Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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136<br />
LE MONDE DE SOPHIE<br />
— Est-ce concret? (Oui!)<br />
— Est-ce que cela appartient au règne minéral? (Non!)<br />
— Est-ce une chose vivante? (Oui!)<br />
— Est-ce que cela appartient au règne végétal? (Non!)<br />
— Est-ce un animal? (Oui!)<br />
— Est-ce un oiseau? (Non!)<br />
— Est-ce un mammifère? (Oui!)<br />
— Est-ce un animal en entier? (Oui!)<br />
— Est-ce un chat? (Oui!)<br />
—- Est-ce Mons ? (Ouiiii ! ! ! Rires.)<br />
Aristote a donc inventé ce jeu <strong>de</strong> société. Nous laisserons à<br />
Platon l'honneur d'avoir inventé le jeu <strong>de</strong> cache-cache dans le<br />
noir. Quant à Démocrite, nous l'avons déjà remercié d'avoir eu<br />
l'idée du <strong>Le</strong>go.<br />
Aristote était un homme d'ordre qui voulait faire un peu <strong>de</strong><br />
rangement dans les concepts <strong>de</strong>s êtres humains. Ainsi c'est lui<br />
qui a fondé la logique comme science. Il indiqua plusieurs<br />
règles strictes pour que <strong>de</strong>s conclusions ou <strong>de</strong>s preuves soient<br />
logiquement valables. Nous allons nous en tenir à un exemple :<br />
Si j'affirme que tous les êtres vivants sont mortels (première<br />
prémisse) et que j'énonce que « Hermès est un être vivant »<br />
(<strong>de</strong>uxième prémisse), alors j'en tire l'élégante conclusion que<br />
« Hermès est mortel ».<br />
L'exemple montre que la logique d'Aristote s'attache aux<br />
relations entre les concepts, dans le cas présent entre le concept<br />
<strong>de</strong> vie et le concept <strong>de</strong> mortalité. Même si nous voulons bien<br />
reconnaître qu'Aristote avait raison dans sa conclusion logique,<br />
il faut avouer qu'il ne nous apprend pas grand-chose. Nous<br />
savions dès le départ qu'Hermès est mortel. (Il est un chien et<br />
tous les chiens sont <strong>de</strong>s êtres vivants, donc mortels, contrairement<br />
au massif du Mont-Blanc.) Eh oui, <strong>Sophie</strong>, jusqu'ici rien<br />
<strong>de</strong> nouveau. Mais les relations entre les différentes notions ne<br />
sont pas toujours aussi évi<strong>de</strong>ntes. Il peut s'avérer nécessaire <strong>de</strong><br />
mettre un peu d'ordre dans nos concepts.<br />
Là encore, prenons un exemple : est-il vraiment possible que<br />
les minuscules souriceaux tètent le lait <strong>de</strong> leur mère tout comme<br />
les moutons et les cochons? Je sais que ça peut sembler tout à<br />
fait ridicule, mais arrêtons-nous un instant : une chose est sûre,<br />
c'est que les souris ne pon<strong>de</strong>nt pas. (Quand ai-je vu pour la <strong>de</strong>rnière<br />
fois un œuf <strong>de</strong> souris?) Elles mettent en mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s petits<br />
ARISTOTE 137<br />
déjà vivants, exactement comme les cochons et les moutons.<br />
Mais les animaux qui mettent au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s petits déjà vivants<br />
sont appelés mammifères et être un mammifère, c'est téter sa<br />
mère. Nous y voilà. Nous avions la réponse en nous, mais<br />
<strong>de</strong>vions réfléchir un instant, réfléchir à la question. Dans notre<br />
précipitation, nous avions oublié que les souris tètent vraiment<br />
leur mère. Peut-être parce que nous n'avons jamais vu <strong>de</strong> souriceaux<br />
téter car les souris sont gênées <strong>de</strong> nourrir leurs petits<br />
<strong>de</strong>vant nous.<br />
L'échelle <strong>de</strong> la nature<br />
Quand Aristote s'occupe <strong>de</strong> « faire le ménage » dans l'existence,<br />
il commence aussitôt par dire que toutes les choses dans<br />
la nature peuvent être divisées en <strong>de</strong>ux groupes principaux.<br />
D'un côté les choses inanimées telles les pierres, les gouttes<br />
d'eau et les mottes <strong>de</strong> terre. Celles-ci n'ont en elles aucune<br />
possibilité <strong>de</strong> se transformer en autre chose. Ces choses non<br />
vivantes peuvent, selon Aristote, uniquement se modifier par<br />
une intervention extérieure. De l'autre côté, nous avons les<br />
choses vivantes qui portent en elles la possibilité <strong>de</strong> se transformer.<br />
Concernant les « choses vivantes », Aristote indique qu'elles<br />
appartiennent à <strong>de</strong>ux groupes : les végétaux vivants (ou les<br />
plantes) et les êtres vivants. Pour finir, les êtres vivants se divisent<br />
en <strong>de</strong>ux sous-groupes : les animaux et les hommes.<br />
Reconnais que cette classification est simple et claire. Il y a<br />
une différence fondamentale entre une chose vivante et une<br />
chose Inanimée, par exemple entre une rose et une pierre. De<br />
même, il existe une différence fondamentale entre les végétaux<br />
et les animaux, par exemple entre une rose et un cheval. J'ajouterai<br />
même qu'il existe une différence assez nette entre un cheval<br />
et un homme. Mais si l'on veut être plus précis, en quoi<br />
consistent ces différences? Peux-tu me le dire?<br />
Je n'ai malheureusement pas le temps d'attendre que tu me<br />
répon<strong>de</strong>s par écrit en glissant un sucre dans une enveloppe<br />
rose, aussi autant répondre moi-même : quand Aristote sépare<br />
les phénomènes naturels en différents groupes, il part <strong>de</strong>s qualités<br />
<strong>de</strong>s choses, ou plus exactement <strong>de</strong> ce qu'elles peuvent faire<br />
ou <strong>de</strong> ce qu'elles font. Toutes les « choses vivantes » (végétaux,