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Novembre

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Un intellectuel burundais qui vit toujours dans le pays a raconté à nos organisations qu’« à la fin de<br />

chaque mois, le porte-parole du parti au pouvoir [Gélase Ndabirabe] donne une allocution à la télévision<br />

nationale et dit qu’il faut être vigilant du fait que les Tutsi veulent revenir au pouvoir. Les agents de<br />

l’État s’adressent aux Hutu en leur disant “il faut faire attention, vous savez en 72 212 ce sont les Tutsi,<br />

ils nous ont tués”. » Cette allusion systématique au génocide et aux massacres interethniques de<br />

1972 laisse entendre que “les Tutsi” pourraient à nouveau commettre des atrocités similaires<br />

contre les Hutu et inciter à la haine contre ce groupe ethnique. Cela pourrait servir à préparer les<br />

mentalités à la commission de violences de masse à caractère ethnique.<br />

Le 29 avril 2016, comme tous les ans, des cérémonies de recueillement ont eu lieu au Burundi<br />

à l’occasion de la commémoration des massacres interethniques de 1972. Cependant, pour la<br />

première fois dans l’histoire du pays, les associations de familles de victimes ont demandé aux<br />

autorités et aux Nations unies que cet épisode soit officiellement reconnu comme un génocide.<br />

Une « commémoration spéciale et synchronisée du 44 e anniversaire du génocide commis contre<br />

les Hutu du Burundi en 1972 » a été organisée à Bujumbura, à Ottawa, au Canada et à Paris, en<br />

France. Un observateur local a rapporté à nos organisations que « c’est bien la première fois que la<br />

commémoration prend autant d’ampleur au Burundi et que l’on voit des banderoles et des reportages<br />

passer en boucle à la RTNB ».<br />

Si les autorités n’ont pas encore répondu à cet appel, elles s’en sont largement faites le portevoix,<br />

notamment sur les réseaux sociaux, en multipliant les invitations au recueillement ainsi<br />

qu’à la radio-télévision nationale (RTNB), en autorisant la diffusion tous les soirs d’un reportage<br />

spécial sur les commémorations du 29 avril réalisé par les associations de victimes. Ce reportage<br />

remémore entre autres que des centaines de milliers de Hutu ont été exterminés et jetés dans<br />

des fosses communes.<br />

L’Accord d’Arusha d’août 2000 prévoit la mise en place d’une Commission Vérité et Réconciliation<br />

(CVR) dont l’une des missions est d’enquêter sur cet épisode tragique de l’histoire du Burundi.<br />

Après plus de dix années de négociations avec les autorités 213 , la CVR a finalement vu le jour<br />

au début du mois de mars 2016, à un moment où le pays n’a jamais été aussi divisé depuis les<br />

années 1990. Si certains pensent que la mise en route de la CVR tombe à point nommé pour<br />

aider à la réconciliation des Burundais, d’autres s’inquiètent de l’instrumentalisation dont elle<br />

pourra être l’objet. Jusqu’ici, son président, Monseigneur Jean Louis Nahimana, a bien mis en<br />

garde de ne pas réveiller « les démons du passé » dans une interview à RFI au cours de laquelle il<br />

a déclaré : « Que les gens cherchent à faire le deuil des membres de leur famille je crois qu’il n’y a pas<br />

de péché à faire cela. Mais si nous voulons vraiment être des personnes responsables, je pense que<br />

nous devons aussi tenir compte des contextes que nous traversons dans notre pays. Parce que la crise<br />

que nous traversons aujourd’hui au Burundi a réveillé les démons du passé, notamment les démons<br />

ethniques » 214 . Il a justement rappelé qu’il revenait à la CVR de qualifier les crimes commis en 1972<br />

et qu’il fallait la « laisser faire son travail ».<br />

Le président d’une organisation burundaise de défense des droits humains, qui a participé à<br />

l’intense plaidoyer de la société civile burundaise et internationale auprès des autorités entre 2005<br />

et décembre 2014 pour que la CVR soit mise en place, a mis en garde : « Cela faisait plus de dix<br />

ans que nous luttions auprès du gouvernement pour que cette CVR soit mise sur pied. C’était vraiment<br />

212. Allusion aux massacres interethniques de 1972.<br />

213. Des consultations nationales ont été organisées au Burundi pour recueillir l’opinion des populations à la base<br />

sur la question du mandat et de la composition d’une future Commission Vérité, Justice et Réconciliation.<br />

Le gouvernement n’a finalement pas tenu compte des observations des populations et a présenté son propre projet<br />

excluant notamment l’implication de la justice.<br />

214. RFI, « Burundi : polémique autour de la commémoration des massacres de 1972 », le 3 mai 2016, http://www.rfi.fr/<br />

afrique/20160503-burundi-polemique-commemoration-massacres-1972<br />

110<br />

FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires

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