Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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LE MONDE DE SOPHIE<br />
Ce qui est décisif, c'est la masse <strong>de</strong> l'univers, et c'est encore<br />
une inconnue pour les astrophysiciens.<br />
— Mais on peut alors imaginer que l'univers s'est déjà plusieurs<br />
fois étendu puis ramassé sur lui-même ?<br />
— C'est un raisonnement fort séduisant. Mais là aussi il y a<br />
une autre possibilité, à savoir que l'univers ne s'étend qu'une<br />
seule fois. S'il s'étendait ainsi pour l'éternité, la question sur<br />
l'origine du mon<strong>de</strong> serait entièrement à reconsidérer.<br />
— Et d'où vient ce qui a explosé ?<br />
— Pour un chrétien, l'explosion originelle est considérée<br />
comme le moment <strong>de</strong> la création du mon<strong>de</strong>. Il est écrit dans la<br />
Bible que Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Tu te rappelles<br />
peut-être qu'Alberto montre que le christianisme a une vision<br />
linéaire <strong>de</strong> l'histoire. D'un point <strong>de</strong> vue chrétien, il serait<br />
logique <strong>de</strong> penser que l'univers continuera à s'étendre.<br />
— Ah bon?<br />
— <strong>En</strong> Orient, on a davantage une conception cyclique <strong>de</strong><br />
l'histoire. On pense que l'histoire se répète indéfiniment. Il<br />
existe par exemple en In<strong>de</strong> une vieille croyance selon laquelle<br />
le mon<strong>de</strong> s'étend en permanence jusqu'au moment où il se<br />
ramasse sur lui-même. Ainsi alternent ce que les Indiens<br />
appellent « le jour <strong>de</strong> Brahma » et « la nuit <strong>de</strong> Brahma ».<br />
Cette croyance correspond bien sûr davantage à un processus<br />
cyclique <strong>de</strong> l'univers. Il faut s'imaginer un gros cœur cosmique<br />
qui bat et bat...<br />
— Je trouve les <strong>de</strong>ux théories aussi passionnantes et inconcevables<br />
l'une que l'autre.<br />
— Et on peut les comparer au grand paradoxe sur l'éternité,<br />
tel que le présentait <strong>Sophie</strong> : soit l'univers a <strong>de</strong> tout<br />
temps existé, soit il est né tout à coup à partir <strong>de</strong> trois fois<br />
rien...<br />
— Aïe !<br />
Hil<strong>de</strong> se toucha le front.<br />
— Qu'est-ce que c'était?<br />
— J'ai cru que j'avais été piquée par un taon.<br />
— Qui sait si ce n'était pas Socrate qui essayait <strong>de</strong> te sortir<br />
<strong>de</strong> ta torpeur?<br />
LE BIG BANG<br />
<strong>Sophie</strong> et Alberto étaient restés assis dans la voiture <strong>de</strong> sport<br />
à les écouter disserter sur l'univers.<br />
— Est-ce que tu t'es rendu compte que les rôles sont à présent<br />
inversés ? <strong>de</strong>manda Alberto après un moment.<br />
— Qu'est-ce que tu veux dire par là?<br />
— Avant, c'était eux qui nous épiaient et nous ne pouvions<br />
pas les voir. Maintenant, c'est nous qui les épions et eux ne peuvent<br />
pas nous voir.<br />
— Et ce n'est pas tout.<br />
— À quoi penses-tu ?<br />
— Au début, nous ne savions pas qu'il existait une autre réalité<br />
dans laquelle vivaient Hil<strong>de</strong> et le major. Maintenant, c'est<br />
eux qui ignorent notre réalité.<br />
— Ah ! ça fait du bien <strong>de</strong> se venger un peu !<br />
— Mais le major pouvait intervenir dans notre mon<strong>de</strong>...<br />
— Notre mon<strong>de</strong> n'était pas autre chose que son intervention.<br />
— Je ne veux pas abandonner tout espoir <strong>de</strong> pouvoir aussi<br />
intervenir dans leur mon<strong>de</strong>.<br />
— Mais tu sais bien que c'est impossible. Tu ne te rappelles<br />
pas la scène au café Cin<strong>de</strong>rella ? Je te revois très bien t'échiner<br />
à soulever la bouteille <strong>de</strong> Coca-Cola.<br />
<strong>Sophie</strong> resta silencieuse et écouta le major parler du<br />
big bang. Quelque chose dans cette expression lui donna une<br />
idée.<br />
Elle se mit à fouiller la voiture.<br />
— Qu'y a-t-il ? <strong>de</strong>manda Alberto.<br />
— Rien.<br />
Elle ouvrit la boîte à gants où elle trouva une clé anglaise,<br />
sortit <strong>de</strong> la voiture et vint se planter <strong>de</strong>vant Hil<strong>de</strong> et son père.<br />
Elle essaya <strong>de</strong> capter le regard <strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>, mais c'était impossible.<br />
Alors elle leva la clé anglaise bien haut au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa<br />
tête et assena un grand coup sur le front <strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>.<br />
— Aïe ! cria Hil<strong>de</strong>.<br />
<strong>Sophie</strong> s'empressa <strong>de</strong> faire la même chose avec le major mais<br />
il n'eut aucune réaction.<br />
— Qu'y a-t-il? <strong>de</strong>manda-t-il.<br />
— Je crois que j'ai été piquée par un taon.<br />
— Qui sait si ce n'était pas Socrate qui essayait <strong>de</strong> te sortir<br />
<strong>de</strong> ta torpeur?