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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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330 LE MONDE DE SOPHIE<br />

Un frisson parcourut Hil<strong>de</strong> quand les vieux monuments<br />

surgirent <strong>de</strong> leurs ruines ; cela avait toujours été une idée fixe<br />

<strong>de</strong> son père que tous les pays membres <strong>de</strong>s Nations unies<br />

reconstruisent d'un commun accord une parfaite copie <strong>de</strong> la<br />

gran<strong>de</strong> place d'Athènes. Cela eût été le lieu idéal pour<br />

débattre <strong>de</strong> problèmes philosophiques et, pourquoi pas, du<br />

désarmement. « Voilà qui sou<strong>de</strong>rait ensemble les peuples <strong>de</strong><br />

toutes les nations, pensait-il. Nous arrivons bien à construire<br />

<strong>de</strong>s plates-formes pétrolières et <strong>de</strong>s navettes spatiales pour<br />

aller sur la Lune. »<br />

<strong>En</strong>suite elle lut ce qu'il avait écrit sur Platon. Sur les ailes<br />

<strong>de</strong> l'amour, l'âme rejoindra sa <strong>de</strong>meure dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

idées. Elle se libérera <strong>de</strong> « la prison du corps »...<br />

<strong>Sophie</strong> s'était faufilée hors <strong>de</strong> sa cachette dans l'espoir <strong>de</strong><br />

suivre Hermès, mais elle avait perdu sa trace. Après avoir<br />

poursuivi sa lecture sur Platon, elle était retournée dans la<br />

forêt et avait découvert près d'un petit lac un chalet peint en<br />

rouge. À l'intérieur, il y avait un tableau <strong>de</strong> Bjerkely et il était<br />

clair qu'il s'agissait bien <strong>de</strong> l'endroit où habitait Hil<strong>de</strong> À côté<br />

était accroché un portrait d'un homme du nom <strong>de</strong> Berkeley.<br />

N'était-ce pas une drôle <strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong>nce ?<br />

Hil<strong>de</strong> posa le grand classeur à côté d'elle sur le lit, se leva<br />

et alla vérifier dans l'encyclopédie en trois volumes qu'elle<br />

avait eue pour ses quatorze ans. Voyons un peu... Berkeley...<br />

voilà !<br />

« Berkeley, George, 1685-1753, philosophe anglais,<br />

évêque <strong>de</strong> Cloyne. Nie l'existence d'un mon<strong>de</strong> matériel qui<br />

serait situé en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la conscience humaine. Toutes nos<br />

perceptions nous viendraient, selon lui, <strong>de</strong> Dieu. Est aussi<br />

célèbre pour sa critique <strong>de</strong> l'abstraction sous toutes ses<br />

formes. Œuvre principale : Traité sur les principes <strong>de</strong> la<br />

connaissance humaine (1710). »<br />

C'était vraiment troublant. Hil<strong>de</strong> resta quelques instants<br />

par terre à réfléchir avant <strong>de</strong> regagner son lit et reprendre sa<br />

lecture.<br />

<strong>En</strong> un sens, c'était son père qui avait accroché ces <strong>de</strong>ux<br />

tableaux. Mais la ressemblance s'arrêtait-elle au nom propre ?<br />

BJERKELY 331<br />

Berkeley était donc un philosophe qui niait qu'il existât un<br />

mon<strong>de</strong> matériel en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la conscience humaine. On pouvait<br />

se permettre, il est vrai, d'affirmer toutes sortes <strong>de</strong><br />

choses, mais les réfuter, c'était une tout autre affaire. <strong>Sophie</strong><br />

en était un bon exemple, puisque toutes ses « perceptions du<br />

mon<strong>de</strong> extérieur » » n'étaient que le fruit <strong>de</strong> l'imagination du<br />

père <strong>de</strong> Hil<strong>de</strong>.<br />

Il fallait vite lire la suite. Hil<strong>de</strong> leva les yeux quand elle en<br />

fut au chapitre où <strong>Sophie</strong> aperçoit dans le miroir une fille qui<br />

cligne <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux yeux. C'était comme si l'autre fille avait fait<br />

un clin d'œil à <strong>Sophie</strong>. Comme pour dire : je te vois, <strong>Sophie</strong> ! Je<br />

suis là, <strong>de</strong> l'autre côté.<br />

C'est alors qu'elle tombait sur le portefeuille vert avec<br />

l'argent et tout le reste ! Qu'est-ce qu'il venait faire là?<br />

C'était complètement fou ! L'espace <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s,<br />

Hil<strong>de</strong> avait réellement cru que <strong>Sophie</strong> avait retrouvé son portefeuille.<br />

Mais ce fut un déclic : elle eut envie <strong>de</strong> se mettre à<br />

la place <strong>de</strong> <strong>Sophie</strong>. Pour elle, tout était incompréhensible<br />

mais fascinant.<br />

Pour la première fois, Hil<strong>de</strong> eut envie <strong>de</strong> voir le vrai visage<br />

<strong>de</strong> <strong>Sophie</strong> et <strong>de</strong> lui donner le fin mot <strong>de</strong> l'histoire.<br />

Mais <strong>Sophie</strong> <strong>de</strong>vait d'abord se dépêcher <strong>de</strong> quitter le chalet<br />

sans se faire prendre en flagrant délit. Bien entendu, la barque<br />

avait glissé et dérivait sur le lac. La preuve qu'il n'avait pas<br />

non plus oublié cette histoire, lui !<br />

Hil<strong>de</strong> but une gorgée et attaqua son sandwich aux crevettes<br />

tout en poursuivant sa lecture sur Aristote, « l'homme<br />

d'ordre » qui avait osé critiquer la théorie <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> Platon.<br />

Selon Aristote, rien ne peut exister dans la conscience qui<br />

n'ait d'abord été perçu par nos sens. Platon, lui, aurait dit qu'il<br />

n'y a rien dans la nature qui n'ait d'abord existé dans le mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s idées. Aristote trouvait que <strong>de</strong> cette façon Platon « doublait<br />

le nombre <strong>de</strong>s choses ».<br />

Quant au fameux jeu du baccalauréat, Hil<strong>de</strong> ne s'était<br />

jamais doutée qu'elle le <strong>de</strong>vait en fait à Aristote, puisque

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