Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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142 LE MONDE DE SOPHIE<br />
Pour finir, elle rassembla toutes les feuilles consacrées à<br />
Aristote et les remit en ordre. Elle prit une poinçonneuse, perfora<br />
les feuilles et les rangea soigneusement dans un classeur<br />
qu'elle glissa ensuite sur l'étagère du haut avec le mi-bas<br />
blanc. Plus tard dans la journée, elle irait rechercher la boîte à<br />
gâteaux dans sa cabane.<br />
À partir <strong>de</strong> maintenant, les choses allaient être en ordre.<br />
Cela ne s'appliquait pas seulement à ce qui était dans sa<br />
chambre, mais, après avoir lu Aristote, elle comprit qu'il était<br />
également important d'avoir <strong>de</strong> l'ordre dans ses idées et ses<br />
concepts. Elle avait réservé toute l'étagère du haut à ce genre<br />
<strong>de</strong> questions. C'était le seul endroit <strong>de</strong> la pièce qui finalement<br />
continuait à lui échapper.<br />
Cela faisait plusieurs heures que sa mère ne s'était pas<br />
manifestée. <strong>Sophie</strong> <strong>de</strong>scendit l'escalier. Avant <strong>de</strong> réveiller sa<br />
mère, elle tenait d'abord à nourrir ses animaux.<br />
Dans la cuisine, elle se pencha au-<strong>de</strong>ssus du bocal <strong>de</strong>s poissons.<br />
L'un d'eux était noir, l'autre orange et le troisième blanc<br />
et rouge. C'est pourquoi elle les avait surnommés Pirate noir,<br />
Boucle d'or et Petit Chaperon rouge. Tout en leur jetant <strong>de</strong>s<br />
glaçons et <strong>de</strong>s daphnies, elle leur dit :<br />
— Vous appartenez au mon<strong>de</strong> vivant <strong>de</strong> la nature; c'est<br />
pourquoi vous pouvez vous nourrir, grandir et vous développer.<br />
D'une manière plus définie, vous appartenez au mon<strong>de</strong><br />
animal : vous pouvez bouger et regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> vous. Pour<br />
être encore plus précis, vous êtes <strong>de</strong>s poissons, aussi vous<br />
pouvez respirer avec <strong>de</strong>s branchies et nager en tous sens dans<br />
l'eau <strong>de</strong> la vie.<br />
<strong>Sophie</strong> remit le couvercle sur la boîte <strong>de</strong> daphnies. Elle se<br />
sentait satisfaite <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>s poissons rouges dans l'ordre<br />
<strong>de</strong> la nature, et tout particulièrement <strong>de</strong> l'expression « l'eau<br />
<strong>de</strong> la vie ». Puis ce fut au tour <strong>de</strong>s perruches. <strong>Sophie</strong> plaça un<br />
peu <strong>de</strong> nourriture dans la coupelle en disant :<br />
— Chers Cricri et Grigri ! Vous êtes <strong>de</strong>venues d'adorables<br />
perruches en vous développant à partir d'adorables œufs <strong>de</strong><br />
perruches et parce qu'il était dans la nature <strong>de</strong> ces œufs <strong>de</strong><br />
ARISTOTE<br />
donner <strong>de</strong>s perruches, vous n'êtes heureusement pas <strong>de</strong>venues<br />
d'horribles perroquets jacasseurs.<br />
<strong>Sophie</strong> alla dans la salle <strong>de</strong> bains. C'est là, dans un grand<br />
carton, que vivait sa tortue si paresseuse. Régulièrement,<br />
disons une fois sur trois ou quatre, elle entendait sa mère<br />
hurler sous la douche qu'elle finirait un jour par la tuer. Mais<br />
ce n'était qu'une menace en l'air. Elle sortit une feuille <strong>de</strong><br />
sala<strong>de</strong> d'un grand pot <strong>de</strong> confiture et la déposa au fond du<br />
carton.<br />
— Chère Govinda ! dit-elle. On ne peut pas dire que tu<br />
fasses partie <strong>de</strong>s animaux les plus rapi<strong>de</strong>s qui soient, mais tu<br />
n'en es pas moins un animal qui a sa petite place dans le<br />
grand mon<strong>de</strong> où nous vivons. Si ça peut te consoler, dis-toi<br />
que tu n'es pas la seule qui ne cherche pas à se surpasser.<br />
Sherekan était sans doute parti à la chasse aux souris selon<br />
sa nature <strong>de</strong> chat. Pour aller dans la chambre <strong>de</strong> sa mère,<br />
<strong>Sophie</strong> traversa le salon. Sur la table, il y avait un vase rempli<br />
<strong>de</strong> jonquilles. Elle eut l'impression que les fleurs jaunes<br />
s'inclinaient respectueusement sur son passage. <strong>Sophie</strong><br />
s'arrêta un instant et laissa ses doigts caresser les corolles<br />
lisses.<br />
— Vous aussi, vous appartenez au mon<strong>de</strong> vivant <strong>de</strong> la<br />
nature, dit-elle. Vu sous cet angle, vous avez un certain avantage<br />
sur le vase en cristal dans lequel vous êtes. Malheureusement,<br />
vous n'êtes pas capables <strong>de</strong> vous en rendre compte.<br />
<strong>Sophie</strong> se glissa ensuite dans la chambre <strong>de</strong> sa mère. Celleci<br />
dormait encore profondément et <strong>Sophie</strong> lui posa la main<br />
sur la tête :<br />
— Tu es parmi les plus heureuses créatures ici, dit-elle.<br />
Car tu n'es pas seulement vivante comme les jonquilles dans<br />
les prés et tu n'es pas simplement un être vivant comme<br />
Sherekan et Govinda. Tu es un être humain, c'est-à-dire que<br />
tu as une faculté rare : celle <strong>de</strong> penser.<br />
— Qu'est-ce que tu dis, <strong>Sophie</strong> ?<br />
Tiens, elle se réveillait un peu plus vite que d'habitu<strong>de</strong>.<br />
— Je dis seulement que tu ressembles à une tortue indolente.<br />
Sinon, si ça t'intéresse, à titre d'information, j'ai rangé<br />
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