pas besoin d’avoir une intelligence assez aiguisée, mais il n’a pas besoin de se transformerlui-même autant que le fait le grand yogi hindou ou tibétain.Nous avons oublié à quel point un être humain est transformable, à quel point notrefonction <strong>du</strong> sentiment peut être perfectionnée pour devenir un instrument de connaissance,à quel point notre intelligence, notre buddhi, peut être perfectionnée aussi pour devenir uninstrument de connaissance. Et, si <strong>la</strong> buddhi est suffisamment aiguë, subtile, elle peut voirau-delà de <strong>la</strong> vision habituelle dont tout le monde se contente, et faire des découvertes, auvrai sens <strong>du</strong> mot « découverte », c’est-à-dire enlever les voiles qui recouvrent et voir ce quiest là, mais qui n’avait pas été encore vu. Démasquer le serpent pour voir <strong>la</strong> corde, s’effectue à desséries de niveaux successifs, de plus en plus intérieurs, de plus en plus subtils.Donc l’expression « destruction <strong>du</strong> mental » a deux significations. Un sens psychologique: destruction d’une fonction confuse et mensongère, centrée sur l’ego, sur le désir, sur <strong>la</strong>peur. Un sens métaphysique : destruction de tout le psychisme dans <strong>la</strong> mesure où celui-cinous maintient asservis à ce monde de convention que nous appelons, nous, <strong>la</strong> réalité, maisque les hindous qualifient d’illusoire, de maya, réalité illusoire comme le serpent est une réalitéillusoire par rapport à <strong>la</strong> corde. Manas (au sens vaste <strong>du</strong> mot) est, à l’échelon indivi<strong>du</strong>el,l’équivalent de maya à l’échelon universel ou cosmique.Mais il n’est possible de dépasser ce mental, de voir au-delà <strong>du</strong> voile des apparences etdécouvrir que ce monde phénoménal n’est qu’un recouvrement <strong>du</strong> brahman, que si l’on ad’abord détruit le mental à son niveau le plus grossier. Imaginer qu’on peut encore resterprisonnier <strong>du</strong> mental, au sens grossier et psychologique <strong>du</strong> mot, vivre dans les illusions,l’aveuglement, <strong>la</strong> subjectivité et que, sans cette première purification, on va découvrir l’ultimesecret, c’est-à-dire l’atman, est un rêve impossible.Tout le temps, tout le temps, le mental est à l’œuvre, à des niveaux plus ou moins subtils,dans cette double ligne : empêcher de voir ce qui est, faire voir ce qui n’est pas.Je vais reprendre l’exemple que je viens de donner : <strong>la</strong> craquelure au p<strong>la</strong>fond dans <strong>la</strong>quelleon perçoit une araignée. Vous allez voir à combien de niveaux le mental peut jouer.J’ai donc vu une araignée au p<strong>la</strong>fond. Mais même cette araignée, qui était déjà une création<strong>du</strong> mental, le mental l’a encore recouverte et transformée en autre chose. En ce sensque, même s’il y avait eu au p<strong>la</strong>fond une véritable araignée – ce qui aurait pu arriver, dans unpays comme l’Inde où il y a des araignées beaucoup plus grosses que celles que l’on voit enFrance – je ne l’aurais encore pas vue, cette araignée. Je l’aurais vue à travers mes peurs, messouvenirs, et c’est ce qui s’est passé. À partir <strong>du</strong> moment où j’ai vu une araignée au p<strong>la</strong>fondquand il n’y en avait aucune, même cette araignée-là le mental a commencé à <strong>la</strong> recouvrir àtravers des imaginations, des représentations. « Cette araignée est probablement très dangereuse.» Quelle preuve ai-je que cette araignée est dangereuse ? « Cette araignée va me piquer.Non, non cette araignée est inoffensive. Je n’ai aucune raison d’avoir peur. C’est mapeur qui va attirer l’événement : si j’ai peur elle me piquera. Si je suis sans crainte, elle ne mepiquera pas. » Toutes sortes de pensées se sont succédé à propos de cette araignée : « Le sagedans une jungle n’a aucune crainte ; les scorpions, les serpents passent sur lui, sans jamais luifaire de mal. Par conséquent, si je suis absolument sans crainte cette araignée ne me fera rien<strong>du</strong> tout. » J’ai superposé à l’araignée, d’abord une araignée dangereuse, ensuite une araignéeinoffensive. Tout ça, c’était encore des superimpositions qui me cachaient l’araignée : unearaignée au p<strong>la</strong>fond, c’est tout. Tant que j’étais dans ces superimpositions de mon cru, je ne126
voyais même pas l’araignée au p<strong>la</strong>fond que j’avais déjà inventée. Je n’avais donc aucunechance de dissiper cette illusion. Je ne pouvais que broder, tourner en rond.Quand j’ai cessé de fabriquer cette araignée émotionnelle, et que je me suis rapproché del’araignée, ce qui était déjà un premier progrès, j’ai voulu <strong>la</strong> voir en elle-même et j’ai découvertqu’il n’y avait aucune araignée. Mais je n’ai découvert qu’il n’y avait aucune araignée quequand j’ai mis le nez dessus. Tant que je me contentais de « penser » à propos de l’araignée,je ne risquais pas de découvrir qu’elle n’existait pas. C’est ce que fait le mental : à propos dece qu’il a lui-même créé, il pense. C’est pour ce<strong>la</strong> que vous verrez, dans certains textes, cettephrase un peu surprenante : détruire <strong>la</strong> pensée, détruire les pensées. Qu’est-ce que ce<strong>la</strong> veutdire ? Le mental pense au lieu de voir. Il est certain que quand Swâmiji disait to think outhinking, c’était péjoratif. Nous avons pris l’habitude de considérer le fait de penser, de cogiter,comme <strong>la</strong> plus noble fonction de l’homme. Ce n’est pas <strong>du</strong> tout l’opinion des Orientaux.Le cogito ergo sum, « je pense donc je suis » de Descartes, n’a rien qui puisse acquérir l’adhésiond’un sage hindou ou bouddhiste.Cette destruction de <strong>la</strong> pensée, qui est une autre façon de parler de <strong>la</strong> destruction <strong>du</strong>mental, s’exerce donc à bien des niveaux successifs. Tout d’abord dans le monde multiple, lemonde des apparences, dont <strong>la</strong> conscience est prisonnière : cesser de penser pour voir. Sentiravec le cœur et voir avec l’intelligence.Mais il faut maintenant que ces mots prennent un sens pour vous. Pas seulement parceque vous les avez enten<strong>du</strong>s répétés bien souvent. Il faut que vous fassiez, chacun pour vousmême,<strong>la</strong> différence, que vous vous rendiez compte des moments où vous êtes en train depenser au lieu de voir, de penser à l’intérieur de ce monde phénoménal, qui est lui-mêmeune pensée, une création de <strong>la</strong> pensée.La pensée <strong>la</strong> plus importante de toutes, <strong>la</strong> première création <strong>du</strong> mental, c’est <strong>la</strong> pensée« je suis moi ». Si c’est à <strong>la</strong> totalité des fonctions de pensée, de représentation, de conception,de formu<strong>la</strong>tion, de cogitation, qu’on donne le nom de manas, <strong>la</strong> première création de manasc’est l’ego. Nous quittons <strong>la</strong> psychologie pour <strong>la</strong> métaphysique. Cette certitude qui n’est pasremise en question – oui, bien sûr, je suis moi – autour de <strong>la</strong>quelle s’organise toute l’existence,cette certitude, c’est déjà une pensée. C’est <strong>la</strong> pensée fondamentale. C’est <strong>la</strong> premièrequi apparaît et c’est <strong>la</strong> dernière qui disparaît à l’aube de <strong>la</strong> réalisation. Pour l’Occidental moderned’aujourd’hui, voici un <strong>la</strong>ngage surprenant, étrange, qui paraît peut-être gratuit ouarbitraire, mais c’est l’affirmation répétée de siècle en siècle par le vedanta et par le bouddhisme.La certitude « je suis moi », l’ego, est une pensée, <strong>la</strong> première création <strong>du</strong> mental quinous voile, chacun pour soi, notre véritable réalité, c’est-à-dire l’atman. En ce qui nousconcerne personnellement et non plus en ce qui concerne le monde extérieur à nous, cettedouble fonction <strong>du</strong> mental, d’occultation de ce qui est, de création de ce qui n’est pas, s’appliqueaussi à <strong>la</strong> conscience que vous avez de vous-même. Le mental cache en chaquehomme l’atman qui correspond, dans l’exemple célèbre, à <strong>la</strong> corde, et le recouvre par l’egoqui correspond, dans l’exemple célèbre, au serpent.L’ego, moi, qui est pourtant <strong>la</strong> certitude de tout être humain, n’existe pas plus ou, disons,n’existe ni plus ni moins que le serpent que je vois au lieu de voir <strong>la</strong> corde. Il n’y a aucunserpent d’aucune sorte. Mais <strong>la</strong> conscience a été prise à un mirage. Maya veut dire mirage,tour de magie. Nous sommes pris, éblouis par un tour de prestidigitation qui nous faitvoir un serpent là où il n’y a qu’une corde et qui nous fait voir un ego, là où il n’y a que l’atman.L’ego voile l’atman, l’ego n’est pas réel. Ce<strong>la</strong> peut être découvert. C’est <strong>la</strong> grande dé-127
- Page 2 and 3:
ARNAUD DESJARDINSAdhyatma yogaÀ la
- Page 5:
À mon tour j’ai tenté de retran
- Page 8 and 9:
cette relation, la deviner ou la co
- Page 10 and 11:
de la mission du Christ sur terre a
- Page 13 and 14:
Autrefois, le gourou avait pour rô
- Page 15 and 16:
L’éducation, ce n’est pas l’
- Page 17 and 18:
vous trouvez l’égalité d’hume
- Page 19 and 20:
Mais, parce que le plus souvent - e
- Page 21 and 22:
tantra, le fait de dépendre d’un
- Page 23 and 24:
tier..., des responsabilités... Si
- Page 25 and 26:
lui faisait toujours déplacer une
- Page 27 and 28:
tage, mais elle est encore plus dif
- Page 29 and 30:
damayi. Alors, comment est-ce que j
- Page 31 and 32:
DEUXLes revêtements du « Soi »L
- Page 33 and 34:
vêtements. D’un certain point de
- Page 35 and 36:
m’appelle : « Où es-tu ? » et
- Page 37 and 38:
dormir), s’accoupler (ou chercher
- Page 39 and 40:
que d’un physicien américain ath
- Page 41 and 42:
transcend body consciousness, ou to
- Page 43 and 44:
commencer à contrôler la circulat
- Page 45 and 46:
mis ; celui qui, si je puis dire,
- Page 47 and 48:
condition humaine dans l’illimit
- Page 49 and 50:
trace de conscience personnelle dis
- Page 51 and 52:
ien que des maîtres du bouddhisme
- Page 53 and 54:
ticulière : monsieur ou madame Unt
- Page 55 and 56:
Me voilà sous le visage de Christi
- Page 57 and 58:
le pronom masculin, Cela désignera
- Page 59 and 60:
Il existe encore une autre dualité
- Page 61 and 62:
poussent au-dehors. Le voilà sépa
- Page 63 and 64:
que ou de psychologie, la vérité
- Page 65 and 66:
Et ce n’est pas encourageant de v
- Page 67 and 68:
une horreur pareille ! L’homme or
- Page 69 and 70:
Les doctrines traditionnelles affir
- Page 71 and 72:
monde de son espèce. C’est une i
- Page 73 and 74:
n’existe pas pour moi, si je n’
- Page 75 and 76: Cette réalité échappe au temps,
- Page 77 and 78: QUATREL’acceptationN’ oubliez p
- Page 79 and 80: tophone qui tomberait en panne aujo
- Page 81 and 82: limite dans laquelle accepter et to
- Page 83 and 84: qui vous coupe de la réalité du m
- Page 85 and 86: encore jamais faite, sauf à certai
- Page 87 and 88: L’émotion négative superpose «
- Page 89 and 90: cidé à progresser. C’est toujou
- Page 91 and 92: le mécanisme du disjoncteur : celu
- Page 93 and 94: cient, cela attire mon attention su
- Page 95 and 96: n’y a plus moi avec ma forme part
- Page 97 and 98: je ne vais pas faire cet effort afi
- Page 99 and 100: dualité, je lui donne le droit à
- Page 101 and 102: plus sur le chemin qui va du sommei
- Page 103 and 104: là ne veut pas dire donner un coup
- Page 105 and 106: elâchement, cette détente ne peuv
- Page 107 and 108: désirs que nous allons trouver la
- Page 109 and 110: vous qui connaissez bien Les Chemin
- Page 111 and 112: dans les anciens textes : « Devien
- Page 113 and 114: m’attends à ce qu’une personne
- Page 115 and 116: la fermeture des portes ; il faut p
- Page 117 and 118: est-ce que ce désir peut être ré
- Page 119 and 120: tait non plus dans la honte, mais d
- Page 121 and 122: Mais il n’y a jamais d’injustic
- Page 123 and 124: correspond, dans une autre terminol
- Page 125: fait partie, traduisent par surimpo
- Page 129 and 130: sans un second. Le serpent n’est
- Page 131 and 132: la corde. Il n’y a pas de serpent
- Page 133 and 134: SIXKarma et dharmaC haque fois que
- Page 135 and 136: Rendez-vous compte : « J’agis to
- Page 137 and 138: tent l’opposition et vous ne fere
- Page 139 and 140: en particulier. Examinez votre prop
- Page 141 and 142: flou, d’arbitraire, ni de subject
- Page 143 and 144: comme l’écran du cinéma est lib
- Page 145 and 146: etc. Vous finirez par trouver un ce
- Page 147 and 148: Cette absence de liberté permet la
- Page 149 and 150: comprendre les différents aspects
- Page 151 and 152: trouve. Dans les Fragments d’un e
- Page 153 and 154: le nombre des comédiens augmente p
- Page 155 and 156: À cet égard, dans la société ac
- Page 157 and 158: engagés sur le chemin de l’honn
- Page 159 and 160: SEPTMahakarta, MahabhoktaL e chemin
- Page 161 and 162: Le seul critère de l’action, tan
- Page 163 and 164: Peu à peu, cette demande de la sit
- Page 165 and 166: qui demeurent ? Ce sont le mental e
- Page 167 and 168: L’enseignement du vedanta met en
- Page 169 and 170: esprit n’est jamais perturbé, qu
- Page 171 and 172: Je continue la description du « Gr
- Page 173 and 174: et mystique, qu’il s’agisse du
- Page 175 and 176: l’aient dit et proclamé. Mais, q
- Page 177 and 178:
est soumis à l’alternance de l
- Page 179 and 180:
solu et non plus relatif. Et seul l
- Page 181 and 182:
un mensonge, tous les enseignements
- Page 183 and 184:
Dieu et qui vieillissent amers et d
- Page 185 and 186:
son niveau d’expérience actuelle
- Page 187 and 188:
tenant, au contraire. Un jour, le B
- Page 189 and 190:
S’il y a un mot qui ne doit pas
- Page 191 and 192:
ne veut pas dire pour autant que vo
- Page 193 and 194:
être pur, conscience pure, béatit