Mais c’est vrai aussi dans les émotions qui passent presque inaperçues, qui n’intéressentpas celui qui veut seulement avoir une vie à peu près vivable mais qui concernent celui quiveut dépasser le niveau ordinaire d’une existence humaine et mener beaucoup plus loin sonélévation intérieure. Pour accéder aux états de conscience supérieurs, il faut une maîtrise desoi et une connaissance de soi beaucoup plus poussées que celles qui sont nécessaires à <strong>la</strong> vieordinaire. Une grande vigi<strong>la</strong>nce intérieure, une perception de ce qui se passe en nous beaucoupplus subtile, beaucoup plus aiguë, permet de se rendre compte qu’il y a tout le temps,tout le temps, des modifications physiques liées à des modifications émotionnelles presqueimperceptibles, jusqu’à ce que tout un travail intérieur ait été effectué qui correspond à cequ’on appelle techniquement manonasha, destruction <strong>du</strong> mental, ou mano<strong>la</strong>ya, dissolution <strong>du</strong>mental.Dès qu’on est dans l’émotion, il y a perturbation des fonctionnements divers : circu<strong>la</strong>tion<strong>du</strong> sang, g<strong>la</strong>ndes endocrines, rythme de <strong>la</strong> respiration, oxygénation <strong>du</strong> muscle cardiaque,modification non seulement de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion dans les vaisseaux périphériques mais mêmedes substances diverses transportées par le sang. Par conséquent, les émotions sont conditionnéespar des modifications physiologiques relevant de pranamaya kosha, et ces modificationsémotionnelles déterminent le fonctionnement <strong>du</strong> mental. Non pas de l’intelligence,vijnana, mais <strong>du</strong> mental, manas, qui « pense » au lieu de « voir » ; tant et si bien qu’on penseson existence au lieu de <strong>la</strong> vivre. Ce mental pense et quand je dis « pense », c’est en donnantà ce mot un sens péjoratif. Le mental interprète. Il crée tout le temps autre chose que ce quiest : ce qui selon lui devrait être, pourrait être, aurait pu être, aurait bien pu ne pas être.Ordinairement, le fonctionnement se fait de l’extérieur vers l’intérieur. Une sensation mefrappe, elle détermine certaines réactions physiques qui sont les supports des émotions ; cesémotions entraînent ma pensée dans une certaine direction. Ce courant d’émotion se rattachesoit à l’attraction, soit à <strong>la</strong> répulsion, puisque dans le monde de <strong>la</strong> <strong>du</strong>alité, le monde del’ego, toute existence est conçue en termes d’attraction et de répulsion. Ce double mouvementd’attraction et de répulsion détermine toute <strong>la</strong> façon de penser habituelle, toute <strong>la</strong> façonhabituelle d’envisager l’existence : le passé, le présent, le futur. Que l’émotion soit forteou qu’elle soit à peine perceptible, tant que le mental fonctionne, il ne fonctionne jamaislibrement ; il fonctionne uniquement selon <strong>la</strong> <strong>du</strong>alité des espoirs et des craintes. Le mentalse sent soit rassuré, soit menacé et, si je me sens rassuré ou si je me sens menacé, même àpeine, le corps réagit. Ce dont je vous parle là peut n’être pas perceptible et ne devient perceptiblequ’avec un très grand entraînement, une très grande vigi<strong>la</strong>nce, un grand exercice de<strong>la</strong> conscience de soi, demandant peut-être plusieurs années de discipline selon des connaissancesbien précises.J’essaie de parler un <strong>la</strong>ngage simple qui peut avoir un sens même pour les débutants. Ilest facile de se rendre compte que les changements d’influences extérieures nous modifienttout le temps. Je rentre dans mon appartement que je m’attendais à trouver bien en ordre ; i<strong>la</strong> été cambriolé. Toutes sortes de réactions s’effectuent à l’intérieur de moi, qui sont tout àfait différentes selon que, fondamentalement, j’accepterai ou non le fait que cette pièce estsens dessus dessous – parce que cette pièce est sens dessus dessous, et il n’y a rien d’autre àajouter – ou que, fondamentalement, je n’accepterai pas le fait que cette pièce est sens dessusdessous, parce que ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. D’instant en instant, ce qui nousfrappe à travers l’un de nos sens déterminera des réactions et c’est là, à ce niveau, que se situel’immense différence entre celui qui est soumis à des réactions et celui qui n’y est plus sou-44
mis ; celui qui, si je puis dire, « accuse le coup », soit que ce<strong>la</strong> lui p<strong>la</strong>ise, soit que ce<strong>la</strong> lui dép<strong>la</strong>ise,et celui qui demeure neutre, impassible, immuable, ce qu’on appelle en sanscrit samadarshan, équanimité ou vision égale. Les textes à cet égard sont tous c<strong>la</strong>irs : « non affecté parle blâme et <strong>la</strong> louange, par le succès et par l’échec, par le chaud et par le froid, par les privationset par les satisfactions », etc.Si une complète transformation intérieure ne s’est pas opérée, le mouvement se fait del’extérieur vers l’intérieur. Une sollicitation extérieure vous touche : un son retentit, que cesoit une sonnerie de téléphone, le bruit d’un meuble qu’on dép<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> pièce à côté decelle où vous vous trouvez, un cri derrière vous, une vision, une odeur, toute sensation meten branle en vous une série de mécanismes et de contractions muscu<strong>la</strong>ires diverses. Votreattitude physique va changer tout de suite. Vous allez peut-être bomber le torse, contracterles épaules, rentrer le ventre ; vous allez serrer les poings, serrer les dents, vous redresser,vous rétracter, modifier votre attitude physique d’abord, muscu<strong>la</strong>ire, concernant le corpsphysique lui-même ; ensuite, toutes sortes de modifications concernant pranamaya koshavont affecter les g<strong>la</strong>ndes endocrines diverses, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> sang, l’oxygénation <strong>du</strong> sang,l’irrigation <strong>du</strong> muscle cardiaque.Mené par les émotions, « j’aime », « je n’aime pas », « je me sens frustré » ou « gratifié »,« rassuré ou menacé », « satisfait ou mécontent », cette réaction émotionnelle qui fonctionnetoujours dans <strong>la</strong> <strong>du</strong>alité, les paires d’opposés, l’oscil<strong>la</strong>tion d’un pen<strong>du</strong>le, va affecter votre pensée.Certains jours on voit tout en rose, certains jours on voit tout en noir. Quand il y a émotion,l’émotion détermine <strong>la</strong> pensée et, si <strong>la</strong> conscience est identifiée à ce mouvement depensée, l’être humain n’est plus rien d’autre qu’une série de réactions.Ensuite ces pensées vont entraîner un certain comportement. Les actions ne sont en faitque des réactions dans l’illusion d’une responsabilité, d’une liberté, d’une maîtrise qui sontabsolument imaginaires.En revanche, si ce fonctionnement émotionnel est dépassé, l’homme a <strong>la</strong> possibilité de sesituer au niveau de vijnanamaya kosha, l’enveloppe faite d’intelligence objective, qui voit lemonde tel qu’il est et non pas tel qu’il devrait être, pourrait être ou aurait pu ne pas être. Etcette intelligence est associée à une participation <strong>du</strong> cœur que j’appelle sentiment (« l’intelligence<strong>du</strong> cœur ») pour <strong>la</strong> distinguer des émotions et qui ne s’accompagne d’aucune perturbationphysiologique. Vijnanamaya kosha est libre des perturbations sur le p<strong>la</strong>n de pranamayakosha. Comprenez-moi bien : l’intensité de sentiment d’amour, de compassion que nous prêtonsau Bouddha n’est mesurable par aucune électrode, aucun électroencéphalogramme, aucunélectrocardiogramme, aucune prise de sang, aucune analyse <strong>du</strong> fonctionnement desg<strong>la</strong>ndes endocrines. Vous trouvez peut-être étrange cette intervention de données médicalesà propos de <strong>la</strong> compassion illimitée <strong>du</strong> Bouddha, mais c’est un point très important. Lesémotions peuvent être détectées à l’aide de l’électrocardiogramme ou l’électroencéphalogramme.Amenez à une mère le cadavre de son enfant qui vient d’être écrasé par une voiture: des perturbations physiques, physiologiques, biologiques intenses vont se pro<strong>du</strong>iredans tout son organisme. C’est une émotion. Amenez au Bouddha le cadavre de son proprefils, il aura un sentiment profond de <strong>la</strong> réalité de <strong>la</strong> naissance et de <strong>la</strong> mort, de <strong>la</strong> destructionde ce qui est périssable, de <strong>la</strong> décomposition de ce qui est composé, un sentiment de compassionpour <strong>la</strong> mère de cet enfant, mais, si immense que soit ce sentiment, rien ne pourraitêtre détecté à l’électrocardiogramme. Et pourtant ce<strong>la</strong> ne veut pas dire que le cœur soit devenuun morceau de bois ou un bloc de pierre, bien au contraire.45
- Page 2 and 3: ARNAUD DESJARDINSAdhyatma yogaÀ la
- Page 5: À mon tour j’ai tenté de retran
- Page 8 and 9: cette relation, la deviner ou la co
- Page 10 and 11: de la mission du Christ sur terre a
- Page 13 and 14: Autrefois, le gourou avait pour rô
- Page 15 and 16: L’éducation, ce n’est pas l’
- Page 17 and 18: vous trouvez l’égalité d’hume
- Page 19 and 20: Mais, parce que le plus souvent - e
- Page 21 and 22: tantra, le fait de dépendre d’un
- Page 23 and 24: tier..., des responsabilités... Si
- Page 25 and 26: lui faisait toujours déplacer une
- Page 27 and 28: tage, mais elle est encore plus dif
- Page 29 and 30: damayi. Alors, comment est-ce que j
- Page 31 and 32: DEUXLes revêtements du « Soi »L
- Page 33 and 34: vêtements. D’un certain point de
- Page 35 and 36: m’appelle : « Où es-tu ? » et
- Page 37 and 38: dormir), s’accoupler (ou chercher
- Page 39 and 40: que d’un physicien américain ath
- Page 41 and 42: transcend body consciousness, ou to
- Page 43: commencer à contrôler la circulat
- Page 47 and 48: condition humaine dans l’illimit
- Page 49 and 50: trace de conscience personnelle dis
- Page 51 and 52: ien que des maîtres du bouddhisme
- Page 53 and 54: ticulière : monsieur ou madame Unt
- Page 55 and 56: Me voilà sous le visage de Christi
- Page 57 and 58: le pronom masculin, Cela désignera
- Page 59 and 60: Il existe encore une autre dualité
- Page 61 and 62: poussent au-dehors. Le voilà sépa
- Page 63 and 64: que ou de psychologie, la vérité
- Page 65 and 66: Et ce n’est pas encourageant de v
- Page 67 and 68: une horreur pareille ! L’homme or
- Page 69 and 70: Les doctrines traditionnelles affir
- Page 71 and 72: monde de son espèce. C’est une i
- Page 73 and 74: n’existe pas pour moi, si je n’
- Page 75 and 76: Cette réalité échappe au temps,
- Page 77 and 78: QUATREL’acceptationN’ oubliez p
- Page 79 and 80: tophone qui tomberait en panne aujo
- Page 81 and 82: limite dans laquelle accepter et to
- Page 83 and 84: qui vous coupe de la réalité du m
- Page 85 and 86: encore jamais faite, sauf à certai
- Page 87 and 88: L’émotion négative superpose «
- Page 89 and 90: cidé à progresser. C’est toujou
- Page 91 and 92: le mécanisme du disjoncteur : celu
- Page 93 and 94: cient, cela attire mon attention su
- Page 95 and 96:
n’y a plus moi avec ma forme part
- Page 97 and 98:
je ne vais pas faire cet effort afi
- Page 99 and 100:
dualité, je lui donne le droit à
- Page 101 and 102:
plus sur le chemin qui va du sommei
- Page 103 and 104:
là ne veut pas dire donner un coup
- Page 105 and 106:
elâchement, cette détente ne peuv
- Page 107 and 108:
désirs que nous allons trouver la
- Page 109 and 110:
vous qui connaissez bien Les Chemin
- Page 111 and 112:
dans les anciens textes : « Devien
- Page 113 and 114:
m’attends à ce qu’une personne
- Page 115 and 116:
la fermeture des portes ; il faut p
- Page 117 and 118:
est-ce que ce désir peut être ré
- Page 119 and 120:
tait non plus dans la honte, mais d
- Page 121 and 122:
Mais il n’y a jamais d’injustic
- Page 123 and 124:
correspond, dans une autre terminol
- Page 125 and 126:
fait partie, traduisent par surimpo
- Page 127 and 128:
voyais même pas l’araignée au p
- Page 129 and 130:
sans un second. Le serpent n’est
- Page 131 and 132:
la corde. Il n’y a pas de serpent
- Page 133 and 134:
SIXKarma et dharmaC haque fois que
- Page 135 and 136:
Rendez-vous compte : « J’agis to
- Page 137 and 138:
tent l’opposition et vous ne fere
- Page 139 and 140:
en particulier. Examinez votre prop
- Page 141 and 142:
flou, d’arbitraire, ni de subject
- Page 143 and 144:
comme l’écran du cinéma est lib
- Page 145 and 146:
etc. Vous finirez par trouver un ce
- Page 147 and 148:
Cette absence de liberté permet la
- Page 149 and 150:
comprendre les différents aspects
- Page 151 and 152:
trouve. Dans les Fragments d’un e
- Page 153 and 154:
le nombre des comédiens augmente p
- Page 155 and 156:
À cet égard, dans la société ac
- Page 157 and 158:
engagés sur le chemin de l’honn
- Page 159 and 160:
SEPTMahakarta, MahabhoktaL e chemin
- Page 161 and 162:
Le seul critère de l’action, tan
- Page 163 and 164:
Peu à peu, cette demande de la sit
- Page 165 and 166:
qui demeurent ? Ce sont le mental e
- Page 167 and 168:
L’enseignement du vedanta met en
- Page 169 and 170:
esprit n’est jamais perturbé, qu
- Page 171 and 172:
Je continue la description du « Gr
- Page 173 and 174:
et mystique, qu’il s’agisse du
- Page 175 and 176:
l’aient dit et proclamé. Mais, q
- Page 177 and 178:
est soumis à l’alternance de l
- Page 179 and 180:
solu et non plus relatif. Et seul l
- Page 181 and 182:
un mensonge, tous les enseignements
- Page 183 and 184:
Dieu et qui vieillissent amers et d
- Page 185 and 186:
son niveau d’expérience actuelle
- Page 187 and 188:
tenant, au contraire. Un jour, le B
- Page 189 and 190:
S’il y a un mot qui ne doit pas
- Page 191 and 192:
ne veut pas dire pour autant que vo
- Page 193 and 194:
être pur, conscience pure, béatit