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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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214 LE MONDE DE SOPHIE<br />

une ou <strong>de</strong>ux semaines pour nous. Ça rappelle un peu ce que tu<br />

as dit à propos <strong>de</strong> Dieu !<br />

<strong>Sophie</strong> sentit les traits du visage sous la capuche brune se<br />

contracter.<br />

— Il <strong>de</strong>vrait avoir honte !<br />

<strong>Sophie</strong> ne comprenait pas ce qu'il entendait par là, ce<br />

n'était peut-être qu'une façon <strong>de</strong> parler.<br />

Alberto reprit :<br />

— Malheureusement, saint Thomas d'Aquin reprit aussi à<br />

son compte la conception d'Aristote sur la femme. Tu te rappelles<br />

peut-être qu'Aristote considérait la femme presque<br />

comme un homme imparfait. Selon lui les enfants n'héritaient<br />

que les qualités du père. La femme était l'élément passif et<br />

accueillant, l'homme l'élément actif et responsable <strong>de</strong> la<br />

forme. Ces idées correspondaient selon saint Thomas à ce<br />

qu'on lisait dans la Bible, par exemple quand il est écrit que<br />

la femme est née <strong>de</strong> la côte <strong>de</strong> l'homme.<br />

— N'importe quoi !<br />

— Il n'est pas sans importance <strong>de</strong> faire remarquer que la<br />

reproduction <strong>de</strong>s mammifères ne fut étudiée qu'en 1827.<br />

Aussi n'est-ce pas étonnant si l'on croyait que l'homme était<br />

celui qui créait et donnait la vie. Notons aussi que pour saint<br />

Thomas les femmes sont subordonnées aux hommes uniquement<br />

en tant que créatures. L'âme <strong>de</strong> la femme est l'égale <strong>de</strong><br />

celle <strong>de</strong> l'homme. Dans le ciel, règne l'égalité entre les sexes<br />

tout simplement parce que toutes les différences liées au sexe<br />

<strong>de</strong>s corps sont abolies.<br />

— Mince consolation ! Il n'y avait pas <strong>de</strong> femmes philosophes<br />

durant le Moyen Âge ?<br />

— La vie <strong>de</strong> l'Église a été dominée par les hommes ; ce qui<br />

ne signifie pas obligatoirement qu'il n'y avait pas <strong>de</strong> femmes<br />

penseurs. L'une d'elles par exemple s'appelait Hil<strong>de</strong>gar<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

Bingen...<br />

<strong>Sophie</strong> écarquilla les yeux :<br />

— Elle a quelque chose à voir avec Hil<strong>de</strong>?<br />

— Quelle question ! Hil<strong>de</strong>gar<strong>de</strong> était une nonne qui a vécu<br />

dans la vallée du Rhin <strong>de</strong> 1098 à 1179. Bien qu'elle fût une<br />

LE MOYEN ÂGE<br />

femme, elle a prêché, écrit, soigné les mala<strong>de</strong>s, étudié la botanique<br />

et la nature. On peut la considérer comme un symbole<br />

<strong>de</strong> l'attachement tout particulier <strong>de</strong>s femmes du Moyen Âge<br />

aux valeurs <strong>de</strong> la terre et même <strong>de</strong> la science tout court.<br />

— Je voulais juste savoir si elle avait un rapport avec Hil<strong>de</strong>?<br />

— Selon une vieille conception chrétienne et juive, Dieu<br />

n'était pas seulement homme. Il avait aussi un côté féminin,<br />

une « nature maternelle ». Car les femmes aussi sont créées à<br />

l'image <strong>de</strong> Dieu. <strong>En</strong> grec, ce côté féminin chez Dieu se nomme<br />

« Sophia » ou « <strong>Sophie</strong> », et signifie « sagesse ».<br />

<strong>Sophie</strong>, furieuse, fit un violent mouvement <strong>de</strong> tête : pourquoi<br />

n'en avait-elle jamais entendu parler? Et pourquoi<br />

n'avait-elle jamais eu l'idée <strong>de</strong> poser la question ?<br />

— Aussi bien parmi les juifs que dans l'Église orthodoxe<br />

grecque, reprit Alberto, Sophia, c'est-à-dire la nature maternelle<br />

<strong>de</strong> Dieu, joua un certain rôle durant le Moyen Âge. <strong>En</strong><br />

Occi<strong>de</strong>nt, par contre, elle tomba dans l'oubli. Jusqu'à l'arrivée<br />

<strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>gar<strong>de</strong>. Elle raconte avoir vu <strong>de</strong>s apparitions <strong>de</strong><br />

Sophia. Celle-ci était habillée d'une tunique dorée richement<br />

ornée <strong>de</strong> pierres précieuses...<br />

À cet instant, <strong>Sophie</strong> se leva du banc où elle était assise.<br />

Hil<strong>de</strong>gar<strong>de</strong> avait vu <strong>de</strong>s apparitions <strong>de</strong> Sophia...<br />

— Peut-être que j'apparais à Hil<strong>de</strong>.<br />

Elle se rassit et, pour la troisième fois, Alberto lui posa la<br />

main sur l'épaule.<br />

— Nous tirerons cela au clair. Mais il est presque une<br />

heure. Tu vas prendre ton petit déjeuner, et c'est l'avènement<br />

d'une nouvelle époque. Je te convoquerai très prochainement<br />

à une rencontre à propos <strong>de</strong> la Renaissance. Hermès viendra<br />

te chercher dans le jardin.<br />

Sur ces mots, l'étrange moine se leva et se dirigea vers<br />

l'église. <strong>Sophie</strong> resta à sa place, la tête bourdonnant <strong>de</strong> pensées<br />

au sujet <strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>gar<strong>de</strong> et Sophia, Hil<strong>de</strong> et <strong>Sophie</strong>. Elle<br />

sentit soudain un frisson traverser tout son corps. Elle se leva<br />

et lança au professeur <strong>de</strong> philosophie en habit <strong>de</strong> moine :<br />

— Est-ce qu'il existait au Moyen Âge quelqu'un du nom<br />

d'Alberto?<br />

215

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