CINQL’état sans désirsD e temps à autre, Swâmiji me demandait : Do you knowwhat is moksha, Arnaud ? – « Savez-vous ce qu’est <strong>la</strong> libération, Arnaud ? » Je me gardaisbien de répondre et de donner une des définitions c<strong>la</strong>ssiques de moksha, pour attendre saréponse à lui. Moksha, le suprême accomplissement possible à l’homme, est toujours décriten termes de transcendance, d’infini, d’illimitation, d’éternité. Swâmiji en donnait des définitionsbeaucoup plus simples, beaucoup plus accessibles et beaucoup plus bouleversantes,que je recevais toujours comme un choc en plein cœur. Un jour, à ce : « Do you know what ismoksha, Arnaud ? » – « Savez-vous ce qu’est <strong>la</strong> libération, Arnaud ? » Swâmiji répondit :« Complete release of all tensions, physical, emotional and mental », – « Le relâchement completde toutes les tensions physiques, émotionnelles et mentales. »Et j’ai réalisé, en un instant, que toute mon existence n’était faite que de tensions physiques,émotionnelles et mentales, avec par moments, après une heure d’asanas, d’exercices surle hara, de « méditation » ou quand un désir était momentanément satisfait, un peu de détenteà <strong>la</strong> surface.Au fond, je le savais, et qui ne le sait ? Mais je ne l’avais jamais vu en face et accepté à cepoint. Ce complet relâchement, cet abandon complet de toutes les tensions physiques, émotionnelleset mentales, était une définition à <strong>la</strong> fois simple et terrible car elle montrait que,tant que ces tensions seraient là, <strong>la</strong> libération ne serait qu’un rêve. Ce mot release signified’ailleurs plus que relâchement des tensions, il signifie « libération ». Release, c’est libérer unprisonnier par exemple. Libération de toutes les tensions signifie donc ne plus les maintenir,ne plus les garder en nous, car c’est nous qui sommes les gardiens consciencieux de notrepropre prison. Cette définition de <strong>la</strong> libération est à rapprocher d’une autre, plus c<strong>la</strong>ssique :« La libération, c’est <strong>la</strong> disparition définitive de tous les désirs et de toutes les peurs. » Eneffet, dès qu’il y a désir ou peur, il y a tension – tension physique, tension émotionnelle ettension mentale.Si l’on nous propose comme but <strong>la</strong> complète suppression de toutes les tensions, nous adhéronstout de suite. L’ego ne voit rien là qui puisse le menacer. Qui ne souhaiterait êtreprofondément déten<strong>du</strong> ? Mais quand on nous dit que cette détente complète, cette disparitionde toutes les tensions, est synonyme de l’état-sans-désir, l’ego s’affole, puisqu’il n’est faitque de désirs. Pourtant, si nous regardons un peu attentivement, avec une buddhi quelquepeu vigi<strong>la</strong>nte, nous voyons bien que cette disparition de toutes les tensions, ce merveilleux
elâchement, cette détente ne peuvent se pro<strong>du</strong>ire tant que subsistent, manifestés ou « <strong>la</strong>tents» (c’est-à-dire non conscients) les désirs et les peurs.L’existence ordinaire est tension, conflit et, en même temps, tout le monde rêve de paixet de détente. Autrement dit, l’ego veut <strong>la</strong> paix mais sans renoncer aux conflits, l’ego veut <strong>la</strong>détente mais sans renoncer aux tensions, ce qui est manifestement impossible.Tous les enseignements, pas seulement l’adhyatma <strong>yoga</strong>, ont insisté sur cette disparitiondes peurs et des désirs. Vous trouvez ce thème dans l’ancienne tradition chrétienne : ne riendésirer d’autre que ce que Dieu donne et n’avoir aucune crainte, parce que « tout concourt aubien de ceux qui aiment Dieu ». C’est évidemment plus facile à dire qu’à vivre. Vivre sansaucune peur, l’ego est d’accord ; sans aucun désir, ce<strong>la</strong> lui paraît horrible : <strong>la</strong> mort. C’est effectivement<strong>la</strong> mort de l’ego. Et cette mort de l’ego, c’est <strong>la</strong> Vie Éternelle. Un texte des Upanishadsest formel à cet égard : « Quand tous les désirs dans le cœur ont été abandonnés,immédiatement le mortel se révèle immortel. » (Brihadaranyaka Up. IV 4.7. et Katha Up.II. 3.14.)Cette disparition des désirs, c’est <strong>la</strong> grande question. Il existe dans une certaine tradition– qu’on retrouve dans toutes les religions – une façon déviée de comprendre cette question.Elle s’exprime à travers des formu<strong>la</strong>tions comme : « Il faut tuer les désirs. » On ne tuepas les désirs, ou l’on se tue soi-même. On ne peut rien tuer et le commandement « Tu netueras point » s’applique toujours, partout, en toutes circonstances. On ne peut pas tuer lesdésirs, on peut seulement les transformer. Effectivement, <strong>la</strong> transformation représente <strong>la</strong>mort de ce qui était, pour faire p<strong>la</strong>ce à ce qui est. La transformation de l’enfant en adolescent,c’est <strong>la</strong> mort de l’enfant, qui a disparu, remp<strong>la</strong>cé par l’adolescent, et le passage del’adolescent à l’a<strong>du</strong>lte, c’est <strong>la</strong> mort de l’adolescent remp<strong>la</strong>cé par l’a<strong>du</strong>lte.Dans les Upanishads, il est dit : « Quand tous les désirs ont été abandonnés », qu’on les a<strong>la</strong>issés tomber. La libération ne sera jamais le fruit de <strong>la</strong> frustration et de <strong>la</strong> muti<strong>la</strong>tion. Pluson s’oppose par <strong>la</strong> force aux désirs de l’ego, plus on renforce l’ego. C’est ce qui se passe notammentdans l’enfance : plus on s’oppose à un enfant, en essayant de briser ses caprices, sesviolences et ses demandes, plus on renforce son ego, plus on hypertrophie son ego. Un egohumilié, un ego qui doute de lui, <strong>la</strong> tête en bas, les jambes en l’air, c’est toujours un ego hypertrophié.La disparition des désirs ne peut se faire que par un certain accomplissement desdésirs, un minimum d’accomplissement des désirs, et une compréhension aiguë – dont lemental ordinaire est bien incapable – de <strong>la</strong> nature même <strong>du</strong> désir.L’expression « <strong>la</strong> mort de l’ego » est moins fal<strong>la</strong>cieuse que celle de « détruire l’ego ». Ilfaut n’avoir vraiment jamais mené <strong>la</strong> « Grande Guerre Sainte » contre son égoïsme pour employerà <strong>la</strong> légère de telles formules. Certes, dans <strong>la</strong> réalisation de l’atman, le sens de <strong>la</strong> séparationou <strong>du</strong> moi indivi<strong>du</strong>alisé a disparu mais on peut aussi dire légitimement que dansl’a<strong>du</strong>lte le bébé est mort. (Je ne nie pas que, trop souvent, l’enfant frustré subsiste dans lepsychisme, comme le montrait Swâmiji, mais physiquement par<strong>la</strong>nt, dans l’a<strong>du</strong>lte le bébé adisparu.) Rien ne se crée, rien ne se détruit, jamais, nulle part. La destruction, c’est <strong>la</strong> transformation.La chenille doit mourir pour que le papillon se révèle, mais écraser une chenillefera un cadavre de chenille et non un papillon.L’ego ne se transformera en atman, en <strong>Soi</strong>, on ne révélera le <strong>Soi</strong> que s’il est convenablementtraité. Un ego brimé dans l’enfance et ensuite brimé par l’existence ne fera jamais p<strong>la</strong>ceau <strong>Soi</strong>. Et, s’il y a trop de frustrations de l’ego, <strong>la</strong> spiritualité sera viciée. Elle deviendra simplementune compensation et elle peut mener à une inf<strong>la</strong>tion énorme de l’ego. Pour que le105
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