Novembre

un instrument auquel les organisations de la société civile tenaient, afin de promouvoir la vérité et la
justice au Burundi. Mais cela n’avançait pas et les autorités faisaient barrage. Puis, brutalement et
comme par miracle, à la fin de l’année 2014, elles ont tout fait pour accélérer le processus, et la CVR a
vu le jour en un rien de temps [environ un an]… C’est tout de même louche. [...] Dans un tel contexte, où
toute parole dissidente est automatiquement muselée et où toutes les institutions sont au service de
l’appareil d’État, je ne vois pas comment la CVR pourrait travailler de façon pleinement indépendante.
C’est un vrai regret. » 215
La FIDH et la Ligue ITEKA exhortent les autorités burundaises à ne pas interférer dans les
activités de la Commission et à respecter son indépendance ainsi que la liberté d’expression de
ses membres. Nos organisations s’alarment de l’exploitation que font les autorités burundaises
du souvenir des massacres interethniques voire du génocide de 1972 et craignent que la CVR
ne soit instrumentalisée à des fins politiques. La qualification des massacres de 1972 en tant
que crime de génocide ou crime contre l’humanité ne doit pas occulter la réalité historique des
massacres de masse qui ont visé les populations hutu et tutsi. Pour autant, seuls les historiens,
des commissions indépendantes ou des organisations non politisées sont en mesure de donner
à ces crimes une qualification. La tentative du régime actuel d’instrumentaliser le passé pour
justifier ses actes dans le présent revient à s’ériger de victimes en bourreaux. Cela n’exclut en rien
leur responsabilité.
3. 12. 2. Propagande anti-Rwanda
Simultanément, les discours extrêmement virulents des autorités burundaises contre le Rwanda
et son président tutsi Paul Kagame battent leur plein et participent à renforcer l’idée que le Burundi
est menacé par un « ennemi commun extérieur », dont le plan est de commettre un génocide
contre les Hutu burundais.
Ainsi, dans son communiqué du 26 mars 2016, Pascal Nyabenda accuse le président Kagame
de vouloir « exporter » le génocide au Burundi et d’armer les rebelles burundais réfugiés sur son
territoire pour « les lancer sur leur pays d’origine afin de commettre le génocide chez eux » 216 . Lors
d’une allocution à la Radio Télévision nationale le 26 mars, le porte-parole du parti au pouvoir,
Gélase Ndabirabe, a déclaré : « Kagame, spécialiste des idées et plans génocidaires, pour les avoir
expérimentées chez lui, ne perd aucune seconde d’influer négativement pour la énième fois sur l’histoire
du Burundi en recrutant et en formant des réfugiés burundais pour provoquer un génocide dans leur
pays natal. »
Dans un communiqué publié le 16 août 2016, Pascal Nyabenda est même allé jusqu’à accuser
le gouvernement rwandais de 1994 d’avoir mis au point « des montages génocidaires [...] contre le
gouvernement hutu de Kigali » au moment du génocide de 1994 217 . Ces propos pourraient laisser
entendre que le Front patriotique rwandais (FPR), vainqueur de la guerre civile, avait à cette époque
procédé à des manipulations dans le but d’attribuer au gouvernement hutu la responsabilité du
génocide des Tutsi et semblent remettre en cause le génocide commis au Rwanda en 1994.
C’est en tout cas ce dont s’est inquiété le Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations unies
pour la prévention du génocide, Adama Dieng, qui a indiqué que « [c]ette déclaration irresponsable
pourrait être interprétée comme la négation du génocide [rwandais] et a le potentiel d’enflammer les
215. Entretien sous couvert d’anonymat, mai 2016.
216. Communiqué du CNDD-FDD du 26 mars 2016, op. cit.
217. Communiqué du CNDD-FDD du 16 août 2016, para. 3, http://cndd-fdd.net/2016/03/29/communique-n-0062016-
du-parti-cndd-fdd-du-26-mars-2016/
FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 111