Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RNISTA
STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi
Le Nouveau Quotidien - 22 novembre 1993
Tansu Çiller consolide son pouvoir
au moment où Ankara est mis au pilori
Un comité de l'ONU. présidé par le Suisse Joseph Voyame, dénonce la «pratique systématique» de la torture
Cil Turquie. Mme Çüler. quifulmine contre le «terrorisme kurde», est confirmée comme premier ministre.
ALAIN CAMP10m
Tansu Çiller, le premier ministre
de Turquie qui a été
confirIilée samedi à la tête
du parti de la Juste voie - et par
conséquent dans ses fonctions
gouvernementales - ne lira pas
avec plaisir le texte que le Suisse
Joseph Voyame vient de rendre
public: en tant que président du
Comité des Nations Unies contre
la torture, l'ancien chef de l'Office
fédéral de la justice accuse
les autorités turques - et c'est la
première fois qu'un Etat est de
cette façon mis au pilori - de tolérer
une «pratique systématique»
de la torture, en particulier
par les organes dépendant du Ministilre
de l'intérieur.
Le comité Voyame attend du
gouvernement de Tansu Çiller
«des mesures énergiques et efficaces»
pour mettre fin à ces.actes
dégradants, mais on sent bien
qu'il n'a pas la conviction d'être
rapidement entendu: la publication
de son texte accusateur semble
le démontrer. Il faut dire que
Mme Çiller a accueilli samedi sa
réélection par des paroles dures
sur sa détermination «à arrêter
l'escalade du terrorisme», ce qui
vise naturellement les combattants
séparatistes du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK):
les méthodes de lutte, particulièrement
impitoyables, employées
contre eux par. l'armée. turque,
dans les .provinces du sud-est
sous état d'urgence, ne vont pas
changer de sitôt.
Le comité que préside Joseph
Voyame - et que le Suisse va
d'ailleurs quitter - est un organe
de surveillance et d'enquête mis
en place par la Convention des
Nations Unies contre la torture,
dont la Turquie est signataire.
Dans son travail, il utilise en
principe (comme d'autres institutions
de même nature) des procédures
discrètes, intervenant sans
publicüé.auprès des gouverne-
ments sous Iii forme de recommandations,
avec l'espoir d'obtenir
la correction de pratiques
contraires à la convention. Mais
parCois, cette discrétion ne suffit
pas; elle ne suffisait en particulier
pas, ont estimé Voyame et les
autres membres du comité, dans
le cas de la Turquie.
Les témoignages sur les tortures
pratiquées par les organes de
sécurité turcs étaient si nombreux
et si cohérents que le comité
a décidé, il y a trois ans,
d'entamer une procédure à laquelle
la gouvernement d'Ankara,
dans un premier temps, a
refusé de collaborer" Après la défaite
du Parti de la mère patrie de
Turgut Ozal, et l'arrivée au pouvoir
d'une coalition comportant
ia gauche populiste social-démocrate,
Ankara a D.lllDtréplus de
souplesse, acceptap~. finalement
qu'une mission d'enquête se
rende en Turquie, en juin de l'an
passé.
La délégation était composée
de Joseph Voyame lui-même, et
du président de la Cour suprême
du Cameroun, Alexis Dipanda
Mouelle. Les deux hommes ont eu
des entretiens à Ankara et à
Diyarbakir, principale ville de la
région kurde, et ils ont pu rencontrer
en tête à tête, en se faisant
accompagner d'uri médecin,
une bonne soixantaine de détenus.
La quantité et la qualité des
témoignages recueillis (même
compte tenu du fait que des prisonniers
peuvent avoir un intérêt
politique à se dire torturés)
étaient telles que les deux enquêteurs
onusiens n'ont plus eu aucun
doute: la pratique de la torture
en Turquie est un système.
Certains locaux dépendant du Ministère
de l'intérieur leur avaient
été en outre interdits.
Avec de telles conclusions, le
comité a estimé que des recommandations
confidentielles
adressées à Ankara ne seraient
pas suffisantes. Il a donc annoncé
son intention de rendre public un
«compte rendu succinct» de ses
travaux, une mesure que le gouvernement
turc a jugée injustifiée
au printemps dernier. Le comité
a finalement passé aux actes, estimant
sans doute que les intentions
affichées à Ankara, et certaines
mesures annoncées (révision
de dispositions pénales)
restaient sans erret pratique, en
particulier pour toutes les arrestations
liées à des procédures devant
les cours de sûreté de l'Etat.
En Turquie,
la pratique
de la torture
est un système
Joseph Voyame et ses collègues
avaient ainsi demandé que
les enquêteurs abandonnent
l'usage du bandeau sur les yeux
pendant les interrogatoires; ils
demandaient aussi que soit créé
un système d'assistance judiciaire
gratuite, et que les avocats
puissent pénétrer dans les lieux
de détention. Ils n'ont obtenu que
des réponses insuffisantes, ou
pas de réponse du tout. Le comité
avait aussi demandé la «destruction
immédiate» de ce qu'en Turquie
on nomme les «sarcophages»:
des cellules d'isolement
sans éclairage, qui mesurent 80
centimètres sur 60, dans lesquelles
le détenu ne peut vivre que
debout ou accroupi. 0
Vmgt mille Kurdes à Bonn
Plus de vingt mille Kurdes
ont manifesté samedi à Bonn
pour protester contre les perquisitions
qui ont visé les associations
proches du PKK, à la
suite d'assauts menés au début
du mois contre des intérêts
.turcs en Allemagne. La manifestation
visait aussi à protester
contre la menace d'interdiction
qui pèse sur le PKK.Des
manifestations similaires, mais
bien plus modestes, ont également
eu lieu à.strasbourg et à
Paris, après l'opération policière
menée jeudi dernier dans
toute la France contre les militants
kurdes.
A Ankara, le Parti de la démocratie
(DEP), proche du
PKK, a demandé à la CSCE
(Conférence sur la sécurité et
la coopération en Europe) la
création d'un comité permanent
sur la situation des Kurdes
de Turquie «au seuil d'un
génocide et d'une déportation»,
dit ce parti.
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