SPORT FORMULE 1La tornade financièreMENACE...V. ZASTOL’SKIY/FOTOLIA - PHOTOMONTAGE J. JODRYAvec le titre mondial de LewisHamilton, l’euphorie a envahile paddock de la F1. Mais paspour longtemps : la criseéconomique menace le sportle plus coûteux du monde.PAR ALEXANDRE PÉNIGAUTes jeux sont faits. Lewis Hamiltonrafle la mise chez les pilotes et Ferrarichez les constructeurs, au terme d’uneultime épreuve à Interlagos que la météocapricieuse aura rendue époustouflante. Maisen ce dimanche 2 novembre, l’orage brésilienportait en lui la nuée financière qui tourmentel’économie mondiale. En effet, le cielcommence à tomber sur la tête desgrands pontes de la Formule 1,le sport le plus dispendieux aumonde : les dépenses auraientatteint 1,6 milliard d’euros en2008 ! Une situation jugée “nondurable” par le président de laFédéra- tion internationale de102 DÉCEMBRE 2008D.R.Bernie Ecclestone.Le grand argentierde la F1 tire lasonnette d’alarme.l’automobile, Max Mosley, lors d’uneréunion de crise tenue en octobre : “Ily a maintenant un réel danger. Celapeut déboucher sur la réduction dunombre de compétiteurs et réduire lagrille à un niveau inacceptable.”Le retrait de l’écurie Super Aguriaprès quatre courses, malgré lesoutien de Honda, avait déjà sonnél’alerte. Pis, voilà un an que Mosley fait de laréduction des coûts son cheval de bataille. Sentantle vent tourner, il avait invité, en janvierdernier, les responsables des écuries à mesurerleur “insouciance”. Sans résultat. Le scandalesexuel qui l’éclaboussera plus tard finira par lediscréditer auprès de ses nombreux détracteurs,jusqu’à ce que la conjoncture parvienne enfin àlui donner raison. “Rien n’a été fait depuis cetteréunion, c’est certainement la plus grosse erreurque nous ayons commise. Nous aurions pu prendredes mesures pour la saison 2009, mais nous nel’avons pas fait, déplore le directeur de Williams,Adam Parr. Aujourd’hui, tout le monde a comprisqu’il fallait faire quelque chose.”Williams et Toro Rosso sur la selletteRalentissement, récession, dépression... peuimporte son nom, la crise est là, et voilà que lafaillite frappe aux portes de l’écurie phare desannées 1990, Williams. La dernière équipe duplateau à ne pas être financée par un constructeurou un milliardaire enregistre une perte deD.R.Frank Williams : menacé.62 millions d’euros sur ces deuxdernières années, et se fait lâcherpar ses sponsors (Royal Bank ofScotland, Petrobras). Toutefois, sil’épée de Damoclès menace Williams,Toro Rosso traîne également sacroix. Dès 2010, la petite scuderia(ex-Minardi) ne sera plus autoriséeà concourir avec une auto conçuepar une autre équipe, en l’occurrence Red Bull.Et son budget de 120 millions d’euros (trois foismoins que Ferrari et McLaren) ne lui permetpas de construire sa propre monoplace. “Jelutte pour courir seul. J’ai besoin de l’appui d’unconstructeur automobile, qui n’est pas là. Cesdeux prochaines années ne vont pas être faciles.Je pense que cela va tous nous toucher”, avoueson copropriétaire, Gerhard Berger. Pour nerien arranger, l’autre codétenteur des parts del’équipe, Dietrich Mateschitz (PDG de Red Bull),a mis en vente sa participation durant toute lasaison, sans trouver preneur...Heureusement, le partenariat technique qui liedeux équipes pourrait perdurer, voire s’étendreà tout le plateau. Pour Norbert Haug, patronde Mercedes <strong>Moto</strong>rsport, ce principe “d’équipecliente” dont jouit Toro Rosso avec Red Bull estprofitable à la F1 : “Il est très important que laF1 compte ces équipes, nous en avons une bonnepreuve avec la variété de vainqueurs cette année.C’est parfois mauvais pour nous, mais c’est bonpour le sport.” D’ailleurs, McLaren-Mercedes n’a
D.R.pas attendu la FIA pour venir en aide aux teamsindépendants. Son directeur, Ron Dennis, estainsi en pourparlers avec Force India, la seuleécurie à ne pas avoir inscrit de point cetteannée. Seulement, “nous avons besoin de prendreen considération les préoccupations des autreséquipes”, rappelle-t-il, avec l’épisode Prodriveen tête. Flashback : en 2007, l’écurie britanniqueprenait déjà les devants en souhaitantvendre ses monoplaces à une nouvelle écurie,Prodrive, avant de se raviser sous les foudresde ses adversaires... Williams en tête !Ferrari menace de partirLes convictions vacillent, l’opulence du F1Circus prend un goût amer, et les plans desauvetage tombent. Suppression des ravitaillements,courses plus courtes, essais réduits,plafonnement des salaires des pilotes (à l’instarFerrari, le team le plus riche... et le plus intransigeant.des basketteurs américains), tout est envisagé,même l’alignement de trois autos par équipepour maintenir l’effectif sur la grille malgréles défections. Cependant, la fédération tablesurtout sur une standardisation des éléments“que le public ne peut pas voir” et qui “n’apportentrien au spectacle ou à l’intérêt du public”, commeles suspensions, les roues ainsi que l’équipementle plus cher : la motorisation. En attendant lemoteur standard, les V8 devront tenir troiscourses en 2009. En outre, “la FIA a proposé (...)que les constructeurs s’engagent de façon conjointeà fournir aux équipes indépendantes des moteurspour moins de 5 millionsd’euros par saison”.Les F1 pourraient égalementdisposer toutesPour contenir lescoûts, la FIA planchesur la standardisationdes V8.DRLEWIS HAMILTON :L’ÉTAT DE GRÂCEFelipe Massa (Ferrari) aura été champion dumonde l’espace de deux tours. Mais aprèsavoir remporté son Grand Prix national, le Brésiliena vu son rêve s’échapper dans le derniervirage : profitant d’un problème de grip deTimo Glock (Toyota) à quelques hectomètresde la ligne d’arrivée, Lewis Hamilton atteint lacinquième place, synonyme de sacre. A 23 ans,celui qui se prénomme Carl Lewis – en hommageà l’athlète américain – devient le trentièmechampion en F1 et, surtout, le plus jeuneà occuper le trône suprême. Torpillé (jalousé ?)par la critique exaspérée par son pilotage sansscrupule, le prodige s’est rendu insensible à lapression pour signer cinq succès retentissants(Australie, Monaco, Grande-Bretagne, Allemagne,Chine). Son palmarès laisse pantois :un titre, 9 victoires, 22 podiums et 13 polepositions en 35 courses. Pour Ron Dennis,c’est la consécration : le patron de McLaren luiavait fait signer son premier contrat à l’âge de13 ans ! Et aujourd’hui, Michael Schumachervoit en lui le seul capable de battre son recordde sept titres.CLASSEMENT FINALPILOTES1 ER , HAMILTON (MCLAREN-MERCEDES),98 POINTS ; 2 e , Massa (Ferrari), 97 points ;3 e , Räikkönen (Ferrari), 75 points ; 4 e , Kubica(BMW), 75 points ; 5 e , Alonso (Renault),61 points ; 6 e , Heidfeld (BMW), 60 points ;7 e , Kovalainen (McLaren-Mercedes), 53 points.CONSTRUCTEURS1 ER , FERRARI, 172 POINTS ;2 e , McLaren-Mercedes, 151 points ; 3 e , BMW,135 points ; 4 e , Renault, 80 points ; 5 e , Toyota,56 points ; 6 e , Toro Rosso-Ferrari, 39 points ;7 e , Red Bull-Renault, 29 points.d’un même moteur, un appel d’offres a même étélancé pour trouver un fournisseur. Ce projet n’acependant pas l’heur de plaire à tout le monde,Toyota ayant menacé de claquerla porte. Un ultimatum suivi parFerrari ! Selon la Scuderia, la mieuxdotée du championnat, cette mesurepriverait “la Formule 1 de sa propreraison d’être, basée sur la compétitionet le développement technologique”.La réponse de la FIA neD.R.s’est pas fait attendre : “La FIA estravie du succès financier de Ferrariet espère qu’il se poursuivra. Maisun certain nombre d’équipes fontface à des coûts qui excèdent trèslargement leurs revenus. Ce n’estpas viable. Il revient désormaisLa motivationécologiqueau secours dela Formule 1 ?D.R.Les grosses écuries ont tiré les coûts technologiquestrès haut. Les équipes indépendantes ne suivent plus.aux constructeurs d’accepter l’une des propositionsde la FIA ou de présenter des propositions concrètespermettant de réduire les coûts à un niveauacceptable. Si rien ne se passe, la FIA prendratoutes les mesures nécessaires pour préserver unchampionnat du monde crédible à la fois pour lespilotes et pour les constructeurs.”L’olympisme, valeur refugeA côté de ces résolutions à caractère économiquese prépare une révolution technologiqueà motivation écologique. L’an prochain, l’hybridationfera son apparition en Endurance et,contrairement au diesel auquel la F1 a résisté,elle devrait finir par rejoindre l’élite, tôt outard. La FIA et l’association des équipes de F1(Fota) souhaiterait même “un bloc-moteur dehaute technologie avec un moteur plus compactutilisant un système de récupération de la chaleurdu moteur et des gaz d’échappement”, d’ici à 2013.L’image de paroxysme technique n’est donc pasinquiétée, ni la pérennité de la compétition. Dumoment que le spectacle est là ! Néanmoins, sila F1 devenait monotype, le doute gagneraitles formules de monoplaces qui pullulent dansl’antichambre. Quel intérêt auraient alors lesGP2, World Series by Renault, A1 GP, futursFormule 2 et GP3, avec leur médiatisation etleurs retombées quasi nulles ? Pour dénicherles talents, le karting suffit déjà...En attendant, le branle-bas de combat sepoursuit jusque sur le podium, où les trophéesseraient troqués contre des médailles ! Le championnatse jouerait donc selon un système (or,argent, bronze) analogue aux Jeux Olympiques.Un canular ? Jamais lorsque ça sort de la bouchedu grand argentier de la F1, Bernie Ecclestone :“En délivrant le titre mondial à l’homme qui gagnele plus de médailles d’or durant lasaison, ça forcerait les pilotes à allerchercher la victoire à chaque courseplutôt que de se contenter des huitpoints de la deuxième place.” Passûr que le public applaudisse unpilote sacré avec 20 points de moinsqu’un autre adversaire... Et quiddes pilotes classés au-delà du top 3 ? Les pointsseraient toujours attribués aux huit premiers,afin de permettre à toutes les écuries classées devoir leurs frais de transports annuels remboursés,comme cela se fait actuellement. Histoired’assurer que l’antienne de la F1 ne changerajamais, celle de courir... à tout prix. ■DÉCEMBRE 2008 103