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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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226<br />

LE MONDE DE SOPHIE<br />

— Tout le mon<strong>de</strong> ne saurait se laisser emporter dans le<br />

fleuve <strong>de</strong> l'histoire, <strong>Sophie</strong>. Il faut bien que certains s'arrêtent<br />

et ramassent ce qui reste sur les berges du fleuve.<br />

— C'est une drôle <strong>de</strong> façon <strong>de</strong> voir les choses.<br />

— Mais c'est vrai, mon enfant. Nous ne vivons pas seulement<br />

à notre époque. Nous portons toute notre histoire avec<br />

nous. Rappelle-toi que tout ce qui est ici dans cette pièce a été<br />

un jour flambant neuf. Cette pitoyable poupée en bois du xv e<br />

fut peut-être fabriquée pour les cinq ans d'une petite fille. Par<br />

son vieux grand-père peut-être... Puis elle eut dix ans,<br />

<strong>Sophie</strong>. Elle <strong>de</strong>vint adulte et se maria. Peut-être eut-elle elle<br />

aussi une fille à qui elle donna la poupée à son tour. Elle<br />

vieillit et, un jour, mourut. Elle avait pourtant vécu objectivement<br />

une longue vie, mais elle finit quand même par mourir.<br />

Et elle ne reviendra jamais. Au fond, elle ne fit qu'une courte<br />

visite sur terre. Mais sa poupée... eh bien, elle est encore là<br />

sur l'étagère.<br />

— Tout <strong>de</strong>vient si déprimant et dramatique quand tu présentes<br />

les choses sous cet angle...<br />

— Mais la vie est à la fois déprimante et dramatique. On<br />

nous laisse pénétrer dans un mon<strong>de</strong> merveilleux, nous rencontrer<br />

et nous saluer, même faire un bout <strong>de</strong> chemin<br />

ensemble. Puis nous nous perdons <strong>de</strong> vue et disparaissons<br />

aussi brusquement que nous sommes venus la première fois.<br />

— Je peux te poser une question ?<br />

— Nous ne jouons plus à cache-cache, à ce qu'il me semble.<br />

— Pourquoi t'étais-tu installé dans le chalet du major?<br />

— C'était pour que nous ne soyons pas trop éloignés l'un<br />

<strong>de</strong> l'autre, puisque nous communiquions seulement par lettres.<br />

Je savais que plus personne n'y habitait <strong>de</strong>puis longtemps.<br />

— Alors tu as décidé <strong>de</strong> t'y installer?<br />

— Oui, je m'y suis installé.<br />

— Alors comment se fait-il que le père <strong>de</strong> Hil<strong>de</strong> soit au<br />

courant ?<br />

— Il sait pratiquement tout, si je ne me trompe.<br />

— De toute façon, je ne comprends pas comment on<br />

obtient du facteur qu'il délivre du courrier en pleine forêt.<br />

LA RENAISSANCE 227<br />

Alberto eut un sourire <strong>de</strong> satisfaction.<br />

— Oh ! ce genre <strong>de</strong> choses est une bagatelle pour le père<br />

<strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>. Un banal truc <strong>de</strong> prestidigitateur, un vulgaire tour<br />

<strong>de</strong> passe-passe. Nous sommes peut-être les personnes les plus<br />

surveillées du mon<strong>de</strong>.<br />

<strong>Sophie</strong> se sentit gagnée par l'indignation.<br />

— Si jamais je le rencontre, je lui arrache les yeux.<br />

Alberto alla s'asseoir sur le canapé. <strong>Sophie</strong> le suivit et<br />

choisit un fauteuil bien confortable.<br />

— Seule la philosophie peut nous rapprocher du père <strong>de</strong><br />

Hil<strong>de</strong>, dit-il enfin. Aujourd'hui je vais te parler <strong>de</strong> la Renaissance.<br />

— D'accord.<br />

— Quelques années après saint Thomas d'Aquin, la<br />

gran<strong>de</strong> culture chrétienne se lézarda. La philosophie et la<br />

science se détachèrent progressivement <strong>de</strong> la théologie <strong>de</strong><br />

l'Eglise, mais cela eut aussi pour conséquence que la vie<br />

religieuse eut un rapport plus libre avec la raison. De plus en<br />

plus <strong>de</strong> personnes mirent l'accent sur l'impossibilité<br />

d'approcher Dieu par la raison, car Dieu est par nature<br />

inconcevable pour l'esprit. <strong>Le</strong> plus important pour l'être<br />

humain n'est pas <strong>de</strong> comprendre le mystère divin, mais <strong>de</strong> se<br />

soumettre à la volonté <strong>de</strong> Dieu.<br />

— Je comprends.<br />

— La vie religieuse faisant enfin bon ménage avec la<br />

science, on vit l'avènement d'une nouvelle métho<strong>de</strong> scientifique<br />

et d'une nouvelle conviction religieuse qui permirent<br />

les <strong>de</strong>ux grands bouleversements du xiv e et du xv e siècle, à<br />

savoir la Renaissance et la Réforme.<br />

— Prenons une chose à la fois.<br />

— La Renaissance est un grand mouvement <strong>de</strong> renouveau<br />

culturel à la fin du xiv e siècle. Elle vit le jour en Italie<br />

du Nord, mais s'étendit rapi<strong>de</strong>ment durant le xv e et le<br />

xvi e siècle.<br />

— Est-ce que tu n'as pas dit une fois que le mot « renaissance<br />

» signifie « naître une <strong>de</strong>uxième fois » ?

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