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Novembre

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3. 3. 1. Rafles et sélection des victimes<br />

L’identification des contestataires<br />

Dès le déclenchement des manifestations à Bujumbura en avril 2015, les services de sécurité<br />

ont cherché à identifier les meneurs et les participants aux manifestations. Ainsi, les personnes<br />

arrêtées et détenues, notamment dans les locaux de la tristement célèbre Documentation 124 , étaient<br />

systématiquement interrogées sur l’identité de manifestants sur la base de photos prises au cours<br />

des manifestations. Ces interrogatoires systématiques auprès des milliers de personnes arrêtées<br />

ont permis aux services de sécurité de constituer des fichiers, des listes et de rassembler des<br />

informations sur des milliers de personnes considérées à tort ou à raison comme des opposants<br />

au régime en place. Si cette vaste entreprise de fichage et de renseignements visait au début à<br />

identifier les manifestants, la machine sécuritaire semble s’être emballée et ce sont aujourd’hui des<br />

populations entières qui seraient la cible de ce fichage de masse. Être parent ou ami d’un individu<br />

identifié comme « contestataire » ou opposé au régime est aujourd’hui passible d’arrestation et<br />

de torture afin que soient livrées des informations sur l’identité, la localisation et les activités du<br />

« suspect ».<br />

Les services de sécurité s’appuient donc sur des listes de noms, des fichiers et des photos,<br />

identifiant les individus à arrêter, emprisonner et parfois exécuter. Ces registres sont utilisés pour<br />

mener des filatures et retrouver ces « indésirables ». Ils sont également utilisés au moment des<br />

contrôles d’identité menés quotidiennement par la police sur l’ensemble du territoire burundais et<br />

aux postes frontières. Figurer sur ces listes voue à être la cible certaine d’une arrestation. Ces listes<br />

ont commencé à être établies en avril 2015 par les services de renseignement et les Imbonerakure<br />

qui ont notamment utilisé des vidéos et des photos prises pendant les manifestations et qui ont<br />

circulé sur Internet et les réseaux sociaux. Différents témoignages indiquent également que des<br />

albums photos ont été récupérés illégalement chez certains habitants de Bujumbura à l’occasion<br />

de fouilles et de perquisitions réalisées par la police, les Imbonerakure et le SNR. D’après des<br />

informations de terrain, ces listes sont régulièrement actualisées.<br />

Un homme d’une trentaine d’années qui a été arrêté dans le quartier de Nyakabiga et a survécu<br />

à une exécution extrajudiciaire le 11 décembre 2015 a raconté à nos organisations comment il a<br />

été traqué par ses assassins :<br />

« Ils [les policiers] ont publié les photos qu’ils avaient trouvées dans un album qui se trouvait<br />

chez moi partout. […] J’ai donc traversé la frontière par la forêt avec une autre personne qui<br />

avait fui comme moi, sans que je la connaisse avant. Nous avons dû traverser la frontière par<br />

la forêt car nos photos avaient été diffusées aux postes frontières. Je le sais car même à la<br />

Documentation mes photos étaient affichées. Les policiers et les militaires avaient toujours<br />

des photos quand ils allaient arrêter les gens. »<br />

Un habitant du quartier de Ngagara, âgé de 26 ans, qui n’a pas participé aux manifestations antitroisième<br />

mandat et n’appartient à aucun parti politique a raconté à la mission :<br />

« Le 12 janvier 2016, vers 9 h du matin, je me rendais comme à mon habitude à l’école. J’allais<br />

prendre le bus, et alors que je m’avançais vers l’arrêt d’autobus, un pick up s’est arrêté devant<br />

124. Il s’agit des locaux du Service national de renseignement (SNR) anciennement intitulé Service de recherche et de<br />

documentation. Les services de renseignement burundais y ont pratiqué de tous temps et sous tous les régimes la<br />

torture des personnes détenues. Voir notamment les rapports de la FIDH : Burundi - Les élections de 2010 : un test à<br />

ne pas rater pour consolider la paix, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/Burundi-Les-elections-de-2010-<br />

un et Burundi, : soutenir la société civile déjà en 1998, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/Soutenir-lasociete-civile.<br />

FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 69

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