Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle
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224<br />
LE MONDE DE SOPHIE<br />
Hermès était déjà en train <strong>de</strong> monter l'escalier. <strong>Sophie</strong><br />
garda la carte à la main et le suivit. Elle dut monter les<br />
marches quatre à quatre pour ne pas le perdre <strong>de</strong> vue. Il agitait<br />
joyeusement la queue. Ils dépassèrent le premier, <strong>de</strong>uxième,<br />
troisième et quatrième étage. On débouchait ensuite sur un<br />
escalier étroit qui montait encore plus haut. Ils n'allaient<br />
quand même pas grimper jusqu'au toit? Mais Hermès s'attaqua<br />
à l'escalier avant <strong>de</strong> s'arrêter <strong>de</strong>vant une porte étroite à<br />
laquelle il se mit à gratter.<br />
<strong>Sophie</strong> entendit <strong>de</strong> l'intérieur <strong>de</strong>s pas approcher. La porte<br />
s'ouvrit et Alberto Knox apparut. Il avait changé <strong>de</strong> costume,<br />
mais aujourd'hui aussi il s'était déguisé : il portait <strong>de</strong>s mi-bas<br />
blancs, un pantalon bouffant rouge et une veste jaune avec<br />
<strong>de</strong>s manches gigot. Il faisait penser à un joker dans un jeu <strong>de</strong><br />
cartes. À l'évi<strong>de</strong>nce, il portait <strong>de</strong>s vêtements typiques <strong>de</strong> la<br />
Renaissance.<br />
— Espèce <strong>de</strong> clown ! s'écria <strong>Sophie</strong> en l'écartant pour<br />
entrer dans l'appartement.<br />
De nouveau le professeur <strong>de</strong> philosophie dut faire les frais<br />
<strong>de</strong> l'attitu<strong>de</strong> quelque peu cavalière <strong>de</strong> <strong>Sophie</strong> qui en fait n'en<br />
menait pas si large que ça. La carte qu'elle avait trouvée dans<br />
l'entrée n'arrangeait rien.<br />
— Il n'y a vraiment pas <strong>de</strong> quoi se mettre dans cet état,<br />
mon enfant, dit Alberto en refermant la porte.<br />
— Tiens, voici le courrier, dit <strong>Sophie</strong> en lui tendant la carte<br />
comme si elle l'en tenait pour responsable.<br />
Alberto lut ce qui était écrit sur la carte et secoua la tête.<br />
— Il ne manque vraiment pas d'air, celui-là ! On dirait qu'il<br />
se sert <strong>de</strong> nous pour distraire sa fille le jour <strong>de</strong> son anniversaire.<br />
<strong>En</strong> disant ces mots, il prit la carte et la déchira en mille<br />
morceaux qu'il jeta dans la corbeille à papier.<br />
— Il est écrit sur cette carte que Hil<strong>de</strong> a perdu une croix en<br />
or, dit <strong>Sophie</strong>.<br />
— Oui, j'ai lu.<br />
— Eh bien, j'ai justement retrouvé cette croix à la maison<br />
dans mon lit. Tu peux m'expliquer ce qu'elle fait là?<br />
LA RENAISSANCE 225<br />
Alberto la regarda droit dans les yeux :<br />
— Ça fait peut-être <strong>de</strong> l'effet, mais au fond il n'y a rien <strong>de</strong><br />
plus simple comme truc, ça ne lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aucun effort.<br />
Essayons plutôt <strong>de</strong> nous intéresser au grand lapin blanc qui<br />
sort du chapeau haut <strong>de</strong> forme <strong>de</strong> l'univers.<br />
Ils passèrent au salon, et jamais <strong>Sophie</strong> n'avait vu un salon<br />
aussi bizarre.<br />
Alberto habitait dans une sorte <strong>de</strong> loft avec <strong>de</strong>s murs mansardés.<br />
Dans le toit, on avait pratiqué une ouverture qui laissait<br />
entrer la lumière crue du ciel. La pièce avait aussi une<br />
fenêtre qui donnait sur la rue, laissant le regard se perdre loin<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s vieilles <strong>de</strong>meures.<br />
<strong>Le</strong> plus surprenant restait toutefois la manière dont était<br />
meublée cette gran<strong>de</strong> pièce : c'était un vrai capharnaiim <strong>de</strong><br />
meubles et d'objets <strong>de</strong> toutes les époques. Il y avait un canapé,<br />
probablement <strong>de</strong>s années 30, un vieux secrétaire <strong>de</strong> la fin du<br />
xix e et un fauteuil qui <strong>de</strong>vait bien dater <strong>de</strong> plusieurs siècles.<br />
Sur les étagères et les armoires s'amoncelaient <strong>de</strong>s quantités<br />
<strong>de</strong> bibelots perdus au beau milieu d'objets d'utilité courante. Il<br />
y avait <strong>de</strong>s montres, <strong>de</strong>s brocs, <strong>de</strong>s mortiers, <strong>de</strong>s cornues, <strong>de</strong>s<br />
couteaux, <strong>de</strong>s poupées, <strong>de</strong>s plumes d'oie, <strong>de</strong>s presse-livres,<br />
<strong>de</strong>s octants, <strong>de</strong>s sextants, <strong>de</strong>s compas et <strong>de</strong>s baromètres<br />
anciens. Tout un mur était tapissé <strong>de</strong> livres, mais ce n'était pas<br />
le genre <strong>de</strong> livres qu'on trouve en librairie. La bibliothèque<br />
abritait une vraie collection <strong>de</strong> bibliophile. Aux murs étaient<br />
accrochés <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins et <strong>de</strong>s tableaux, certains plutôt récents,<br />
d'autres très anciens. On y voyait aussi affichées plusieurs<br />
vieilles cartes <strong>de</strong> géographie plus qu'approximatives.<br />
<strong>Sophie</strong> restait là, médusée. Elle tournait la tête <strong>de</strong> gauche à<br />
droite pour examiner les moindres recoins <strong>de</strong> la pièce.<br />
—- Tu collectionnes toutes ces vieilleries? finit-elle par dire.<br />
— Si l'on veut. Mais songe à tous les siècles d'histoire présents<br />
dans cette pièce. Moi, je n'appellerais pas cela <strong>de</strong>s<br />
vieilleries.<br />
— Tu tiens un magasin d'antiquités ou quelque chose dans<br />
ce genre ?<br />
Une ombre <strong>de</strong> mélancolie passa sur le visage d'Alberto.