Un fil est là qui échappe à <strong>la</strong> succession des instants puisqu’il est toujours identique à luimême.S’il n’y a aucun changement, il n’y a plus de temps. Temps ou changement sont synonymes.Et cette Conscience, parfaitement adaptée au temps, échappe au temps <strong>du</strong> faitqu’elle est, elle-même, sans changement. Mais elle n’existe que dans <strong>la</strong> fluidité, <strong>la</strong> souplessecomplète, dans l’acceptation complète de ce mouvement <strong>du</strong> monde re<strong>la</strong>tif et c’est une acceptationconsciente. C’est toute <strong>la</strong> différence entre une pièce obscure dans <strong>la</strong>quelle vous ne voyezrien et <strong>la</strong> même pièce éc<strong>la</strong>irée par une <strong>la</strong>mpe allumée.Cette brève évocation que je viens de faire <strong>du</strong> point de départ et <strong>du</strong> point d’arrivée donnedéjà beaucoup d’indications sur le chemin, sur <strong>la</strong> façon d’être encore dans <strong>la</strong> <strong>du</strong>alité, maisd’être dans <strong>la</strong> <strong>du</strong>alité de façon responsable, a<strong>du</strong>lte, digne de l’homme. L’ego, moi par oppositionau <strong>Soi</strong>, se modifie d’instant en instant sous <strong>la</strong> pression des stimuli, extérieurs, que cettepression s’exerce comme attraction ou comme répulsion. En même temps, cet ego n’a nisouplesse ni disponibilité, ou si peu. Il est comparable à un mauvais comédien qui, incapabled’entrer dans <strong>la</strong> peau de son rôle, comme on disait autrefois, serait toujours le même, quelque soit le personnage qu’il interprète. En même temps que l’ego n’a aucune permanence etchange de seconde en seconde, il n’a non plus aucune capacité à s’adapter consciemment,librement, parfaitement aux circonstances qui l’entourent. Il n’est capable que de répéter indéfiniment: « Moi, moi, moi, moi... », pendant une vie entière. Moi par rapport au sujet deconversation ; moi par rapport à <strong>la</strong> dame qui vient d’entrer ; moi par rapport au p<strong>la</strong>t qu’onvient de servir ; moi par rapport à <strong>la</strong> personne qui me sourit ; moi par rapport à <strong>la</strong> personnequi ne me sourit pas — et moi dans mes grands é<strong>la</strong>ns de générosité et de phi<strong>la</strong>nthropie.Rappelez-vous le titre d’une chanson qui a eu quelque succès ces dernières années : « Sixcents millions de Chinois... et moi et moi et moi. » L’Univers entier, et moi et moi et moi...Des millions de tragédies tous les jours, des millions de morts tous les jours, et moi et moi etmoi. Quand l’ego a assez regardé mourir au Vietnam, au Biafra, au Chili, sur son écran detélévision, il arrête son poste et dit : « C’est pas tout ça, qu’est-ce qu’il y a à bouffer ce soir ? »Dans une société fondée sur l’hypertrophie de l’indivi<strong>du</strong>alisme, il n’y a rien d’autre à attendrede l’ego. Dans une société traditionnelle, fondée sur le dharma, une société qui con<strong>du</strong>it nonpas à de plus en plus d’asservissement mais à de plus en plus de liberté intérieure, l’ego del’enfant apprend peu à peu <strong>la</strong> disponibilité. L’enfant apprend à devenir un bon acteur, quijoue bien le rôle dans lequel il est distribué. C’est maintenant de plus en plus difficile. Lesego deviennent tellement figés qu’ils n’ont plus qu’un seul rôle à leur disposition : Moi, toujoursMoi, quelles que soient les conditions et circonstances, au lieu de jouer le rôle exactdans lequel <strong>la</strong> vie me distribue d’instant en instant. Et <strong>la</strong> situation, d’une façon générale oucollective, s’aggrave d’année en année.Pour parler d’une activité que j’ai beaucoup étudiée, celle <strong>du</strong> comédien, il est saisissantde constater comment, en cinquante ans (et ici, je complète mon expérience par celle de personnesqui étaient jeunes <strong>du</strong> temps où Paul Mounet était professeur au Conservatoire etavec lesquelles j’ai pu parler quelques années avant leur mort), il est saisissant de constatercomment l’« emploi » des comédiens devient de plus en plus étroit. Il y a cinquante ans, ilexistait bien déjà des « emplois » : un même acteur, généralement, ne jouait pas les jeunespremiers et les valets de comédie. Le même acteur ne jouait pas Scapin de Molière et Orestede Racine. Mais les comédiens avaient un emploi assez <strong>la</strong>rge ; ils pouvaient jouer des personnages,des rôles différents, et se transformer entièrement avec leur rôle. C’est ce qu’onattendait d’un comédien. L’expérience de <strong>la</strong> profession montre que, peu à peu, à mesure que152
le nombre des comédiens augmente parce que les débouchés augmentent, l’incapacité descomédiens à changer de rôle augmente ; au point qu’aujourd’hui, les comédiens sont étroitementspécialisés. Sur les fichiers de certains imprésarios ou agences qui proposent des comédiensà des utilisateurs, un acteur devient complètement spécialisé. Il ne joue plus que lesméchants ; et à l’intérieur des méchants, les fourbes mais pas les perfides. C’est tout à faitétonnant. Un acteur n’a pratiquement plus aucune possibilité de jouer autre chose qu’un rôletype très précis. Si l’on a besoin d’un fourbe, on s’adresse à un imprésario qui vous dit :« Oui, j’ai un acteur qui peut jouer les fourbes. » Par contre, s’il faut jouer les traîtres : « Ahnon, mon acteur qui joue les fourbes ne pourrait pas jouer les traîtres. Mais j’ai un autre acteurqui peut jouer les traîtres. » Je vous assure que je grossis à peine ! Les comédiens sontstrictement répartis, certains acteurs jouent les « drôles », d’autres jouent les « gais », d’autresjouent les « comiques ». J’ai été tout à fait surpris de voir à quel point ce dont j’avais eu l’occasionde parler avec ces vieux comédiens n’a fait que s’accentuer. C’est un signe de cettesociété actuelle, où <strong>la</strong> prison intérieure est devenue telle qu’il n’y a plus aucune disponibilitéou possibilité d’adaptation.Cette expression « jouer un rôle » est très employée dans les enseignements orientaux.En France, quand on dit de quelqu’un qu’il joue un rôle, c’est plutôt péjoratif. Il semblemanquer de sincérité. Et, en effet, il y a une façon non sincère et très artificielle de jouer unrôle. En Inde, au contraire, jouer un rôle est un terme qu’on retrouve abondamment danstoute <strong>la</strong> tradition. Celui qui joue un rôle, nous l’appelons un acteur. Acteur signifie actif ; ilest celui qui agit. Et l’homme doit être un acteur qui joue un rôle sur <strong>la</strong> scène <strong>du</strong> monde, quijoue celui dans lequel il est distribué, pas celui <strong>du</strong> voisin, et qui le joue bien. Vous connaissezprobablement le texte publié au début des « Études sur Ramana Maharshi » <strong>du</strong>es commetant d’autres ouvrages à Jean Herbert, et qui est extrait d’un livre assez volumineux appelé le<strong>Yoga</strong> Vashishta : « Agis en te jouant dans le monde, ô Raghava, libre à l’intérieur, mais extérieurementtrès actif, non impliqué mais agissant comme quelqu’un qui est impliqué, va ente jouant dans le monde, ô Raghava... » Un ego non hypertrophié, capable de comprendre,de s’effacer peu à peu, est capable de jouer un grand nombre de rôles. Essentiellement, il estdistribué dans le rôle d’un brahmane, ou d’un kshatriya, ou d’un vaishya, dans le rôle d’unreligieux ou d’un guerrier ou d’un commerçant, mais, à chaque instant, jusqu’à ce que <strong>la</strong> réalisationde <strong>la</strong> non-<strong>du</strong>alité soit accomplie, à chaque instant, l’ego se trouve en re<strong>la</strong>tion. Cettere<strong>la</strong>tion, comment va-t-il <strong>la</strong> vivre ? Tout le chemin peut être décrit en tant que transformationde <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion entre le moi et le non-moi, ou le moi et l’autre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plusde re<strong>la</strong>tion parce qu’il n’y a plus de distinction, parce qu’il n’y a plus que l’unité, <strong>la</strong> non<strong>du</strong>alité,oneness. Jusque-là, il y a re<strong>la</strong>tion avec celui qui m’attire, re<strong>la</strong>tion avec celui qui merepousse, re<strong>la</strong>tion avec celui que je considère comme mon ami, re<strong>la</strong>tion avec celui que jeconsidère comme mon ennemi.Toute l’existence dans le monde phénoménal est faite de re<strong>la</strong>tion, et <strong>la</strong> purification decette re<strong>la</strong>tion constitue le chemin. L’ego se trouve toujours en re<strong>la</strong>tion, et il doit pouvoirjouer parfaitement le rôle que cette re<strong>la</strong>tion implique : être vraiment fils avec son père et filsavec sa mère, frère avec son frère et sa sœur, ami avec ses amis, employé avec son patron,patron avec ses employés, époux avec sa femme ou épouse avec son mari, père avec ses enfants,grand-père avec ses petits-enfants, et ainsi de suite. À chaque instant, l’ego est en re<strong>la</strong>tion,et ces re<strong>la</strong>tions se diversifient encore : époux d’une femme en bonne santé ou d’unefemme ma<strong>la</strong>de, époux d’une femme en pleine forme ou d’une femme fatiguée, époux d’une153
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