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Si le projet originel du président Nkurunziza et des cercles dirigeants burundais semblait être la conservation du pouvoir, force est de constater qu’ils engagent tous les moyens à leur disposition pour y parvenir. Ainsi, tous les critères et les conditions de la perpétration d’un génocide sont en place : une idéologie, une intention, des organes de sécurité et des relais de mobilisation notamment via des milices, un ciblage des populations à éliminer, des justifications historiques pour le faire. Si les Tutsi ne sont pas les seuls visés par le régime, le ressort ethnique est suffisamment instrumentalisé pour qualifier la situation actuelle au Burundi de répression aux dynamiques génocidaires. Nos organisations alertent sur le risque que ces dynamiques s’intensifient et puissent mener à la commission d’un génocide au Burundi. Une dynamique de radicalisation En octobre 2016, les autorités burundaises ont pris en moins d’une semaine une série de décisions démontrant que le régime se radicalise et s’engage dans une fuite en avant : dénonciation d’un rapport des Nations unies sur les droits humains accablant pour le régime ; les trois experts des Nations unies et de l’Union africaine, auteurs du rapport, sont déclarés persona non grata ; dans la foulée, le Burundi suspend sa coopération avec le Haut Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies ; puis annonce sa sortie de la Cour pénale internationale (CPI) ; et enfin cinq organisations burundaises de défense des droits humains dont la Ligue ITEKA sont suspendues et cinq autres radiées. Il est également à craindre que cette rupture consommée avec la communauté internationale ne soit annonciatrice d’une nouvelle intensification de la répression et des crimes contre les populations considérées comme hostiles au régime. Toute réaction des groupes armés d’opposition ou de pays voisins, en particulier le Rwanda, pour assurer la protection des populations civiles pourrait donner le signal de meurtres de masse, d’un génocide – pas forcément populaire – ou d’une nouvelle guerre civile meurtrière. La fuite en avant des autorités burundaises intervient après plus d’un an de tentatives de l’Union africaine, des Nations unies et de la communauté internationale pour pousser le gouvernement et l’opposition vers un dialogue politique qui est aujourd’hui au point mort. Les médiateurs successifs n’auront pas été en mesure de faire infléchir le pouvoir. Les autorités burundaises bénéficient moins de réels soutiens en Afrique et dans le monde que d’une conjoncture internationale où s’affrontent d’un côté les tenants d’un nationalisme invoquant la souveraineté nationale pour interdire toute ingérence, quitte à accepter l’inacceptable ; et de l’autre, les partisans d’un interventionnisme trop sélectif pour offrir une alternative acceptable par tous aux dérives sans limite d’un régime burundais de plus en plus replié sur lui-même. Des mesures de sanctions salutaires ont pourtant été adoptées par l’Union européenne et certains pays tels que les États- Unis, la Belgique, et la France. L’Union africaine a envoyé une commission d’enquête au Burundi et dressé une liste de personnalités sanctionnables qui n’a pas été rendue publique. Elle a aussi déployé moins de 70 observateurs militaires et des droits de l’Homme qui ne peuvent opérer sur le terrain. Le Burundi ayant systématiquement fait obstruction à toutes les décisions de l’UA ou des Nations unies depuis le début de la crise, la situation semble bloquée alors que le pays n’a, pour les puissants, qu’un intérêt stratégique limité et que les situations de crise se multiplient en Afrique centrale. Le président Nkurunziza sait aussi pouvoir compter sur la passivité de quelques chefs d’États africains peu enclins à dénoncer au Burundi un autoritarisme qu’ils ont également instauré chez eux pour conserver le pouvoir. Pour de nombreux observateurs, il faudra le déclenchement d’une catastrophe suffisamment visible au Burundi pour que la communauté internationale intervienne, aux premiers rangs de laquelle l’Union africaine qui avait échoué à envoyer début 2016 une force africaine de maintien de la paix de 5 000 hommes (MAPROBU) et les Nations unies une force de police de 228 hommes en juillet 2016. 12 FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires
.La FIDH et la Ligue ITEKA ne partagent pas ce fatalisme et exhortent l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et la communauté internationale à : • Envoyer une force de protection des civils au Burundi ; • Adopter des sanctions ciblées et individuelles contre les auteurs et responsables des graves violations des droits humains citées dans ce rapport ; • Mettre tout en œuvre pour relancer le dialogue politique et trouver une issue pacifique à la crise ; • Continuer de mener des enquêtes incriminantes sur les graves violations des droits humains . Outre des recommandations détaillées à l’attention de chaque acteur, ce rapport contient des annexes confidentielles qui seront transmises de façon sécurisée à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) afin de contribuer à l’ouverture d’une enquête sur les crimes de sa compétence commis depuis avril 2015. FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 13
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