Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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60 LE MONDE DE SOPHIE<br />
— Mais non ! J'essaie <strong>de</strong> me livrer à quelques expériences<br />
philosophiques assez difficiles.<br />
Sa mère soupira profondément. Elle <strong>de</strong>vait sans doute<br />
repenser à cette histoire <strong>de</strong> lapin blanc et <strong>de</strong> chapeau haut <strong>de</strong><br />
forme.<br />
<strong>En</strong> revenant <strong>de</strong> l'école le len<strong>de</strong>main, <strong>Sophie</strong> reçut à nouveau<br />
plusieurs feuilles dans une gran<strong>de</strong> enveloppe jaune. Elle<br />
prit l'enveloppe et monta dans sa chambre. Elle voulait d'une<br />
part tout <strong>de</strong> suite lire ce qui était écrit et d'autre part surveiller<br />
la boîte aux lettres.<br />
La théorie <strong>de</strong> l'atome<br />
Coucou, <strong>Sophie</strong> ! Tu vas entendre parler aujourd'hui du <strong>de</strong>rnier<br />
grand philosophe <strong>de</strong> la nature. Il s'appelait Démocrite<br />
(environ 460-370 avant Jésus-Christ) et venait <strong>de</strong> la ville côtière<br />
d'Abdêra au nord <strong>de</strong> la mer Egée. Si tu as réussi à résoudre<br />
l'énigme du <strong>Le</strong>go, tu ne <strong>de</strong>vrais pas avoir <strong>de</strong> problèmes à comprendre<br />
le projet <strong>de</strong> ce philosophe.<br />
Démocrite était d'accord avec ses prédécesseurs pour dire<br />
que les changements observables dans la nature n'étaient<br />
pas la conséquence d'une réelle « transformation ». Il supposa<br />
donc que tout <strong>de</strong>vait être constitué <strong>de</strong> minuscules éléments<br />
<strong>de</strong> construction, chacun, pris séparément, étant éternel<br />
et immuable. Démocrite appela ces infimes parties <strong>de</strong>s<br />
atomes.<br />
<strong>Le</strong> terme grec<br />
signifie « indivisible ». Il s'agissait<br />
pour Démocrite d'établir que ce qui est la base <strong>de</strong> toute la<br />
construction du mon<strong>de</strong> ne peut pas se subdiviser indéfiniment.<br />
On ne pourrait pas sinon s'en servir comme éléments <strong>de</strong><br />
construction. <strong>En</strong> effet, si les atomes pouvaient être cassés et<br />
divisés en parties <strong>de</strong> plus en plus petites, la nature finirait par<br />
perdre toute consistance et ressembler à une soupe <strong>de</strong> plus en<br />
plus diluée.<br />
<strong>Le</strong>s éléments <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>vaient d'autre<br />
part être éternels, car rien ne naît du néant. Démocrite rejoignait<br />
sur ce point Parméni<strong>de</strong> et les Éléates. Il croyait que tous<br />
les atomes <strong>de</strong>vaient être soli<strong>de</strong>s et massifs sans pour autant être<br />
les mêmes. Car si tous les atomes étaient i<strong>de</strong>ntiques, il n'y<br />
DÉMOCRITE 61<br />
aurait pas d'explication satisfaisante pour rendre compte <strong>de</strong> la<br />
variété <strong>de</strong> formes aussi différentes entre elles que la violette,<br />
l'olivier, la peau <strong>de</strong> chèvre ou les cheveux humains.<br />
Démocrite pensait qu'il y avait une infinité d'atomes dans<br />
la nature. Certains étaient ronds et lisses, d'autres rugueux<br />
et crochus. Et c'est justement parce qu'ils avaient <strong>de</strong>s<br />
formes différentes qu'ils pouvaient s'assembler en d'infinies<br />
variantes. Mais ils avaient beau être innombrables et différents<br />
les uns <strong>de</strong>s autres, ils étaient tous éternels, immuables<br />
et indivisibles.<br />
Quand un corps, prenons l'exemple d'un arbre ou d'un animal,<br />
meurt et se décompose, les atomes se dispersent et peuvent<br />
se regrouper pour former <strong>de</strong> nouveaux corps. <strong>Le</strong>s atomes en<br />
effet bougent dans l'espace, mais parce que certains ont <strong>de</strong>s<br />
« crochets » ou <strong>de</strong>s « <strong>de</strong>nts », ils s'accrochent les uns aux autres<br />
pour former les choses qui nous entourent.<br />
Tu vois maintenant ce que je voulais dire avec les éléments<br />
<strong>de</strong> <strong>Le</strong>go, n'est-ce pas? Ils possè<strong>de</strong>nt tous plus ou moins les<br />
qualités que Démocrite attribue aux atomes, et c'est pourquoi<br />
ils permettent <strong>de</strong> tout construire. Tout d'abord ils sont indivisibles.<br />
Ils diffèrent par la taille et la forme et sont compacts et<br />
<strong>de</strong>nses. Ils possè<strong>de</strong>nt par ailleurs ces crochets et ces <strong>de</strong>nts qui<br />
leur permettent <strong>de</strong> s'assembler pour former tout ce qu'on<br />
veut. Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fixation peut facilement se défaire pour permettre<br />
la reconstruction d'autres choses à partir <strong>de</strong>s mêmes<br />
éléments.<br />
<strong>Le</strong> fait <strong>de</strong> pouvoir réutiliser indéfiniment les éléments, c'est<br />
ce qui explique le succès qu'a remporté le <strong>Le</strong>go <strong>de</strong>puis sa création<br />
: ce qui un jour aura servi à une voiture permettra le len<strong>de</strong>main<br />
<strong>de</strong> construire un château. On pourrait presque dire que<br />
ces éléments <strong>de</strong> <strong>Le</strong>go sont « éternels » : les enfants peuvent<br />
jouer avec le <strong>Le</strong>go que possédait leur père ou leur mère quand<br />
eux-mêmes étaient petits.<br />
On peut aussi former différentes choses avec <strong>de</strong> l'argile, mais<br />
on ne peut pas la pétrir indéfiniment car elle s'effrite <strong>de</strong> plus en<br />
plus et il <strong>de</strong>vient impossible au bout d'un moment <strong>de</strong> créer <strong>de</strong><br />
nouveaux objets.<br />
Nous pouvons affirmer aujourd'hui que la théorie <strong>de</strong>s<br />
atomes <strong>de</strong> Démocrite était assez juste. La nature est vraiment<br />
formée <strong>de</strong> différents « atomes » qui s'assemblent et se défont.