Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

L'HUMANITE/MERCREDllef DECEMBRE 1993
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Décloration de III CGT
Solidaire d'un peuple en lutte
La CGT a fait hier la
déclaration
• suivante:
« Le gouvernement de
Turquie a obtenu des Etats
européens un soutien dars
sa répression violente
contre le peuple kurde. En
effet, après que'Je ministre
de l'Intérieur eut organisé
une vaste opération de
contrôles et d'arrestations
parmi les dirigeants et les
sympathisants 'des
associations kurdes en
France, le gouvernement
de la RFA a interdit
35 organisations
associatives et culturelles
kurdes en Allemagne sous
prétexte de soutien et de
participation à des'actes
terroristes. Hier, le
gouvernement français
annonçait l'interdiction de
deux associations kurdes.
La coïncidence de ces
mesures de répression, la
satisfaction exprimée suite
à celles-ci par le
gouvernement d'Ankara
témoignent d'un accord
politique qui fait des Etats
européens les complices
des souffrances et des
massacres des populations
kurdes, en contrepartie
d'échanges commerciaux,
notamment d'armes. Cette
sitUation intervient à l'heure
où la cause du peuple
kurde retient l'attention et
la sympathie d'une fraction
importante de l'opinion
publique, grâce à l'action
militante et opiniâtre des
réfugiés et immigrés
kurdes ainsi que de leurs
associations. La CGT, qui
condamne tout acte
terroriste et agit pour le
règlement des conflits par
les négociations, ne saurait
faire l'amalgame entre
ceux qui luttent pour la
reconnaissance de leurs
droits, y compris celui de
l'autodétermination, et ceux
qui prônent la violence pour
la violence. De même, elle
ne saurait se taire lorsque
sans aucune preuve on
accuse de terrorisme des
personnalités et des
associations. L'Histoire
n"us l'enseigne et
l'actualité la plus récente
en donne encore la
preuve: un peuple qui lutte
pour sa culture, son
identité, pour sa terre, doit
être entendu. La CGT
entend manifester sa
solidarité totale aux
dirigeants et militants
kurdes vivant en France
ainsi qu'à leurs familles.
Elle exige du
gouvernement français qu'il
libère les militants encore
détenus, suspende toute
mesure d'expulsion,
rappelle Ankara au
respect des droits de
l'homme et favorise
l'ouverture de véritables
négociations, seules
mesures pouvant arrêter la
violence de part et d'autre.
Pleinement partie prenante
de l'appel de nombreuses
associations au
rassemblement du jeudi
2 décembre à 18 h 30,
place de la République à
Paris, la CGT invite ses
organisations à sensibiliser
les salariés et à
faire exprimer
massivement la solidarité
en participant à ce
rassemblement. »
Les avocats dénoncent une
« opération politique »
« fit de solidarité,
NOS clients étaient
ursuivis pour dé-
maintenant, on peut carrément
parler de délit d'opinion. »
C'est M' Mangin qUI parle. Il
vient d'apprendre 9ue le Conseil
des ministres a decidé d'interdire
le Comité du Kurdistan et
les vingt-trois associations kurdes
regroupées dans la Fédération
des associations culturelles
des travailleurs du Kurdistan.
La nouvelle est tombée au beau
milieu de la conference de presse
donnée hier par les avocats des
vingt-quatre Kurdes mis en examen
après la rafle policière de
la semaine dernière. Vingt sont
incarcérés, deux font l'objet
d'un arrêté d'expulsion, dont
uoo, Rojine Ayaz, est assignée à
résidence dans les Deux-Sèvres.
D'entrée de jeu, M' Jacoby,
président de la Fédération internationale
des ligues de droit
de l'homme, donnait le ton :
« Nous sommes en présence
d'une affaire politico-juridique.
Une fois de plus, le pouvoir se
sert de la justice pour réaliser
une opération politique. » Selon
lui, la principale raison de la
rafle est à chercher dans le fait
que la France est aujourd'hui le
premier exportateur vers la
Turquie. M' Jacoby s'indigne du (( cynisme
» de la France, qui recommence
(( Il y a trois semaines,
le ministre de la Défense,
M. Léotard, a réalisé un fructueux
contrat de vente d'armes
à Ankara. Dans cette affaire, la
France était en concurrence
avec d'autres Kurdes a été pays. La rafle des
la cerise sur le gâteau.
»
qu'elle a « avec fait la Turquie autrefois ce
avec
l'Irak de Saddam Hussein ». Il
dénonce les méthodes utilisées :
(( Des journalistes avaient été
prévenus avant l'opération. Le
journal turc (( Hurriyt » du
20 novembre publiait des extraits
du rapport de la DST qui
avait servi ration. de Un base à rapport toute l'opération.
qualifié
d'ultra-secret, que le PKK qui s'apprêtait annonçait
à assassiner
un diplomate turc et à enlever
un journaliste en France.
Le 27 novembre, le même journal
annonçait que la France allait
remettre six membres du
PKK à la Turquie et publiait
leurs noms. On a aussi photocopié
des ( preuves» qu'on a remises
à certains journaux :
« France-Soir une facture censée » a ainsi prouver publié
qu'il
y avait eu un racket, mais
c'était en réalité une note de
blanchisserie. »
A son tour, M' Martineau révèle
que des documents concernant
des personnes protégées
par la Convention de Genève
sur les réfugiés ont été livrées à
la police turque et souligne la
gravité d'une telle violation.
M' Voituriez insiste sur le fait
que les dossiers sont vides. Le
seul chef d'inculpation qu'on ait
trouvé est « association de malfaiteurs
pour collecte de fonds
au bénéfice d'une organisation
terroriste ». Mais, s'indignent
les avocats, au regard des atrocités
commises par l'armée turque
au Kurdistan et qui n'ont
fait que s'aggraver ces derniers
temps, n'est-il pas naturel que
la communauté kurde de France
manifeste sa solidarité en versant
aux collectes? « On vient
de créer le délit de solidarité! »,
s'exclame M' Mangin.
En conclusion, M' Jacoby se
déclare consterné par la décision
du C9nseil des ministres :
«( Tou t cela est triste pour l'avenir
des libertés en France. Mais
nous ne laisserons pas faire. Et
nous espérons que les magistrats
nous suivront et refuseront de
servir de bras à une telle opération
politique. » F. G.-R.
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