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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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450<br />

LE MONDE DE SOPHIE<br />

théorie satisfaisante pour expliquer comment une telle évolution,<br />

ou adaptation à l'environnement, pouvait se produire. Il y<br />

avait encore un argument pour démontrer que tous les animaux<br />

sur terre étaient apparentés.<br />

— Ah?<br />

— Cela concernait l'évolution du fœtus chez les mammifères.<br />

Si l'on compare le fœtus d'un chien, d'une chauve-souris, d'un<br />

lapin et d'un être humain à un sta<strong>de</strong> précoce, il est presque<br />

impossible <strong>de</strong> les distinguer clairement les uns <strong>de</strong>s autres. Il<br />

faut attendre un sta<strong>de</strong> beaucoup plus avancé pour que le fœtus<br />

d'un être humain ne ressemble plus à celui d'un lapin. Cela ne<br />

serait-il pas le signe que nous serions tous lointainement apparentés<br />

les uns aux autres?<br />

— Mais il n'avait toujours aucune explication pour cette évolution?<br />

— Non, il ne cessait <strong>de</strong> réfléchir à la théorie <strong>de</strong> Lyell sur ces<br />

infîmes changements qui pouvaient à la longue provoquer<br />

d'énormes bouleversements. Mais il ne trouvait aucune explication<br />

qui pût tenir lieu <strong>de</strong> principe universel. Il connaissait la<br />

théorie du zoologue français Lamarck qui avait démontré que<br />

les espèces animales avaient progressivement développé ce dont<br />

elles avaient besoin. <strong>Le</strong>s girafes par exemple avaient fini par<br />

avoir un long cou car pendant <strong>de</strong>s générations elles avaient<br />

tendu le cou pour atteindre les feuilles <strong>de</strong>s arbres. Lamarck<br />

pensait aussi que les qualités obtenues avec peine par un individu<br />

étaient transmises à la génération suivante. Mais Darwin<br />

dut rejeter, faute <strong>de</strong> preuves, cette théorie audacieuse sur les<br />

« caractères acquis » et qui seraient héréditaires. Mais autre<br />

chose lui trottait dans la tête : il avait pour ainsi dire le mécanisme<br />

même <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong>s espèces sous les yeux.<br />

— J'attends <strong>de</strong> voir où tu veux en venir.<br />

— Je préférerais que tu découvres ce mécanisme par toimême.<br />

C'est pourquoi je te pose la question : si tu as trois<br />

vaches, mais assez <strong>de</strong> fourrage pour en nourrir <strong>de</strong>ux seulement,<br />

que vas-tu faire ?<br />

— <strong>En</strong> tuer une.<br />

— Eh bien, laquelle vas-tu sacrifier?<br />

— Je tuerai certainement celle qui donne le moins <strong>de</strong> lait.<br />

— Tu dis ça?<br />

— Oui, c'est logique.<br />

DARWIN 451<br />

— Et c'est ce que les hommes ont fait pendant <strong>de</strong>s millénaires.<br />

Mais revenons à nos <strong>de</strong>ux vaches. Si l'une d'elles <strong>de</strong>vait<br />

vêler, laquelle choisirais-tu ?<br />

— Celle qui aurait le plus <strong>de</strong> lait. Comme ça, je serais sûre<br />

que la génisse <strong>de</strong>viendrait une bonne vache laitière plus tard.<br />

— Tu préfères donc les bonnes vaches laitières aux mauvaises<br />

? Alors venons-en maintenant à notre <strong>de</strong>rnier exercice :<br />

si tu t'occupais <strong>de</strong> chasse et possédais <strong>de</strong>ux braques et que tu<br />

<strong>de</strong>vais te séparer <strong>de</strong> l'un d'eux, lequel gar<strong>de</strong>rais-tu?<br />

— Je gar<strong>de</strong>rais naturellement celui qui saurait le mieux<br />

trouver la trace du gibier.<br />

— Tu favoriserais donc le meilleur braque. Eh bien, c'est<br />

exactement ainsi que les hommes ont pratiqué l'élevage pendant<br />

plus <strong>de</strong> dix mille ans. <strong>Le</strong>s poules n'ont pas toujours pondu<br />

cinq œufs par semaine, les moutons n'ont pas toujours donné<br />

autant <strong>de</strong> laine et ïes chevaux n'ont pas toujours été aussi forts<br />

et rapi<strong>de</strong>s. Mais les hommes ont fait une sélection artificielle.<br />

Cela vaut aussi pour le mon<strong>de</strong> végétal. Qui mettrait <strong>de</strong> mauvaises<br />

pommes <strong>de</strong> terre dans son jardin, s'il peut se procurer<br />

<strong>de</strong> meilleurs plants ? Faucher <strong>de</strong>s épis qui ne portent pas <strong>de</strong> blé<br />

n'a aucun intérêt. Pour Darwin, aucune vache, aucun épi <strong>de</strong><br />

bîé, aucun chien et aucun pinson n'est tout à fait i<strong>de</strong>ntique. La<br />

nature offre <strong>de</strong>s variations à l'infini. Même à l'intérieur d'une<br />

seule espèce, il n'y a pas <strong>de</strong>ux individus en tout point semblables.<br />

Tu te rappelles peut-être ce que tu avais ressenti après<br />

avoir goûté à la petite bouteille bleue.<br />

— Oui, c'est vrai.<br />

— Darwin se posa par conséquent la question suivante : un<br />

mécanisme <strong>de</strong> ce genre pouvait-il exister dans la nature aussi?<br />

La nature était-elle en mesure <strong>de</strong> faire une « sélection naturelle<br />

» <strong>de</strong>s spécimens qui auraient le droit <strong>de</strong> survivre ? Et surtout<br />

: un tel mécanisme pouvait-il au bout d'un terme assez<br />

long créer <strong>de</strong> toutes nouvelles espèces végétales et animales ?<br />

— Je parie que la réponse est oui.<br />

— Darwin ne parvenait cependant pas à se représenter exactement<br />

comment une telle « sélection naturelle » pouvait se produire.<br />

Mais en octobre 1838, tout juste <strong>de</strong>ux ans après son<br />

retour sur le Beagle, il tomba par hasard sur un petit livre <strong>de</strong><br />

l'expert en démographie Thomas Malthus. <strong>Le</strong> livre s'intitulait :<br />

An Essay on The Principles of Population. C'est Benjamin

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