Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
298<br />
LE MONDE DE SOPHIE<br />
une robe <strong>de</strong> ce rouge-là, mieux vaut gar<strong>de</strong>r tes goûts pour toi.<br />
Vous ne voyez pas cette couleur <strong>de</strong> la même manière, ce qui<br />
ne veut pas dire que la robe est jolie ou lai<strong>de</strong>.<br />
— Mais tout le mon<strong>de</strong> est d'accord pour admettre qu'une<br />
orange est ron<strong>de</strong>.<br />
— Oui, si tu as une orange à la main, il est impossible <strong>de</strong><br />
« juger » qu'elle a une forme cubique. Tu peux la « juger »<br />
plus ou moins sucrée ou aci<strong>de</strong>, mais tu ne peux pas « juger »<br />
qu'elle pèse huit kilos si elle ne pèse que <strong>de</strong>ux cents<br />
grammes. Tu peux peut-être « croire » qu'elle pèse plusieurs<br />
kilos, mais dans ce cas tu te fourvoies complètement. Si différentes<br />
personnes doivent <strong>de</strong>viner le poids d'un objet, il y en<br />
aura toujours une qui trouvera le poids le plus approximatif et<br />
aura donc plus raison que les autres. De même, pour <strong>de</strong>viner<br />
un nombre ou déterminer s'il y a un mouvement ou pas. Soit<br />
la voiture roule, soit elle est à l'arrêt.<br />
— Je comprends.<br />
— Concernant la réalité dans l'espace (l'étendue), Locke<br />
rejoint par conséquent Descartes en reconnaissant qu'il existe<br />
certaines qualités que la raison <strong>de</strong> l'homme peut appréhen<strong>de</strong>r.<br />
— On voit mal comment ne pas être d'accord sur ce point.<br />
— Et, sur un autre plan, Locke ouvre la voie à un savoir<br />
intuitif ou « démonstratif ». Certaines règles morales fondamentales<br />
valent selon lui pour tous. Il se fit le chantre <strong>de</strong> ce<br />
qu'on a appelé le droit naturel, ce qui est un trait du rationalisrne.<br />
De même, Locke affirme que la raison humaine porte<br />
en elle l'idée <strong>de</strong> Dieu.<br />
— Il n'a peut-être pas tort.<br />
— Sur quel point?<br />
— Lorsqu'il affirme qu'il existe un Dieu.<br />
— On peut bien sûr tout imaginer. Mais ce n'est pas pour<br />
lui une question <strong>de</strong> foi, mais <strong>de</strong> raison inhérente à l'homme.<br />
Cette conception <strong>de</strong> Dieu qui est caractéristique du rationalisme<br />
implique aussi la liberté <strong>de</strong> pensée et la tolérance. Il<br />
s'intéressait également à l'égalité entre les sexes. Il pensait en<br />
effet que la position subordonnée <strong>de</strong> la femme par rapport à<br />
l'homme n'était pas une donnée <strong>de</strong> la nature, mais bien le fait<br />
LOCKE 299<br />
<strong>de</strong>s êtres humains. Ce qui revenait à dire qu'on pouvait aussi<br />
changer cet état <strong>de</strong> choses.<br />
— C'est aussi tout à fait mon avis.<br />
— Locke fut un <strong>de</strong>s tout premiers philosophes à s'intéresser<br />
au rôle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes et exerça à ce sujet une gran<strong>de</strong><br />
influence sur son compatriote John Stuart Mill, qui à son tour<br />
défendit l'égalité entre les sexes. Locke était en effet sur<br />
beaucoup <strong>de</strong> points en avance sur son époque et ses idées<br />
furent reprises en France au xvIII e siècle, dit le siècle <strong>de</strong>s<br />
Lumières. C'est à lui que l'on doit entre autres le principe du<br />
partage du pouvoir...<br />
— Tu veux parler <strong>de</strong> la répartition du pouvoir entre différentes<br />
institutions politiques ?<br />
— Est-ce que tu te rappelles lesquelles ?<br />
— Il y a le pouvoir législatif ou l'Assemblée nationale, le<br />
pouvoir judiciaire représenté par les tribunaux et le pouvoir<br />
exécutif, autrement dit le gouvernement.<br />
— Cette tripartition nous vient <strong>de</strong> Montesquieu. Locke<br />
avait insisté sur la nécessité d'une séparation entre le pouvoir<br />
législatif et le pouvoir exécutif pour éviter la tyrannie. Il avait<br />
lui-même vécu à l'époque <strong>de</strong> Louis XIV qui exerçait tous les<br />
pouvoirs. « L'État, c'est moi », disait-il. Nous disons que<br />
c'était un monarque au pouvoir absolu, c'est-à-dire nullement<br />
fondé sur le droit. Pour fon<strong>de</strong>r un État sur le droit, il faudrait<br />
selon Locke que les représentants du peuple rédigent les lois<br />
et laisser le roi ou le gouvernement les mettre en application.