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Novembre

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2016, six jours après son adoption par l’Assemblée nationale et le Sénat, le président Pierre<br />

Nkurunziza promulgue la loi, qui « entre en vigueur le jour de sa promulgation » 407 .<br />

Cette décision, qui fait du Burundi le premier État à se retirer de la CPI, intervient deux jours après<br />

la suspension par le gouvernement de la coopération avec le Haut Commissariat des Nations<br />

unies aux droits de l’Homme 408 , et surtout près d’un mois après la parution du rapport de l’enquête<br />

indépendante des Nations unies sur le Burundi (EINUB) 409 indiquant que « des violations graves des<br />

droits de l’Homme ont été et sont commises principalement par des agents de l’État et ceux qui sont liés<br />

à eux », que « ces violations graves sont systématiques et constantes et l’impunité [...] omniprésente »<br />

et concluant qu’« étant donné l’histoire du pays, le danger du crime de génocide est grand ».<br />

Ce retrait du Burundi de la CPI résonne comme un aveu de culpabilité car il ne saurait avoir<br />

d’impact sur l’examen préliminaire en cours devant la Cour. La Procureure de la CPI a au moins<br />

pendant un an la possibilité d’ouvrir une enquête sur les crimes de sa compétence perpétrés au<br />

Burundi 410 . Cette disposition du Statut de Rome 411 issue de la coutume internationale a justement<br />

été prévue pour éviter le retrait intempestif d’un État à un traité et qu’il puisse ainsi se soustraire<br />

à ses obligations en fonction des circonstances. Cette jurisprudence a été réaffirmée en 2016<br />

par la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples dans l’affaire Victoire Ingabire contre la<br />

République du Rwanda 412 .<br />

En quittant la CPI, les plus hautes autorités burundaises espèrent-elles échapper à des poursuites<br />

pénales engagées par la Cour ? Le président burundais semble en tout cas avoir fait le pari de<br />

bloquer l’action de la CPI en passant sur le champ politique et en engageant un mouvement<br />

massif de retrait de la Cour par des États africains. Et cela semble marcher, puisque les 21 et 25<br />

octobre 2016, l’Afrique du Sud et la Gambie ont annoncé leur volonté de se retirer eux aussi de<br />

la CPI. Ils devraient bientôt être rejoints par d’autres États connus pour leur opposition à la CPI<br />

et qui tentent depuis plusieurs années de provoquer ce mouvement de départ 413 . Les dirigeants<br />

de ces États sont connus pour leur manque de gouvernance, leur autoritarisme, voire sont euxmême<br />

poursuivis ou ont été poursuivis par la CPI 414 . Pour rester membre de la CPI, ces dirigeants<br />

exigeaient de bénéficier de l’immunité de fonction qui les protégeraient de toute poursuite pénale<br />

pour des crimes qu’ils ont commis ou pourraient commettre. Il s’agit donc de revenir sur une des<br />

avancées majeure de la CPI : la fin de l’impunité pour les plus hauts dirigeants.<br />

Pour justifier cette politique punitive contre la CPI et l’exigence d’impunité de ces chefs d’États<br />

africains, la ministre burundaise de la Justice résume l’argument principal de ces dirigeants en<br />

407. Loi N° 1/14 du 18 octobre 2016, voir https://twitter.com/BdiPresidence/status/788405095444668416/photo/1<br />

408. Voir supra et la Déclaration du gouvernement burundais sur la collaboration et la coopération avec l’Office du Haut<br />

Commissariat des droits de l’Homme au Burundi, 11 octobre 2016, http://www.burundi.gov.bi/spip.php?article1538<br />

409. Voir supra.<br />

410. Ce retrait ne prendra effet qu’un an après la notification de ce retrait au Secrétaire général des Nations unies.<br />

Article 127.1 du Statut de la CPI.<br />

411. Article 127.1 du Statut de la CPI.<br />

412. Affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, Ordonnance du 18 mars 2016 - Requête no 003/2014 ;<br />

http://fr.african-court.org/images/Cases/Orders/Ordonnance%20Req.%20003-2014%20Ingabire%20Victoire%20<br />

Umuhoza%20c.%20R%C3%A9publique%20du%20Rwanda.PDF<br />

413. La dernière initiative en date a été la proposition de résolution faite par le président kényan Uhuru Kenyatta et<br />

adoptée à la fin du sommet de l’UA le 31 janvier 2015 en faveur du retrait des pays africains de la Cour pénale<br />

internationale. L’Union africaine n’étant pas membre de la CPI, cette résolution n’avait pas de valeur juridique.<br />

414. Le président sud-africain Jacob Zuma est poursuivi pour des détournements de fonds et abus de biens sociaux dans<br />

son pays où ils est de plus en plus critiqué ; la CPI a abandonné ses poursuites contre le président kenyan Uhuru<br />

Kenyatta et son vice-président William Ruto, qu’elle soupçonnait d’être les principaux instigateurs des violences<br />

consécutives aux élections générales de 2007 au Kenya et qui avaient fait plus de mille morts et près de 300 000<br />

déplacés ; la CPI a émis deux mandats d’arrêt contre le président soudanais Omar El Beshir, en 2009 et en 2010,<br />

pour crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide au Darfour… pour ne citer que ces dirigeants africains<br />

notablement contre la CPI.<br />

FIDH - BURUNDI : Répression aux dynamiques génocidaires 179

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