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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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302 LE MONDE DE SOPHIE<br />

— Évi<strong>de</strong>mment, mais jamais sur un homme.<br />

— Selon Hume, l'« ange » est une « association d'idées ».<br />

Deux expériences différentes dans la réalité se trouvent arbitrairement<br />

réunies par l'imagination <strong>de</strong> l'homme. <strong>En</strong> d'autres<br />

termes, c'est une représentation fausse comme tant d'autres<br />

dont il faut se débarrasser au plus vite. Car, comme dit<br />

Hume : « Si nous prenons en main n'importe quel livre sur la<br />

conception <strong>de</strong> Dieu ou la métaphysique, nous <strong>de</strong>vrions nous<br />

poser la question : contient-il le moindre raisonnement abstrait<br />

concernant la gran<strong>de</strong>ur ou le nombre? Non. Contient-il le<br />

moindre raisonnement fondé sur l'expérience concernant les<br />

faits et l'existence? Non. Alors jetons-le aux flammes, car il<br />

ne peut contenir que <strong>de</strong>s élucubrations <strong>de</strong> sophistes et <strong>de</strong>s<br />

rêveries avortées. »<br />

— On peut difficilement être plus direct.<br />

— Hume voulait revenir à la façon dont un enfant perçoit<br />

le mon<strong>de</strong>, c'est-à-dire avant que les pensées et les réflexions<br />

n'aient envahi son cerveau. C'est bien toi qui trouvais que les<br />

philosophes se cantonnaient dans leur petit mon<strong>de</strong> au lieu <strong>de</strong><br />

s'ouvrir au mon<strong>de</strong> réel?<br />

— Oui, quelque chose <strong>de</strong> ce genre.<br />

— Hume aurait pu dire exactement la même chose. Il commence<br />

par distinguer <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> représentations chez<br />

l'homme : les impressions et les idées. <strong>Le</strong>s « impressions »<br />

sont les perceptions vives et immédiates du mon<strong>de</strong> extérieur<br />

tandis que les « idées » sont les souvenirs attachés à ces<br />

impressions.<br />

— Des exemples, s'il te plaît !<br />

— Si tu te brûles à un poêle trop chaud, tu ressens une<br />

« impression » immédiate. Par la suite, tu vas y repenser et<br />

c'est ce que Hume appelle une « idée ». Avec cette différence<br />

que l'impression est beaucoup plus forte que le souvenir<br />

après coup. Autrement dit, l'impression <strong>de</strong>s sens est originale<br />

alors que le souvenir n'est qu'une pâle copie, car l'impression<br />

est la cause directe <strong>de</strong> l'idée qui va se nicher dans la<br />

conscience.<br />

— Jusque-là je te suis.<br />

HUME 303<br />

— Plus loin Hume explique qu'une impression ou une idée<br />

peut être soit simple soit associative. Tu te souviens que nous<br />

avons parlé d'une pomme à propos <strong>de</strong> Locke en disant que<br />

cette pomme était justement une « association d'impressions<br />

». Nous pouvons aussi affirmer que la pomme est une<br />

« idée associative ».<br />

— Pardon si je t'interromps, mais est-ce vraiment si<br />

important que cela?<br />

— Et comment ! Cela peut te paraître vain, mais tu ne dois<br />

jamais hésiter à t'interroger. Hume aurait sûrement reconnu<br />

que Descartes avait raison <strong>de</strong> vouloir vérifier l'état <strong>de</strong>s fondations<br />

avant <strong>de</strong> développer le moindre raisonnement.<br />

— Je capitule.<br />

— Ce que Hume veut dire, c'est que nous pouvons associer<br />

<strong>de</strong>s idées sans qu'elles correspon<strong>de</strong>nt à quelque chose <strong>de</strong><br />

réel. Ainsi, il finit par exister <strong>de</strong>s idées fausses qui ne correspon<strong>de</strong>nt<br />

à rien dans la nature. Nous avons déjà évoqué les<br />

anges. Ou encore précé<strong>de</strong>mment les « crocophants ». Un<br />

autre exemple est Pégase, le cheval ailé. Dans tous ces cas, la<br />

conscience s'est amusée à bricoler <strong>de</strong>s images pour leur donner<br />

une apparence d'impression « vraie ». La conscience,<br />

elle, n'a rien inventé, elle est juste le théâtre où les représentations<br />

s'appellent, s'évoquent ou s'entraînent les unes les<br />

autres, sans nulle intervention <strong>de</strong> la volonté.<br />

— Je commence à comprendre pourquoi c'est si important,<br />

en effet.<br />

— Hume s'attaque donc à toutes les représentations pour<br />

les décomposer en impressions simples et voir si elles correspon<strong>de</strong>nt<br />

à quelque chose <strong>de</strong> réel. Ainsi, beaucoup <strong>de</strong> gens à<br />

l'époque <strong>de</strong> Hume avaient <strong>de</strong>s idées bien précises concernant<br />

le « ciel » ou la « Nouvelle Jérusalem ». Descartes, tu t'en<br />

souviens, affirmait qu'une idée « claire et distincte » correspondait<br />

obligatoirement à quelque chose <strong>de</strong> réel.<br />

— Je t'ai déjà dit que je ne suis pas spécialement tête en<br />

l'air.<br />

— Il va <strong>de</strong> soi que le ciel est une association <strong>de</strong> toutes<br />

sortes d'idées. Citons simplement quelques éléments : Dans

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