tions diminuent, à mesure que je vis moins dans mon monde et un peu dans le monde, cetteréponse juste commence à apparaître et c’est à cette réponse que l’on commence, de tout soncœur, à se soumettre. S’il m’est demandé combien font 3 fois 5, et si je ne suis pas fou, je n’aipas le choix : je ne peux répondre que 15 et non 7 ou 12. Ma dignité exige que je sois dans lemonde réel, non pas dans mon monde subjectif, et que j’agisse – au lieu de réagir – de façonjuste.Tant qu’il reste une hésitation, quelle est l’action juste ? Je ne suis pas capable de <strong>la</strong> voirni de <strong>la</strong> sentir. Tant qu’il reste un conflit, j’ai bien l’impression que l’action juste serait celleci,mais elle est absolument au-dessus de mes forces, je ne l’accomplirai pas, j’en accompliraiune autre qui est <strong>la</strong> seule dont je sois capable pour l’instant. On reste dans le re<strong>la</strong>tif, on resteau p<strong>la</strong>n de l’effort. Je porte le fardeau de ma propre existence, j’essaie de progresser, de devenirmoins infantile et plus a<strong>du</strong>lte, moins esc<strong>la</strong>ve et plus libre, moins égoïste et plus vaste. Ceteffort, cette lutte, c’est ce qu’on appelle le chemin, <strong>la</strong> voie, mârgâ ou sadhana. C’est là queréside <strong>la</strong> première dignité humaine : ne plus exister comme un animal mais comme unhomme. Ce n’est pas l’étape ultime.Au départ, il n’y a aucune possibilité de choix. C’est l’impulsion intérieure qui l’emportetoujours avec une illusion de liberté. On dit en ang<strong>la</strong>is to be compelled, ou compulsion. Uneobligation intérieure impose <strong>la</strong> réaction, comme un simple réflexe, action / réaction, stimulusextérieur / réaction de ma part. On est entraîné par ces chaînes de causes et d’effets. Ensuiteseulement apparaît une possibilité de choix ou, plus exactement, l’impression d’unepossibilité. Est-ce que je fais ceci ou non ? Qu’est-ce qui est juste ? Qu’est-ce qui m’est demandé? Un conflit existe entre les impulsions les plus immédiates et le désir de progresser,c’est-à-dire de dépasser <strong>la</strong> soumission aveugle à ses impulsions. Il y a une apparence de choixqui pose un problème. Si l’on me demande quelle est <strong>la</strong> plus belle ville d’Italie, on me poseun problème. « Est-ce que c’est Naples ? Non !... C’est Venise ? Venise, c’est <strong>la</strong> plus célèbre.La plus belle... c’est Sienne ; Sienne ou Florence ? » Je n’en sors plus. Si l’on me demande enrevanche quelle est <strong>la</strong> capitale de l’Italie, je n’ai pas le choix, je réponds Rome. Il en sera demême pour l’action.Au début <strong>du</strong> chemin, je n’ai pas le choix, je ne peux donner comme réponse que ma réactionmécanique. À mesure que je progresse sur le chemin, de nouveau le choix diminue : jesens de mieux en mieux <strong>la</strong> demande, donc <strong>la</strong> réponse. À chaque instant, une seule réponseest <strong>la</strong> réponse juste, dans le re<strong>la</strong>tif ; je ne dis pas <strong>la</strong> réponse juste qui serait <strong>la</strong> même pourtous, je dis <strong>la</strong> réponse juste de ma part, tel que je suis, selon mon svadharma, mon dharmapersonnel. Cette réponse juste n’est pas dictée par l’imitation, par un modèle, un « idéal »,des souvenirs d’é<strong>du</strong>cation où l’on impose toujours aux enfants d’être aussi intelligentsqu’Einstein et aussi courageux que le Chevalier Bayard, où on leur propose un idéal que lesé<strong>du</strong>cateurs n’ont jamais été capables de réaliser. L’action ne doit rien à une image illusoire desurhomme, mais elle est, pour moi, <strong>la</strong> réponse juste à <strong>la</strong> situation, <strong>la</strong>quelle est <strong>la</strong> somme detous les éléments qui <strong>la</strong> composent. Parmi ces éléments, se trouvent mes possibilités, meslimites, mes capacités, mes incapacités. Si quelqu’un s’adresse à moi dans <strong>la</strong> rue en japonaiset que je ne parle pas un mot de japonais, <strong>la</strong> réponse juste qui m’est demandée ne peut pasêtre de lui parler japonais. C’est peut-être de lui demander s’il parle ang<strong>la</strong>is, de sortir un papieret un crayon pour voir s’il peut dessiner quelque chose... La réponse juste n’est pas uneréponse juste en soi, décidée une fois pour toutes et à l’avance, c’est une réponse juste qui estsentie en tenant compte de tous les éléments de <strong>la</strong> situation, moi y compris.162
Peu à peu, cette demande de <strong>la</strong> situation et cette réponse juste l’emportent complètementsur les anciennes motivations impulsives de l’ego. Cette soumission à <strong>la</strong> justice de <strong>la</strong>situation devient spontanée, chaleureuse. « Le cœur y est. » L’hésitation, le conflit diminuentpuis disparaissent. Quand <strong>la</strong> destruction <strong>du</strong> mental et <strong>la</strong> disparition des émotions sontdéfinitivement achevées, il n’y a plus jamais de doute. Tant que les émotions et le mentalsont là, il y a doute, et tant qu’on est dans le doute, il est très difficile de se représenter ceque ce sera quand on ne sera plus dans le doute. Jusque-là, vous imaginez l’action parfaite enfonction de critères extérieurs à vous, vestiges des modèles qu’on vous a proposés dans votreé<strong>du</strong>cation. Quand le mental a disparu, règne ce que les hindous appellent <strong>la</strong> spontanéité, cequi ne veut pas dire l’impulsivité non contrôlée mais <strong>la</strong> liberté. Et cette véritable liberté, aussiparadoxale que cette expression puisse paraître, c’est <strong>la</strong> soumission absolue et totale à <strong>la</strong> nécessité.Je vais reprendre <strong>la</strong> comparaison avec le comédien. Qui, à part le sage, est plus libre quel’acteur de théâtre entièrement soumis au texte écrit par l’auteur et à <strong>la</strong> mise en scène ? L’egode l’acteur est provisoirement <strong>la</strong>issé dans <strong>la</strong> coulisse. L’acteur ne s’identifie pas au personnagequ’il joue, il est conscient à l’intérieur de ce personnage, mais libéré de son ego à luiauquel il est totalement identifié hors de <strong>la</strong> scène. À l’intérieur de cette soumission complèteau texte et à <strong>la</strong> mise en scène, par le fait même de cette soumission, il vit pendant deux outrois heures (pour peu qu’il ait un rôle important) dans une extraordinaire et merveilleuseliberté. Une liberté qui fait d’ailleurs <strong>la</strong> fascination de ce métier, de l’avis de ceux qui l’exercentet qui ont l’impression de vivre vraiment <strong>du</strong>rant les quelques heures qu’ils passent journellementsur scène. L’acteur n’a pas le choix, il est donc sans problème. Il est porté par letexte et par <strong>la</strong> mise en scène, et comme il n’a aucune préoccupation d’aucune sorte pourl’avenir – à <strong>la</strong> seule condition qu’il connaisse son rôle par cœur, sans trou de mémoire ! –, ilvit rigoureusement d’instant en instant, certain que l’instant suivant sera aisé et harmonieuxpuisque, pour paraphraser une formule célèbre de l’Is<strong>la</strong>m, « tout est écrit ».Il en est de même pour celui qui a dépassé le p<strong>la</strong>n <strong>du</strong> mental et de l’ego : <strong>la</strong> vie se déroulepour lui comme une pièce de théâtre. L’adhésion à <strong>la</strong> situation est totale, de seconde en seconde,et c’est <strong>la</strong> situation elle-même qui, de seconde en seconde, nous souffle, à <strong>la</strong> manièred’un souffleur au théâtre, <strong>la</strong> réplique et le jeu de scène qui nous sont demandés. Toute questionde crainte, d’hésitation, de doute, de peur, d’appréhension a disparu. Il n’y a plus aucunefausse liberté, puisqu’une seule action est possible, l’action juste, et nulle autre. Si l’on medemande combien font 3 fois 5, il y a des milliers de chiffres possibles, mais je n’ai pas <strong>la</strong>possibilité de les donner en réponse. Je n’ai qu’une possibilité, c’est de répondre 15. Cettecomparaison simple peut vous permettre d’entrevoir le secret de l’action. Il n’est plus questionde savoir ce qui me p<strong>la</strong>ît, ce qui ne me p<strong>la</strong>ît pas, ce dont j’ai envie, ce qui me fait peur,ce qui m’attire, ce qui me repousse, ce qui m’inquiète ou ce qui me rassure. Il est uniquementquestion de savoir ce qui doit être accompli dans une soumission consciente, heureuse,à l’ordre des choses.Cet enseignement est l’unique enseignement. Il peut être exprimé en <strong>la</strong>ngage <strong>du</strong>aliste etthéologique : soumission complète à <strong>la</strong> volonté de Dieu, renoncement complet à sa volontépropre ; ou en termes de taoïsme ou de bouddhisme zen : soumission à l’ordre des choses,non-agir. On dit parfois en ang<strong>la</strong>is action in non-action. Qu’est-ce que ce<strong>la</strong> signifie ? Quel’acteur en scène est libre et en paix. Le sentiment paisible et serein <strong>du</strong> comédien demeure,quelles que soient les vicissitudes <strong>du</strong> rôle. Au moment même où un acteur joue en scène sa163
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