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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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322 LE MONDE DE SOPHIE<br />

Hil<strong>de</strong> se plaça <strong>de</strong>vant le grand miroir en laiton qui lui<br />

venait <strong>de</strong> sa grand-mère.<br />

Est-ce qu'elle était belle? <strong>En</strong> tout cas, elle n'était pas lai<strong>de</strong>.<br />

Oh ! elle <strong>de</strong>vait se situer dans la moyenne...<br />

Elle avait <strong>de</strong> longs cheveux blonds. Hil<strong>de</strong> avait cependant<br />

toujours pensé qu'ils auraient dû être soit plus clairs, soit plus<br />

foncés, car entre les <strong>de</strong>ux ce n'était pas très intéressant. <strong>En</strong><br />

revanche, elle avait <strong>de</strong>s boucles souples que lui enviaient<br />

nombre <strong>de</strong> ses amies qui tentaient vainement d'en obtenir<br />

avec force bigoudis. Ses cheveux avaient toujours eu ce mouvement<br />

naturel. Et quels yeux verts, d'un beau vert intense !<br />

« Comment peuvent-ils être aussi verts ? » se <strong>de</strong>mandaient<br />

souvent ses oncles et tantes en se penchant sur elle.<br />

Hil<strong>de</strong> essayait <strong>de</strong> savoir si l'image que lui renvoyait le<br />

miroir était celle d'une jeune fille ou d'une jeune femme. Elle<br />

conclut qu'elle n'était ni l'une ni l'autre. Son corps pouvait<br />

peut-être passer pour le corps d'une femme, mais son visage<br />

était encore trop lisse et trop rond.<br />

Il y avait quelque chose dans ce miroir qui lui faisait irrésistiblement<br />

penser à son père. On l'avait autrefois accroché<br />

dans « l'atelier ». L'atelier, c'était cette pièce au-<strong>de</strong>ssus du<br />

hangar à bateau qui lui servait à la fois <strong>de</strong> bibliothèque, <strong>de</strong><br />

boudoir et <strong>de</strong> bureau d'écrivain. Albert, comme l'appelait<br />

Hil<strong>de</strong> quand il était à la maison, avait toujours eu l'espoir<br />

d'écrire une gran<strong>de</strong> œuvre un jour. Il faut dire qu'il avait<br />

commencé un roman, mais avait rapi<strong>de</strong>ment abandonné ce<br />

projet. Il avait malgré tout publié à intervalles réguliers <strong>de</strong>s<br />

vers et quelques textes sur la vie le long <strong>de</strong> l'archipel dans un<br />

journal local, et Hil<strong>de</strong> avait chaque fois éprouvé la même<br />

fierté en voyant son nom imprimé : ALBERT KNAG. <strong>En</strong> tout cas,<br />

à Lillesand, ce nom avait une résonance toute particulière.<br />

C'était également le nom <strong>de</strong> son arrière-grand-père.<br />

Ah ! ce miroir... Il y a <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> cela, son père s'était<br />

amusé à lui faire remarquer qu'on pouvait cligner <strong>de</strong> l'œil à<br />

son image dans un miroir, mais qu'il était impossible <strong>de</strong> se<br />

voir cligner <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux yeux. Ce miroir en laiton constituait à sa<br />

connaissance la seule exception à cette règle, car c'était un<br />

BJERKELY 323<br />

vieux miroir magique que son arrière-grand-mère avait<br />

acheté à une gitane juste après son mariage.<br />

Hil<strong>de</strong> avait eu beau essayer un bon moment, cela se révélait<br />

aussi difficile <strong>de</strong> se voir cligner <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux yeux que <strong>de</strong> fuir<br />

sa propre ombre. Elle avait fini par hériter <strong>de</strong> cet étrange<br />

miroir, mais il ne se passait pas <strong>de</strong> mois sans qu'elle fasse une<br />

nouvelle tentative.<br />

Pas étonnant qu'elle soit un peu pensive aujourd'hui, pas<br />

étonnant non plus qu'elle ait envie <strong>de</strong> savoir qui elle était.<br />

Quinze ans...<br />

Elle jeta enfin un regard sur sa table <strong>de</strong> nuit. Il y avait un<br />

gros paquet ! Emballé dans un beau papier bleu clair avec un<br />

ruban <strong>de</strong> soie rouge autour. Ce <strong>de</strong>vait être son ca<strong>de</strong>au d'anniversaire<br />

!<br />

Était-ce le « ca<strong>de</strong>au » ? Ce fameux ca<strong>de</strong>au dont il avait été<br />

tellement question <strong>de</strong> manière détournée ? Il y avait fait plusieurs<br />

fois allusion dans ses cartes du Liban, mais ne s'était-il<br />

pas « imposé une stricte censure » ?<br />

<strong>Le</strong> ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong>vait être quelque chose qui ne « cesserait <strong>de</strong><br />

grandir », avait-il écrit. Et il avait mentionné une jeune fille<br />

dont elle ferait bientôt la connaissance et à qui il avait envoyé<br />

le double <strong>de</strong> toutes ses cartes.<br />

Hil<strong>de</strong> avait bien essayé <strong>de</strong> faire parler sa mère, mais elle<br />

n'avait pas eu F air d'être au courant.<br />

<strong>Le</strong> plus étrange, c'était cette allusion sur le fait que ce<br />

ca<strong>de</strong>au pourrait « être partagé avec d'autres personnes ». Ah !<br />

ce n'était pas pour rien qu'il travaillait pour les Nations unies.<br />

Si son père avait bien une idée fixe, c'était que l'ONU <strong>de</strong>vait<br />

exercer une responsabilité globale sur le mon<strong>de</strong> entier. « Si<br />

seulement les Nations unies pouvaient rassembler tous les<br />

hommes ! » avait-il écrit dans une <strong>de</strong> ses cartes.<br />

Elle avait tellement envie d'ouvrir son ca<strong>de</strong>au avant que<br />

Maman ne lui apporte son petit déjeuner au lit en lui souhaitant<br />

un joyeux anniversaire. Elle <strong>de</strong>vait en avoir le droit,<br />

sinon pourquoi l'aurait-on posé là?<br />

Hil<strong>de</strong> prit le gros paquet sur la table <strong>de</strong> nuit. Qu'il était

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