Novembre

3. 13. 1. Défenseurs des droits humains
Le 23 novembre 2015, les activités de dix ONG de défense des droits humains ont été suspendues
et leurs comptes bancaires gelés 252 . Les comptes bancaires de deux autres organisations de
défense des droits humains, dont ceux de la Ligue ITEKA, ont été gelés le 7 décembre 253 . Selon un
défenseur des droits humains local, cette mesure vise à « anéantir la société civile burundaise », à
réduire toujours plus drastiquement l’espace des libertés fondamentales et faire taire toute voix
dissidente.
La quasi totalité des cadres des ONG de défense des droits humains ont fui le pays et les
défenseurs des droits humains toujours sur le terrain vivent pour la plupart dans la clandestinité.
Ils sont exposés à des menaces, des actes de harcèlement et d’intimidation et des risques
quotidiens, ainsi qu’à un manque substantiel de ressources financières et matérielles qui rend
extrêmement difficile et périlleux le travail de documentation des violations. Beaucoup sont
l’objet d’une surveillance rapprochée. Cette situation a contraint nombre d’entre eux à cesser
leurs activités.
Menaces et attaques contre les défenseurs des droits humains
Si les défenseurs des droits humains sont depuis 2010 dans le collimateur du régime, les menaces
et les attaques à leur encontre ainsi que la surveillance dont ils sont l’objet se sont accrues de
façon dramatique depuis avril 2015.
Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue ITEKA, organisation membre du mouvement « Halte
au 3 ème mandat », qui a été forcé de quitter le pays en novembre 2015, témoigne 254 :
« Après le putsch du 13 mai, j’ai commencé à être l’objet d’intimidations. Je recevais des coups
de téléphone anonymes et on me disait “Ces derniers jours, tu communiques pas moins de cinq
fois par jour à l’extérieur du pays. Est-ce que tu penses au moins une minute à tes enfants ?”
J’ai pris peur et j’ai envoyé ma famille dans une province de l’intérieur du pays, puis je les ai
rejoints. [...]. Une semaine après, j’ai décidé de retourner dans la capitale afin de continuer la
lutte. Je logeais dans des hôtels. La semaine suivante, ma femme a été menacée [...]. Puis
deux semaines après, j’ai reçu des informations crédibles selon lesquelles mes enfants étaient
ciblés par des Imbonerakure de la localité où ils se trouvaient ainsi que par des agents du
service de renseignement parce que c’étaient les enfants du président d’une organisation qui
refuse le troisième mandat de P. Nkurunziza. Le 9 août 2015, des policiers [...] m’ont averti
des risques sécuritaires que j’encourais et le lendemain, deux policiers se sont positionnés
devant le portail de l’appartement où je résidais entre 18 h et 23 h. J’ai continué à recevoir des
coups de téléphone anonymes et à vivre caché. Je ne sortais plus de mon appartement. Puis,
en novembre, un habitant du quartier de Kamenge m’a informé qu’il avait vu et entendu des
policiers recevoir du commissaire Ayub [connu pour son rôle actif dans la répression] l’ordre de
“me chercher partout et de me tuer”, ajoutant qu’il “avait besoin de moi comme cadavre” et que
s’il ne me trouvait pas, il fallait “décimer ma famille”. J’ai alors décidé de quitter le pays. » 255
252. Lire notamment l’Appel urgent de l’Observatoire, « Suspension provisoire des activités de 10 ONG de défense
des droits de l’homme », le 25 novembre 2015, https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/
burundi-suspension-provisoire-des-activites-de-10-ong-de-defense-des
253. Lire notamment l’Appel Urgent de l’Observatoire, « Gel des comptes de trois nouvelles organisations de défense pour
les droits de l’Homme », le 11 décembre 2015, https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/
burundi-gel-des-comptes-de-trois-nouvelles-organisations-de-defense
254. Le témoignage date d’août 2015. Voir également L’Observatoire, « Burundi : Actes d’intimidation à l’encontre de
M. Anschaire Nikoyagize », le 14 août 2015, https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/burundi-actes-dintimidation-a-l-encontre-de-m-anschaire-nikoyagize
255. L’Observatoire, ibid.
FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 119