Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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46 LE MONDE DE SOPHIE<br />
<strong>Le</strong> projet du philosophe<br />
Ah ! te revoilà! Nous allons tout <strong>de</strong> suite examiner la leçon<br />
du jour sans passer par les lapins blancs et autres préliminaires<br />
<strong>de</strong> ce genre.<br />
Je vais te brosser à grands traits la façon dont les hommes<br />
ont réfléchi aux problèmes philosophiques <strong>de</strong> l'Antiquité à nos<br />
jours. Mais chaque chose en son temps.<br />
Du fait que les philosophes vivaient à une autre époque — et<br />
peut-être dans une tout autre culture que la nôtre — il n'est pas<br />
superflu d'essayer <strong>de</strong> définir le projet <strong>de</strong> chaque philosophe.<br />
Pour cela, nous <strong>de</strong>vons tenter <strong>de</strong> cerner lès centres d'intérêt<br />
spécifiques du philosophe. Tel philosophe peut s'intéresser à<br />
l'origine <strong>de</strong>s plantes ou <strong>de</strong>s animaux, tel autre à l'existence <strong>de</strong><br />
Dieu ou à l'immortalité <strong>de</strong> l'âme.<br />
Une fois ce « projet » clairement défini, il <strong>de</strong>vient plus facile<br />
<strong>de</strong> comprendre la démarche <strong>de</strong> chaque philosophe. Car un philosophe<br />
ne s'intéresse pas à toutes les questions philosophiques<br />
à la fois.<br />
Je dis « un » et non « une » philosophe, car l'histoire <strong>de</strong> la<br />
philosophie est jalonnée par <strong>de</strong>s hommes. <strong>Le</strong>s femmes ont été<br />
opprimées en tant que femmes et aussi comme êtres pensants.<br />
C'est dommage, car <strong>de</strong> cette manière nous avons perdu beaucoup<br />
<strong>de</strong> précieux témoignages. Ce n'est qu'au xx e siècle que les<br />
femmes ont enfin pu prendre une place dans l'histoire <strong>de</strong> la philosophie.<br />
Tu n'auras pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs à faire à la maison — en tout cas<br />
pas <strong>de</strong> problèmes difficiles comme en mathématiques. Quant à<br />
la liste <strong>de</strong>s verbes irréguliers en anglais, je n'en ai vraiment rien<br />
à faire. Je te donnerai tout au plus un petit exercice d'application<br />
<strong>de</strong> temps à autre.<br />
Si tu acceptes ces conditions, on peut commencer.<br />
<strong>Le</strong>s philosophes <strong>de</strong> la nature<br />
<strong>Le</strong>s premiers philosophes grecs sont souvent appelés « les<br />
philosophes <strong>de</strong> la nature », parce qu'ils s'attachaient avant tout<br />
à la nature et aux phénomènes naturels.<br />
Nous nous sommes déjà interrogés sur l'origine du mon<strong>de</strong>.<br />
Nombreux sont ceux aujourd'hui qui pensent que quelque<br />
chose est né pour ainsi dire du néant. Cette pensée était loin<br />
LES PHILOSOPHES DE LA NATURE 47<br />
d'être répandue chez les Grecs. Eux soutenaient, pour une raison<br />
ou pour une autre, qu'au contraire « quelque chose » avait<br />
toujours existé.<br />
Comment tout avait été créé à partir du néant ne constituait<br />
pas le fond du problème. Par contre, les Grecs se <strong>de</strong>mandaient<br />
comment l'eau pouvait se transformer en un poisson vivant, la<br />
terre inanimée faire pousser <strong>de</strong> grands arbres et le ventre <strong>de</strong> la<br />
femme donner vie à un petit enfant !<br />
<strong>Le</strong>s philosophes avaient sous les yeux les changements perpétuels<br />
<strong>de</strong> la nature. Mais comment les expliquer? Comment la<br />
matière pouvait-elle changer <strong>de</strong> nature et <strong>de</strong>venir quelque<br />
chose <strong>de</strong> complètement différent, par exemple quelque chose <strong>de</strong><br />
vivant?<br />
<strong>Le</strong>s premiers philosophes croyaient qu'il existait une substance<br />
élémentaire à l'origine <strong>de</strong> toutes ces métamorphoses. Difficile<br />
<strong>de</strong> savoir comment ils en vinrent à cette idée, mais une<br />
chose est sûre : ils développèrent la conception d'une substance<br />
élémentaire dissimulée <strong>de</strong>rrière chaque forme créée dans la<br />
nature. Il <strong>de</strong>vait y avoir « quelque chose » à l'origine <strong>de</strong> tout et<br />
vers quoi tout retournait.<br />
<strong>Le</strong>s diverses réponses auxquelles aboutirent les premiers<br />
philosophes ne doivent pas trop retenir notre attention. Ce qui<br />
nous intéresse, c'est <strong>de</strong> voir quelles questions ils posaient et<br />
quels types <strong>de</strong> réponses ils espéraient trouver. II s'agit donc <strong>de</strong><br />
nous concentrer davantage sur leur manière <strong>de</strong> penser que sur<br />
le contenu exact <strong>de</strong> leur pensée.<br />
Nous pouvons affirmer qu'ils s'interrogeaient sur les changements<br />
visibles au sein <strong>de</strong> la nature. Ils essayaient <strong>de</strong> formuler<br />
quelques lois naturelles éternelles. Ils voulaient comprendre les<br />
événements qui se produisaient dans la nature sans avoir<br />
recours aux mythes qu'ils connaissaient, donc étudier avant<br />
tout la nature elle-même afin <strong>de</strong> mieux comprendre tous les<br />
phénomènes naturels. C'était autre chose que <strong>de</strong> rendre les<br />
dieux responsables <strong>de</strong> la foudre, du tonnerre, <strong>de</strong> l'hiver ou du<br />
printemps !<br />
<strong>Le</strong> philosophe se libéra peu à peu <strong>de</strong> la religion. On pourrait<br />
dire que les philosophes firent les premiers pas vers un mo<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> pensée scientifique et furent les précurseurs <strong>de</strong> ce qui allait<br />
<strong>de</strong>venir la science <strong>de</strong> la nature.<br />
Avec le temps, les philosophes <strong>de</strong> la nature nous ont laissé