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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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264 LE MONDE DE SOPHIE<br />

l'existence à <strong>de</strong>s causes matérielles. Au xvII e siècle, le matérialisme<br />

avait déjà ses fervents représentants. <strong>Le</strong> plus influent fut<br />

sans doute le philosophe anglais Thomas Hobbes selon lequel<br />

tous les phénomènes, ainsi que les hommes ou les animaux,<br />

étaient constitués exclusivement <strong>de</strong> particules <strong>de</strong> matière.<br />

Même la conscience <strong>de</strong> l'homme ou l'âme <strong>de</strong> l'homme était<br />

due aux mouvements <strong>de</strong> minuscules particules dans le cerveau.<br />

— Il ne dit pas autre chose que Démocrite <strong>de</strong>ux mille ans<br />

plus tôt.<br />

— On retrouve l'idéalisme et le matérialisme à travers<br />

toute l'histoire <strong>de</strong> la philosophie. Mais on a rarement vu ces<br />

<strong>de</strong>ux conceptions coexister comme à l'époque baroque. <strong>Le</strong><br />

matérialisme fut constamment entretenu par la science nouvelle.<br />

Newton avait expliqué que les mêmes lois physiques<br />

comme la pesanteur et le mouvement <strong>de</strong>s corps s'appliquaient<br />

en tout point <strong>de</strong> l'univers. <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> entier est régi par la<br />

même mécanique qui obéit à <strong>de</strong>s principes inviolables.<br />

Newton a donné la <strong>de</strong>rnière touche à ce que l'on appelle<br />

l' image mécanique du mon<strong>de</strong>.<br />

— Il se représentait le mon<strong>de</strong> comme une grosse machine ?<br />

Parfaitement. <strong>Le</strong> terme « mécanique » vient du grec<br />

qui signifie machine. Mais il convient <strong>de</strong> faire remarquer<br />

que ni Hobbes ni Newton ne voyaient <strong>de</strong> contradiction<br />

entre l'image mécanique du mon<strong>de</strong> et leur foi en Dieu. Cela<br />

est vrai pour tous les matérialistes <strong>de</strong>s xvII e et xvIII e siècles.<br />

<strong>Le</strong> mé<strong>de</strong>cin et philosophe français La Mettrie écrivit vers le<br />

milieu du xvIII e un livre intitulé l'Homme machine où il dit<br />

que tout comme la jambe possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s muscles pour marcher,<br />

le cerveau a <strong>de</strong>s « muscles » pour penser. <strong>Le</strong> mathématicien<br />

français Laplace alla encore plus loin : si une intelligence avait<br />

connu la situation <strong>de</strong> toutes les particules <strong>de</strong> matière à un<br />

moment donné, « rien ne serait incertain et le passé comme<br />

l'avenir s'offriraient à ses yeux ». L'idée est que tout ce qui se<br />

passe est décidé à l'avance. « <strong>Le</strong>s jeux sont faits. » Cette<br />

conception du mon<strong>de</strong> s'appelle le déterminisme.<br />

— Alors la libre volonté <strong>de</strong> l'homme n'est qu'un leurre?<br />

— Oui, tout n'est que le résultat <strong>de</strong> processus mécaniques,<br />

LE BAROQUE 265<br />

même nos pensées et nos rêves. Au xix e siècle, <strong>de</strong>s matérialistes<br />

allemands allèrent jusqu'à dire que les processus <strong>de</strong> la<br />

pensée se comportaient vis-à-vis du cerveau comme l'urine<br />

vis-à-vis <strong>de</strong>s reins et la bile vis-à-vis du foie.<br />

— Mais l'urine et la bile sont <strong>de</strong>s matières. Pas les<br />

pensées !<br />

— Tu touches du doigt quelque chose d'essentiel. Je vais<br />

te raconter une histoire qui dit la même chose : il était une<br />

fois un astronaute russe et un spécialiste russe du cerveau qui<br />

discutaient à propos <strong>de</strong> la religion. Ce <strong>de</strong>rnier était chrétien,<br />

mais pas l'astronaute. « Je suis allé plusieurs fois dans<br />

l'espace, se vanta l'astronaute, mais je n'ai jamais rencontré<br />

Dieu ou les anges. » « Quant à moi, répondit le spécialiste du<br />

cerveau, j'ai souvent opéré <strong>de</strong>s cerveaux intelligents, mais je<br />

n'ai jamais vu une seule pensée. »<br />

— Ce qui ne veut pas dire que les pensées n'existent pas.<br />

— <strong>En</strong> effet, cela montre que les pensées ne peuvent pas<br />

être disséquées ou divisées en <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> plus en plus<br />

petites. Il n'est pas facile par exemple <strong>de</strong> chasser une idée<br />

fausse, car elle est souvent profondément ancrée en notre<br />

esprit. Un grand philosophe du xvII e du nom <strong>de</strong> <strong>Le</strong>ibniz fit<br />

remarquer que c'est bien là que se joue la différence entre la<br />

matière et l'esprit : le matériel peut se décomposer à l'infini<br />

alors qu'on ne peut couper une âme en <strong>de</strong>ux.<br />

— Effectivement, on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> bien avec quel couteau !<br />

Alberto se contenta <strong>de</strong> secouer la tête.<br />

— <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux plus grands philosophes du xvII e siècle étaient<br />

Descartes et Spinoza. Eux aussi s'attachèrent à définir les<br />

rapports entre l'âme et le corps et méritent d'être étudiés plus<br />

précisément.<br />

— Eh bien, qu'est-ce que tu attends? Il faudra juste que tu<br />

me laisses téléphoner si on n'a pas fini pour sept heures.

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