ence seulement. En profondeur, il est complètement mort à lui-même. Il est tout, parcequ’il n’est, en vérité, plus rien de particulier. Le gourou est plus moi-même que moi, et c’estce qui donne son sens à <strong>la</strong> prosternation qu’accomplissent les disciples bouddhistes et hindous,qui mettent le front au sol devant le gourou (ce qu’on appelle en sanscrit pranam) ou à<strong>la</strong> dévotion avec <strong>la</strong>quelle, en Is<strong>la</strong>m, le disciple <strong>du</strong> maître soufi embrasse son vêtement et samain. En faisant le pranam, non pas devant une statue de Dieu dans un temple, mais devantun être humain vivant, je ne fais jamais le pranam qu’à moi-même, pas à un autre. Les Européensqui s’indignent en y voyant un geste de servilité obséquieuse, d’adoration idolâtre, setrompent complètement. En faisant le pranam au gourou, je fais le pranam à moi-même, àl’atman qui est en moi, l’atman que je suis.Aujourd’hui, votre conscience est – ou paraît être – séparée de <strong>la</strong> splendeur illimitée decet atman, dont tous les enseignements vous affirment qu’il est votre vraie réalité. Que l’ons’exprime en <strong>la</strong>ngage <strong>du</strong>aliste et qu’on parle des noces mystiques entre l’homme et Dieu quise rencontrent et s’unissent au fond <strong>du</strong> cœur de l’homme, ou qu’on parle en <strong>la</strong>ngage non<strong>du</strong>aliste, <strong>la</strong> situation est <strong>la</strong> même <strong>du</strong> point de vue re<strong>la</strong>tif. Vous n’êtes pas encore en contactavec <strong>la</strong> réalité divine, infinie, immortelle, éternelle en vous. Et pourtant, cette réalité est làau fond de vous, qui ne cesse de vous appeler. C’est à cause de cette réalité qu’aucun hommene peut jamais se satisfaire pleinement de ce qui est limité, re<strong>la</strong>tif et qu’il cherche toujours« plus ».Cette réalité suprême que je suis déjà sans en être conscient envoie à mon ego, au moiprisonnier de <strong>la</strong> mort et de <strong>la</strong> limitation, un ambassadeur. C’est un ambassadeur que jem’envoie à moi-même, que je m’envoie en tant qu’atman à moi-même en tant qu’ego. Cetambassadeur, c’est le gourou. En faisant le pranam au gourou, si l’on comprend le sens <strong>du</strong>geste, on fait le pranam à soi-même, à l’atman, à sa propre grandeur qui transcende complètementl’ego limité, mesquin, effrayé.Mais, même si l’on a accepté intellectuellement cette vérité, même si notre cœur l’a pressentie,dans le re<strong>la</strong>tif, quand le mental et les émotions sont là, j’oublie sans cesse ce que j’aisaisi <strong>du</strong> gourou. De nouveau, je vois un homme ou une femme qui m’aime, qui ne m’aimepas, qui me comprend, ne me comprend plus, qui a changé, qui était très gentil avec moi,qui ne l’est plus, qui est plus gentil avec les autres, qui est injuste, qui me consacre une demiheurealors qu’il donne une heure à mon voisin, qui ne répond plus à mes questions. Toutessortes d’émotions vont se lever en moi à l’égard <strong>du</strong> gourou. Projection et transfert vont s’endonner à cœur joie. Mais le gourou se tient au-delà <strong>du</strong> contre-transfert, puisqu’il a été jusqu’aubout de <strong>la</strong> mise à jour de son inconscient, jusqu’au bout de <strong>la</strong> mort à lui-même.Comme je l’ai expliqué dans Les Chemins de <strong>la</strong> sagesse, on appelle techniquement manonasha,<strong>la</strong> « destruction <strong>du</strong> mental », vasanakshaya, « l’érosion de toutes les tendances <strong>la</strong>tentes », detoutes les peurs et de tous les désirs, chitta shuddhi, <strong>la</strong> « purification de chitta », <strong>la</strong> mémoire,et surtout <strong>la</strong> mémoire inconsciente. Il n’y a pas de contre-transfert chez le gourou, mais de <strong>la</strong>part <strong>du</strong> candidat-disciple, toutes les vieilles émotions se réveillent. Heureusement, car c’estindispensable. S’il n’y avait jamais qu’un émerveillement idyllique en face <strong>du</strong> gourou, il n’yaurait aucun cheminement, aucune progression. Il y aurait une paix quand on est en présence<strong>du</strong> gourou et une nostalgie quand on est loin de lui. Pour que le disciple ne soit paséternellement l’enfant d’un gourou qui devient Dieu le Père marchant sur terre, le papa idéalet <strong>la</strong> maman idéale, pour que le disciple ne soit pas à tout jamais dépendant <strong>du</strong> gourou, maisdevienne dépendant de lui-même (ce qu’on appelle en Inde svatantra, par opposition à para-20
tantra, le fait de dépendre d’un autre), pour que ce disciple devienne non dépendant, il fautque toutes les émotions possibles naissent et se dissipent entre le gourou et lui. Sur un vraichemin, il y a des moments où l’on ne comprend plus le gourou, ni comment il agit avecnous, où l’on doute, cependant qu’une autre voix nous dit : « Mais non ! Il n’est pas possiblede douter, je le sais. » On est mal à l’aise, et le gourou est pour nous un objet de souffrance,une cause de souffrance. C’est indispensable qu’il en soit ainsi, sinon l’on ne pourrait pasvraiment devenir a<strong>du</strong>lte, non dépendant et vraiment libre par rapport à toutes ses émotions<strong>la</strong>tentes. Dans ces moments douloureux de doute, le pranam prend un sens particulier :« Qu’est-ce que je fais ? Devant qui est-ce que je me prosterne ? Qui fait le pranam devantqui ? »Swâmiji dînait avant nous, nous pouvions assister à son dîner si nous voulions, qui sepassait bien enten<strong>du</strong> sans parler. Puis nous dînions frugalement. Entre huit heures et neufheures <strong>du</strong> soir, dans <strong>la</strong> pénombre, Swâmiji était assis immobile. On ne savait pas s’il dormait,s’il était en samadhi, s’il était conscient de nous, <strong>du</strong> monde qui l’entourait, encore quej’aie compris plus tard qu’il était parfaitement conscient, que rien ne lui échappait, même s’ilétait à l’image d’une statue. Nous allions séparément faire le pranam à Swâmiji, seul dans <strong>la</strong>pénombre. Nous nous approchions de <strong>la</strong> banquette sur <strong>la</strong>quelle il se tenait, le soir, dans lesdernières années de sa vie, une sorte de chaise longue sur <strong>la</strong>quelle il était à moitié allongé. Etchacun, tout seul, pour soi, nous faisions le pranam à Swâmiji avant de nous retirer dans notrepetite cellule. Un vieux disciple indien me disait : « Vous pouvez monter faire le pranamà Swâmiji. » Je montais. Je sentais : « Qu’est-ce que c’est que ce pranam, alors que je suisten<strong>du</strong>, nerveux, que j’en veux à Swâmiji parce que je suis malheureux et qu’il n’a rien faitdepuis trois jours pour me sortir de ma souffrance ? Qui fait le pranam à qui ? Je vais faire unpranam de caricature. Je vais incliner mon corps, alors que je ne suis pas unifié. Non, je nepeux pas faire ça. » Dans <strong>la</strong> pénombre, tous mes doutes montaient à <strong>la</strong> surface : « Alors, suisjeou non disciple ? Je doute ou je ne doute pas ? » Parfois, ce<strong>la</strong> <strong>du</strong>rait dix minutes, un quartd’heure et plus. En bas, ils devaient se dire : « Qu’est-ce que fait donc Arnaud ? Il est bienlong. » Ou bien, se souvenant d’une certaine période de leur sadhana, ils devaient sourire etcomprendre. Certains jours, c’était seulement au bout de vingt minutes que je réussissaisfinalement à faire un pranam conscient, avec ce que j’étais, accepté, assumé et, au fond demoi, j’étais quand même vraiment d’accord pour faire le pranam à Swâmiji. Ce<strong>la</strong> m’obligeaità aller jusqu’au bout de moi-même, de ma re<strong>la</strong>tion avec lui, de ma compréhension actuellede ce qu’il était pour moi, de ce que j’attendais de lui, de ce qu’il avait déjà fait pour moi.De même qu’il y a un raja-<strong>yoga</strong>, un karma-<strong>yoga</strong> et un bhakti-<strong>yoga</strong>, je pourrais dire qu’ily a un pranam-<strong>yoga</strong>, un <strong>yoga</strong> <strong>du</strong> pranam, tellement ce geste qui nous demande d’être là,tête, cœur et corps unifiés pour marquer notre engagement, nous implique, tellement cegeste, fait consciemment (et il est difficile de le faire mécaniquement parce qu’il nous estmoins familier que de donner une poignée de main distraite) nous oblige à aller profond ennous-mêmes, jour après jour. Mais ne nous y trompons pas, le pranam, ce n’est pas quelqu’unqui s’incline devant quelqu’un d’autre, quels que soient les mérites éventuels de cetautre. C’est quelqu’un qui s’incline devant une réalité supra-indivi<strong>du</strong>elle et impersonnelle.En voyant plus loin que l’apparence <strong>du</strong> gourou, en voyant son essence, c’est quelqu’un encoresoumis à <strong>la</strong> limitation qui s’incline devant son propre <strong>Soi</strong>, son propre atman, illimité,infini et indestructible.21
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là ne veut pas dire donner un coup
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un mensonge, tous les enseignements
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