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résumés des cours et travaux - Collège de France

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ÉCRIT ET CULTURES DANS L’EUROPE MODERNE 479<br />

<strong>de</strong> la quitter, lui passe un anneau au doigt. Pour Dorotea, l’union célébrée entre<br />

Fernando <strong>et</strong> Luscinda est pour celui-ci un « second mariage » dont le départ brutal<br />

<strong>de</strong> Fernando puis la fuite <strong>de</strong> Luscinda ont empêché la consommation. Elle voit là<br />

une raison pour gar<strong>de</strong>r espoir en la possible annulation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te secon<strong>de</strong> union.<br />

C’est c<strong>et</strong>te même puissance <strong>de</strong> la parole donnée, suffisante pour que le mariage<br />

soit reconnu <strong>et</strong> consacré, qui fait affirmer à Luscinda dans le bill<strong>et</strong> trouvé sur son<br />

sein après son évanouissement qu’elle est déjà l’épouse <strong>de</strong> Car<strong>de</strong>nio.<br />

La restauration <strong><strong>de</strong>s</strong> premières unions, fondées sur l’échange <strong>de</strong> promesses, sans<br />

cérémonie, sans présence ecclésiastique, sans accord <strong><strong>de</strong>s</strong> pères, suppose, dans<br />

l’histoire <strong>de</strong> Cervantès, que soit reconnu le primat <strong>de</strong> la parole donnée sur le rituel<br />

religieux <strong>et</strong> que soit annulé le mariage célébré entre Fernando <strong>et</strong> Luscinda. C’est<br />

ce que répètent les mots <strong>de</strong> Dorotea, qui s’est j<strong>et</strong>ée aux pieds <strong>de</strong> Fernando lorsque<br />

les <strong>de</strong>ux couples se r<strong>et</strong>rouvent <strong>et</strong> se reconnaissent dans l’auberge <strong>de</strong> Juan<br />

Palomeque. Mais c’est surtout ce que confirme le curé qui rappelle au fils du duc<br />

l’obligation aristocratique <strong>et</strong> chrétienne qu’entraîne une promesse <strong>de</strong> mariage tout<br />

en justifiant les unions socialement inégales lorsqu’elles sont accompagnées par<br />

d’honnêtes sentiments. Fernando entend ces raisons, revient à Dorotea <strong>et</strong> à sa<br />

promesse, <strong>et</strong> rend Luscinda à son Car<strong>de</strong>nio. L’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> amants enfin réunis n’en<br />

dit pas plus sur la manière dont <strong>de</strong>vra <strong>et</strong> pourra être annulée l’union célébrée dans<br />

la maison <strong><strong>de</strong>s</strong> parents <strong>de</strong> Luscinda.<br />

En un temps où est vive la tension entre ces <strong>de</strong>ux définitions du mariage, celle<br />

qui tient pour nécessaire mais suffisant l’échange <strong><strong>de</strong>s</strong> consentements <strong>et</strong> celle qui<br />

suppose la parole sacerdotale, Guillén <strong>de</strong> Castro a préféré éviter la difficulté.<br />

Lucinda donne sa main au Marquis sur l’injonction <strong>de</strong> son père, mais en l’absence<br />

<strong>de</strong> tout prêtre aucune parole rituelle n’est prononcée avant le départ du Marquis à<br />

la suite du violent affrontement qui l’oppose à Teodoro. De semblable manière,<br />

Guillén <strong>de</strong> Castro édulcore la signification <strong>de</strong> la parole donnée par le Marquis à<br />

Dorotea. Certes, il lui a promis <strong>de</strong> l’épouser, mais comme l’atteste le dialogue entre<br />

Car<strong>de</strong>nio <strong>et</strong> le Marquis qui suit c<strong>et</strong> aveu, <strong>et</strong> qui est un très bref rappel <strong>de</strong> la scène<br />

<strong>de</strong> la séduction <strong>de</strong> Dorotea, c<strong>et</strong>te promesse n’est pas considérée comme suffisante<br />

pour sceller une union matrimoniale. La promesse <strong>de</strong> mariage est ici privée <strong>de</strong> la<br />

force sacramentelle qu’elle conserve dans le récit <strong>de</strong> Cervantès. Jamais Dorotea,<br />

trahie par son séducteur, ou Lucinda, promise contre son gré à un homme qu’elle<br />

n’aime pas, n’invoquent dans la comedia une promesse qui serait un premier<br />

mariage. Une telle pru<strong>de</strong>nce rend plus aisé le dénouement, sans nécessité<br />

d’annulation d’une précé<strong>de</strong>nte union <strong>et</strong> sans excessive contradiction entre les<br />

paroles qui furent données <strong>et</strong> une cérémonie déjà célébrée.<br />

Dans le second acte, plus encore que dans le premier, don Quichotte remplit<br />

l’emploi du « gracioso », du personnage grotesque <strong>et</strong> burlesque. La servante qui<br />

accompagne Lucinda le prend au mot lorsqu’il affirme qu’il est capable <strong>de</strong> vaincre<br />

dix géants <strong>et</strong> <strong>de</strong> défendre <strong>de</strong>ux femmes en même temps, en l’occurrence Lucinda <strong>et</strong><br />

Dorotea: « Para estas ocasiones / soy Leandro el Animoso » (vers 1599-1600) [« En

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