour l’instant à 2009, en quête d’unsixième titre. Après, rien n’est encore décidé quant àla poursuite... ou l’arrêt de sa carrière en rallye.Cinq titres consécutifs, tous les records, celafait quoi d’être au sommet de sa discipline,d’entrer dans la légende ?Pour moi cela ne change pas grand-chose. Celame place au-dessus de tout le monde au palmarèsde ma discipline, mais c’est avant tout une grandesatisfaction d’y être parvenu avec l’équipe Citroën.Tous ces titres, ces victoires couronnent un formidabletravail de groupe pour, tout au long de ces années,me procurer des voitures performantes et fiables.C’est une belle récompense pour tout le monde.Un vote d’internautes vous a récemment élucomme étant le plus grand pilote de rallye detous les temps. Ça ne vous fait rien ?Cela fait toujours plaisir. Toutefois, on ne peutpas comparer des époques différentes. Le rallye abeaucoup changé. Et puis, comme je l’ai souligné,j’ai eu la chance de courir depuis mes débuts sur desvoitures performantes. Cela n’a pas été forcément lecas d’autres pilotes qui ont relevé d’autres challenges,changé de constructeur avec, à un moment donné,des voitures peu performantes.Cet environnement Citroën, cette stabilité,la complicité avec Daniel Elena, sont donc lesecret de votre réussite ?Cela aide énormément. L’habitude de travaillerensemble est une grande force. Ainsi la C4 a-t-elleété développée autour de moi. On a tenu comptede ma façon de piloter. C’est automatiquementun plus.A votre avis, quelle est votre principalequalité... et votre défaut majeur ?Je pense que ma grande qualité est que je nesupporte pas de perdre, dans tout ce que je fais. Etmême si parfois je ressens une certaine lassitudedes voyages, des attentes dans les aéroports, desreconnaissances, si je suis moins motivé, dans la100 DÉCEMBRE 2008
voiture tous ces états d’âme disparaissent pour faireplace à l’envie de gagner, de ne rien lâcher. Quantà mon principal défaut... il faut demander à Daniel(NDLR : Elena). A part le fait que je suis toujours enretard, disons peut-être une forme d’égoïsme. Dansla vie, c’est un défaut mais je ne suis pas sûr quecela en soit un dans mon métier...PHOTOS DRQuel est le meilleur souvenir de votre carrière...et le pire ?Le meilleur, sans hésiter le Tour de Corse 2004.Ça n’a pas été ma meilleure course, mais j’y airemporté mon premier titre. Le pire ? Là aussi sansl’ombre d’une hésitation le rallye du Rouergue, lorsdu championnat de France 1998 : je suis sorti dela route en essais. A ce moment-là, j’ai bien cruque c’en était fini de mes rêves de victoires, detitres, de ma carrière en sport automobile. Je venaisde casser une voiture au rallye précédent dansla dernière spéciale alors que j’étais en tête. Onn’était pas couvert par l’assurance, on n’avait plusd’argent. J’étais encore un peu jeune... et con. Pourmoi tout était terminé. Ceux qui me soutenaientn’étaient pas millionnaires et je ne savais pascomment on pouvait s’en sortir. Heureusement, j’aieu la chance de rencontrer les bonnes personnes,de trouver un sponsor.Après une série de succès aussi impressionnante,comment peut-on conserver sapassion intacte ?Tout simplement parce que j’aime conduire,j’aime mon métier. Même s’il y a des côtés que jesupporte de moins en moins, les déplacements,les pertes de temps... Je considère néanmoinsque j’ai une chance énorme de pouvoir vivre dema passion. Il n’y a pas beaucoup de gens qui ontcette opportunité. Et lorsque j’ai un peu le blues jeme dis que je n’ai pas le droit de me plaindre. Queje suis vraiment un privilégié.“Le jour où j’estimerai la prise de risque plus grande que le plaisir de piloter, j’arrêterai.” Rallye d’Acropole : Loeb vainqueur.Qu’est-ce qui, aujourd’hui, pourrait vous pousserà envisager d’arrêter votre carrière ?Le jour où cela me coûtera de m’installer au volantde ma voiture, où je ne prendrai plus de plaisir.Ou alors que j’estimerai que la prise de risque estplus grande que le plaisir de piloter. Ou bien si jesuis tenté par un nouveau challenge dans un autredomaine.L’arrêt de Citroën fin 2009 pourrait-il vousamener à vous interroger sur la suite de votrecarrière, ou vous pousser vers une autreéquipe ?D’abord, je ne pense pas que Citroën décided’arrêter les rallyes à la fin de la saison prochaine.Il est certain cependant que je ne vais pas faire durallye indéfiniment. Je pense plus trouver un nouveaudéfi, pourquoi pas en circuit (NDLR : en Endurance,Sébastien Loeb a couru les 24 Heures du Mans 2005et 2006 dans l’écurie Pescarolo). On verra bien.Franchement, je ne sais pas encore exactementde quoi demain sera fait. Mais en ce qui concerneun arrêt de Citroën, je ne crois vraiment pas quece soit le cas. Ce n’est pas dans leurs projets. PourIls ont raflé 10 des 14 rallyes 2008 (avant la Grande-Bretagne). Daniel Elena est indissociable du triomphe de Loeb.l’heure, mon avenir est planifié pour 2009. 2010,c’est encore loin. Je pense que je ferai encore durallye. Mais ce n’est pas sûr.De tous les grands champions, vous êtescelui qui est le plus discret, le moins à larecherche d’une reconnaissance ou d’unegloire médiatique. C’est étonnant dans lemonde d’aujourd’hui de se comporter ainsi...Je ne fais pas du rallye pour la gloire, mais simplementparce que cela me plaît. Je n’ai jamaisrecherché les honneurs. Je n’ai pas besoin de cela,au contraire. Je ne suis jamais plus heureux quelorsque je peux passer inaperçu, être avec mesproches sans être reconnu. Je n’ai rien à vendre. Jesuis comme je suis, je n’ai pas changé. ■DÉCEMBRE 2008 101