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Le Monde de Sophie - Jostein Gaarder (En pdf) - Oasisfle

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272 LE MONDE DE SOPHIE<br />

être ne serait pas parfait s'il n'existait pas. Nous ne saurions<br />

en outre imaginer un tel être s'il n'existait pas, puisque nous<br />

sommes imparfaits et incapables <strong>de</strong> concevoir l'idée <strong>de</strong> la<br />

perfection. Selon Descartes, l'idée <strong>de</strong> Dieu est innée, elle est<br />

inscrite dans notre nature « comme un tableau porte la signature<br />

<strong>de</strong> l'artiste ».<br />

— Mais je peux m'amuser à imaginer à quoi ressemblerait<br />

un « crocophant » sans pour cela qu'il existe réellement.<br />

— Descartes aurait répondu que son existence n'est pas<br />

assurée dans le concept « crocophant ». Alors que dans le<br />

concept « être parfait », il y a l'assurance qu'un tel être existe.<br />

Cela est pour Descartes aussi vrai que dans l'idée du cercle le<br />

fait que tous les points <strong>de</strong> la circonférence sont à équidistance<br />

du centre. Tu ne peux pas parler d'un cercle si cette condition<br />

n'est pas remplie. De la même façon, tu ne peux pas parler <strong>de</strong><br />

l'être parfait s'il lui manque la plus importante <strong>de</strong> toutes les<br />

qualités, à savoir l'existence.<br />

— C'est un drôle <strong>de</strong> raisonnement.<br />

— C'est une argumentation typiquement « rationaliste ».<br />

Comme Socrate et Platon, il estimait qu'il y avait un lien<br />

entre la pensée et l'existence. Plus quelque chose est éclairant<br />

pour la pensée, plus on est sûr <strong>de</strong> son existence.<br />

— Bon, il a établi jusqu'ici qu'il est un être pensant et qu'il<br />

existe un être parfait.<br />

— À partir <strong>de</strong> là, il fait le raisonnement suivant : on pourrait<br />

penser que toutes les images du mon<strong>de</strong> extérieur, comme<br />

le Soleil et la Lune, ne sont que <strong>de</strong>s chimères. Mais la réalité<br />

extérieure possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s qualités que nous pouvons reconnaître<br />

avec la raison. Il s'agit <strong>de</strong>s rapports mathématiques, c'est-àdire<br />

ce qu'on peut mesurer en longueur, largeur et profon<strong>de</strong>ur.<br />

Ces qualités d'ordre « quantitatif » sont aussi claires et distinctes<br />

pour ma raison que le fait d'être un sujet pensant. <strong>En</strong><br />

revanche les attributs d'ordre « qualitatif » tels que la couleur,<br />

l'o<strong>de</strong>ur et le goût sont liés à notre appareil sensoriel et ne<br />

décrivent pas au fond la réalité extérieure.<br />

— La nature n'est donc pas un rêve?<br />

— Non, et sur ce point Descartes revient à sa conception <strong>de</strong><br />

DESCARTES 273<br />

l'être parfait. Quand notre raison reconnaît clairement et distinctement<br />

quelque chose, prenons le cas <strong>de</strong>s rapports mathématiques,<br />

alors c'est qu'il en est ainsi, car un Dieu parfait ne<br />

se moquerait pas <strong>de</strong> nous. Descartes fait appel à la « garantie<br />

<strong>de</strong> Dieu » afin que ce que nous reconnaissons avec notre raison<br />

correspon<strong>de</strong> aussi à quelque chose <strong>de</strong> réel.<br />

— Bon, passons. Il en est à savoir qu'il est un être pensant,<br />

que Dieu existe et qu'il existe aussi une réalité extérieure.<br />

— Mais la réalité extérieure est d'une autre nature que la<br />

réalité <strong>de</strong> la pensée. Descartes peut dès lors affirmer qu'il<br />

existe <strong>de</strong>ux différentes formes <strong>de</strong> réalité ou <strong>de</strong>ux « substances<br />

». La première substance est la pensée ou l'« âme »,<br />

l'autre est l'étendue ou la « matière ». L'âme est consciente<br />

d'elle-même, elle ne prend pas <strong>de</strong> place et ne peut par conséquent<br />

pas se diviser en plus petites parties. La matière au<br />

contraire s'étend, elle occupe une place dans l'espace et peut<br />

indéfiniment se subdiviser, mais elle n'est pas consciente<br />

d'elle-même. Selon Descartes, ces <strong>de</strong>ux substances découlent<br />

<strong>de</strong> Dieu, car seul Dieu existe <strong>de</strong> manière indépendante. Cela<br />

dit, ces <strong>de</strong>ux substances sont tout à fait indépendantes l'une<br />

<strong>de</strong> l'autre. La pensée est entièrement libre par rapport à la<br />

matière et inversement : les processus matériels peuvent se<br />

produire indépendamment <strong>de</strong> la pensée.<br />

— Il partage donc la création <strong>de</strong> Dieu en <strong>de</strong>ux.<br />

— Exactement. Nous disons que Descartes est dualiste,<br />

c'est-à-dire qu'il distingue radicalement la réalité spirituelle<br />

<strong>de</strong> la réalité matérielle. Seul l'homme a une âme ; les animaux<br />

appartiennent à la réalité matérielle puisque leur vie et leurs<br />

mouvements sont soumis à <strong>de</strong>s lois mécaniques. Descartes<br />

considérait les animaux comme <strong>de</strong>s sortes d'automates perfectionnés.<br />

— Je me permets d'émettre <strong>de</strong> fortes objections au fait <strong>de</strong><br />

réduire Hermès à une machine ou à un automate. On voit bien<br />

que Descartes n'a jamais aimé un animal. Et nous alors? On<br />

est aussi <strong>de</strong>s automates ?<br />

— Oui et non. L'homme est selon lui un être double<br />

puisqu'il pense et occupe une place dans l'espace, c'est-à-dire

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