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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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456<br />

LE MONDE DE SOPHIE<br />

« C'est une découverte humiliante, et moins on en parlera,<br />

mieux ça vaudra. »<br />

— On dirait qu'ils veulent plutôt démontrer que l'homme<br />

<strong>de</strong>scend <strong>de</strong> l'autruche!<br />

— Ça, tu peux le dire ! Mais il est facile <strong>de</strong> juger avec le recul,<br />

alors que sur le moment beaucoup se voyaient contraints <strong>de</strong><br />

voir d'un œil radicalement neuf tout le récit <strong>de</strong> la Création dans<br />

la Bible. <strong>Le</strong> jeune écrivain John Ruskin l'exprima en ces<br />

termes : « Si seulement les géologues pouvaient me laisser tranquille.<br />

À la fin <strong>de</strong> chaque verset <strong>de</strong> la Bible, j'entends résonner<br />

les coups <strong>de</strong> leur marteau. »<br />

— Et ces coups <strong>de</strong> marteau, c'était la parole <strong>de</strong> Dieu mise en<br />

doute?<br />

— Sans doute. Mais ce n'était pas seulement l'interprétation<br />

au pied <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong> la Création dans la Bible qui <strong>de</strong>venait<br />

caduque. Toute la théorie <strong>de</strong> Darwin repose sur l'idée que ce<br />

sont <strong>de</strong>s variations tout à fait acci<strong>de</strong>ntelles qui ont, en <strong>de</strong>rnière<br />

instance, permis à l'homme d'apparaître sur la Terre. <strong>En</strong><br />

d'autres termes, Darwin avait osé faire <strong>de</strong> l'homme le produit<br />

<strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> fort peu romantique, à savoir la « lutte<br />

pour la vie ».<br />

—- Est-ce que Darwin précise comment ont lieu ces « variations<br />

acci<strong>de</strong>ntelles »?<br />

— Tu touches là le point faible <strong>de</strong> sa théorie. Il ne pressentait<br />

que très vaguement l'importance <strong>de</strong> l'hérédité. Certains caractères<br />

disparaissent lors d'un croisement. Un couple n'aura<br />

jamais <strong>de</strong>ux enfants parfaitement i<strong>de</strong>ntiques. Déjà là, il y aura<br />

une légère variation. D'un autre côté, jamais quelque chose <strong>de</strong><br />

vraiment neuf ne verra le jour <strong>de</strong> cette manière. Il y a <strong>de</strong>s<br />

plantes et <strong>de</strong>s animaux qui se créent par gemmation ou division<br />

cellulaire. Quant à savoir comment ces variations apparaissent,<br />

le néo-darwinisme s'est chargé d'y répondre en complétant ainsi<br />

la théorie <strong>de</strong> Darwin.<br />

— Raconte !<br />

— Tout ce qui est vivant, tout ce qui se crée a fondamentalement<br />

un rapport avec la division cellulaire. Quand une cellule<br />

se divise en <strong>de</strong>ux, cela crée <strong>de</strong>ux cellules avec exactement le<br />

même patrimoine génétique. La division cellulaire est en fait un<br />

processus <strong>de</strong> duplication d'une cellule.<br />

— Et alors?<br />

DARWIN 457<br />

— Mais il arrive que <strong>de</strong> minuscules erreurs se glissent lors<br />

<strong>de</strong> ce processus, <strong>de</strong> sorte que le double <strong>de</strong> la cellule ne ressemble<br />

pas cent pour cent à la cellule qui a servi <strong>de</strong> modèle. La<br />

biologie mo<strong>de</strong>rne appelle cela une mutation. Certaines mutations<br />

peuvent n'avoir pas le moindre intérêt, tandis que<br />

d'autres peuvent provoquer <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s modifications dans les<br />

qualités <strong>de</strong> l'individu. Il peut y en avoir <strong>de</strong> carrément nuisibles<br />

et ces « mutants » doivent régulièrement être supprimés à la<br />

prochaine génération. Beaucoup <strong>de</strong> maladies sont en fait la<br />

marque d'une mutation. Toutefois, une mutation peut aussi<br />

donner à l'individu précisément le petit « plus » dont il a<br />

besoin pour mieux lutter pour sa survie.<br />

— Comme avoir un long cou par exemple ?<br />

— Lamarck prétendait que les girafes avaient fini par avoir<br />

un long cou à force <strong>de</strong> le tendre pour attraper les feuilles <strong>de</strong>s<br />

arbres. Mais d'un point <strong>de</strong> vue darwiniste, une caractéristique<br />

<strong>de</strong> ce genre ne se transmet pas d'une génération à l'autre.<br />

Darwin considérait le long cou <strong>de</strong>s girafes comme une variation<br />

naturelle <strong>de</strong>s cous <strong>de</strong>s ancêtres. <strong>Le</strong> néo-darwinisme se contente<br />

<strong>de</strong> donner la cause <strong>de</strong> telle ou telle variation.<br />

-— Ce qu'on appelle les mutations.<br />

— Oui, <strong>de</strong>s modifications tout à fait acci<strong>de</strong>ntelles du patrimoine<br />

génétique ont doté certains ancêtres <strong>de</strong>s girafes d'un cou<br />

un peu plus long que la moyenne. Comme la nourriture était<br />

limitée, ce détail eut son importance car celle qui atteignait les<br />

branches les plus élevées s'en sortait mieux. Il est également<br />

fort probable que, parmi ces ancêtres <strong>de</strong> girafes, certaines développèrent<br />

la faculté <strong>de</strong> creuser la terre à la recherche <strong>de</strong> nourriture.<br />

Au bout d'un certain temps, une race en voie d'extinction<br />

peut donc se diviser en <strong>de</strong>ux nouvelles races.<br />

— Je vois.<br />

— Nous allons prendre quelques exemples plus récents pour<br />

montrer comment s'opère cette sélection naturelle. C'est en fait<br />

un principe extrêmement simple.<br />

— Je t'écoute.<br />

— Il existe en Angleterre une espèce <strong>de</strong> papillon que l'on<br />

appelle la phalène du bouleau. Comme son nom l'indique, il<br />

habite sur les troncs clairs <strong>de</strong>s bouleaux. Si nous remontons au<br />

xvIII e siècle, la plupart <strong>de</strong> ces papillons étaient d'un beau bleugris.<br />

Et tu sais pourquoi, <strong>Sophie</strong> ?

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