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Le livre de sable

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être, sait-on jamais, au cœur du mon<strong>de</strong>. Un <strong>de</strong>mi-siècle a passé<br />

et je gar<strong>de</strong> encore le souvenir <strong>de</strong> ce premier éblouissement qui,<br />

certes, ne fut pas le <strong>de</strong>rnier.<br />

Voici les faits ; je les rapporterai <strong>de</strong> la façon la plus brève.<br />

Don Alejandro Glencoe, le prési<strong>de</strong>nt, était un propriétaire<br />

foncier d’Uruguay, maître d’un domaine à la frontière du Brésil.<br />

Son père, originaire d’Aber<strong>de</strong>en, s’était fixé sur notre continent<br />

au milieu du siècle <strong>de</strong>rnier. Il avait amené avec lui une centaine<br />

<strong>de</strong> <strong>livre</strong>s, les seuls, j’ose l’affirmer, que don Alejandro ait jamais<br />

lus. (Si je parle <strong>de</strong> ces <strong>livre</strong>s hétérogènes, que j’ai eus entre mes<br />

mains, c’est que l’un d’entre eux est à l’origine <strong>de</strong> mon histoire.)<br />

<strong>Le</strong> premier Glencoe, à sa mort, laissa une fille et un fils qui allait<br />

<strong>de</strong>venir notre prési<strong>de</strong>nt. La fille se maria avec un Eguren et fut<br />

la mère <strong>de</strong> Fermin. Don Alejandro caressa un temps l’espoir<br />

d’être député, mais les chefs politiques lui fermèrent les portes<br />

du Congrès <strong>de</strong> l’Uruguay. Notre homme s’obstina et décida <strong>de</strong><br />

fon<strong>de</strong>r un autre Congrès <strong>de</strong> plus ample portée. Il se souvint<br />

d’avoir lu dans une <strong>de</strong>s pages volcaniques <strong>de</strong> Carlyle le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong><br />

cet Anacharsis Cloots, dévot <strong>de</strong> la déesse Raison, qui, à la tête <strong>de</strong><br />

trente-six étrangers, fit un discours en tant que « porte-parole<br />

du genre humain » <strong>de</strong>vant une assemblée à Paris. Encouragé<br />

par cet exemple, don Alejandro conçut le projet <strong>de</strong> créer un<br />

Congrès du Mon<strong>de</strong> qui représenterait tous les hommes <strong>de</strong><br />

toutes les nations. <strong>Le</strong>s réunions préliminaires avaient pour<br />

centre le Salon <strong>de</strong> Thé du Gaz ; la séance d’ouverture, que l’on<br />

avait prévue dans un délai <strong>de</strong> quatre ans, aurait son siège dans<br />

la propriété <strong>de</strong> don Alejandro. Celui-ci, qui comme tant<br />

d’Uruguayens, n’était pas partisan d’Artigas 14 aimait Buenos<br />

Aires, mais il avait décidé que le Congrès se réunirait dans sa<br />

patrie. Curieusement, le délai prévu à l’origine allait être<br />

respecté avec une précision qui tenait du miracle.<br />

14 José Gervasio Artigas, caudillo sud-américain né à Montevi<strong>de</strong>o en 1764 et mort à<br />

Asunción du Paraguay en 1850. Il <strong>de</strong>scendait d’une famille catalane établie en<br />

Amérique <strong>de</strong>puis les débuts <strong>de</strong> la conquête. Il est une <strong>de</strong>s figures les plus contestées<br />

<strong>de</strong> son temps, mais on le considère comme le héros <strong>de</strong> l’indépendance <strong>de</strong> la<br />

République Orientale <strong>de</strong> l’Uruguay.<br />

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