Novembre
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génocidaire » 75 . L’emploi de cette sémantique répand l’idée que les opposants au régime en<br />
place planifient de commettre un génocide contre les Hutu au Burundi, ce qui pourrait justifier,<br />
dans leur logique, que des actes de violence à caractère génocidaire puissent être commis, de<br />
façon préventive ou dans le cas où les autorités le jugeraient nécessaire : par exemple on peut<br />
envisager ce « déclencheur » par des attaques armées des groupes de l’opposition armés ou de<br />
pays étrangers, assassinat ou tentative d’assassinat du président ou de membres du régime, etc.<br />
Les autorités semblent ainsi préparer les esprits à des violences de masse pouvant revêtir pour<br />
le besoin de la mobilisation populaire ou leur justification un caractère politique, ethnique voire<br />
génocidaire.<br />
Ainsi, les actes et les propos des autorités burundaises tendent vers une radicalisation toujours<br />
plus inquiétante qui doit pousser la communauté internationale à réagir de toute urgence. Les<br />
tenants du pouvoir considèrent qu’ils sont les représentants uniques du peuple et renvoient tout<br />
pluralisme politique et ethnique à un « eux » contre « nous », extrêmement mortifère pour le pays.<br />
Nos organisations constatent que le caractère ethnique de la répression est désormais avéré<br />
et que la rhétorique autoritaire et génocidaire utilisée par les autorités, ainsi que des militants<br />
du CNDD-FDD sur l’ensemble du territoire, rappelle celle invoquée lors des massacres de Hutu à<br />
caractère génocidaire des quarante dernières années et en particulier lors des massacres de 1972.<br />
D’autres signaux sont particulièrement préoccupants. Nos organisations ont été alertées par<br />
différentes sources sur le terrain de la distribution, au début de l’année 2016, de téléphones<br />
portables à tous les Conseils locaux de sécurité (i.e les chefs de collines 76 ) et moniteurs agricoles<br />
du Burundi. Ces téléphones, distribués aux Conseils locaux de sécurité, dont la grande majorité<br />
soutient les autorités en place, renforcent le maillage des autorités sur les populations. Ces<br />
Conseils locaux de sécurité et leurs moyens de communication pourraient servir à passer des<br />
mots d’ordre du pouvoir, y compris dans le cas où la situation dégénérerait. Plusieurs sources 77 ont<br />
également évoqué la distribution massive de machettes par le ministère de l’Agriculture entre la<br />
fin du mois de janvier et le début du mois de février 2016. Il est pour autant impossible d’affirmer<br />
que ces machettes ont été fournies à des fins d’armement de la population même si l’on peut<br />
supposer qu’elles pourraient être utilisées pour commettre des violences de masse en cas de<br />
déclenchement d’un conflit local, d’une guerre civile, d’appels à une levée en masse ou dans le cadre<br />
d’opération plus localisées. Le 1 er mai 2016, le président Nkurunziza a annoncé que les travaux<br />
communautaires 78 , qui ont lieu tous les samedis, allaient désormais se focaliser sur l’installation de<br />
latrines (trou béant de plusieurs mètres de profondeur creusé dans la terre) sur toutes les routes,<br />
sur toutes les collines, sur les marchés, et sur tous les lieux publics. Nos organisations s’inquiètent<br />
de ce que ces latrines puissent être utilisées comme des fosses communes, comme ce fut le cas<br />
pendant cette crise et en 1994 au moment du génocide des Tutsi au Rwanda. Quelques mois<br />
avant le génocide, les autorités rwandaises avaient ordonné la construction de latrines partout<br />
dans le pays, lesquelles se sont transformées en charniers entre avril et juillet 1994. Tous ces<br />
signaux, pris indépendamment les uns des autres, peuvent paraître insignifiants. Mis ensemble<br />
et en cohérence, ils peuvent indiquer que le pouvoir en place se prépare à toute éventualité, voire<br />
que la situation est en train de virer au rouge.<br />
75. COMMUNIQUE N° 006/2016 DU PARTI CNDD-FDD DU 26 MARS 2016,COMMUNIQUE N° 006/2016 DU PARTI CNDD-<br />
FDD DU 26 MARS 2016, ibid.<br />
76. Les chefs de colline sont des intermédiaires entre la population et l’administration locale. Ils sont des relais locaux<br />
permettant de transmettre aux populations rurales les décisions prises par le gouvernement et de veiller à leur mise<br />
en application. Ils sont élus par les habitants de chaque colline. Dans les villes, ces attributions sont celles des chefs<br />
de quartiers.<br />
77. Des membres d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains qui ont témoigné sous<br />
couvert d’anonymat.<br />
78. En 2006, le président Pierre Nkurunziza a institué des travaux communautaires chaque samedi. Il s’agit pour toute la<br />
population burundaise de travailler à la propreté de leur quartier ou de leur commune.<br />
FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 41