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Fernan<strong>de</strong>z Irala et le professeur Cruz, qui enseignait le latin,<br />
acceptèrent la mission <strong>de</strong> dresser la liste <strong>de</strong>s textes nécessaires.<br />
Twirl s’était déjà entretenu <strong>de</strong> ce projet avec Nierenstein.<br />
À cette époque-là, il n’y avait pas un seul Argentin pour<br />
lequel Paris ne fût l’Utopie. <strong>Le</strong> plus impatient <strong>de</strong> nous tous était<br />
sans aucun doute Fermin Eguren ; venait ensuite Fernan<strong>de</strong>z<br />
Irala, pour <strong>de</strong>s raisons fort différentes. Pour le poète <strong>de</strong><br />
Marbres, Paris c’était Verlaine et <strong>Le</strong>conte <strong>de</strong> Lisie ; pour<br />
Eguren, c’était un prolongement amélioré <strong>de</strong> la rue Junin. Je le<br />
soupçonne <strong>de</strong> s’être mis d’accord avec Twirl. Celui-ci, au cours<br />
d’une autre séance, entama une discussion à propos <strong>de</strong> la langue<br />
qu’utiliseraient les congressistes et évoqua la nécessité<br />
d’envoyer <strong>de</strong>ux délégués, l’un à Londres et l’autre à Paris, afin<br />
<strong>de</strong> s’y documenter. Pour feindre l’impartialité, il proposa<br />
d’abord mon nom puis, après une brève hésitation, celui <strong>de</strong> son<br />
ami Eguren. Don Alejandro, comme toujours, acquiesça.<br />
Je crois avoir déjà dit que Wren, en échange <strong>de</strong>s leçons<br />
d’italien que je lui donnais, m’avait initié à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’infinie<br />
langue anglaise. Il laissa <strong>de</strong> côté, dans la mesure du possible, la<br />
grammaire et les phrases fabriquées à l’intention <strong>de</strong>s débutants<br />
et nous entrâmes <strong>de</strong> plain-pied dans la poésie, dont les formes<br />
exigent la concision. Mon premier contact avec la langue qui<br />
allait meubler ma vie fut le vaillant Requiem <strong>de</strong> Stevenson ; puis<br />
ce furent les balla<strong>de</strong>s que Percy fit découvrir à l’honorable dixhuitième<br />
siècle. Peu avant <strong>de</strong> partir pour Londres j’eus<br />
l’éblouissante révélation <strong>de</strong> Swinburne, qui m’amena – ô<br />
sacrilège – à douter <strong>de</strong> l’excellence <strong>de</strong>s alexandrins d’Irala.<br />
J’arrivai à Londres au début <strong>de</strong> janvier 1902 ; je me rappelle<br />
la caresse <strong>de</strong> la neige, que je n’avais jamais vue et dont je goûtai<br />
le charme. Par bonheur j’avais pu éviter <strong>de</strong> voyager avec<br />
Eguren. Je trouvai à me loger dans une mo<strong>de</strong>ste pension<br />
<strong>de</strong>rrière le British Muséum, dont je fréquentais la bibliothèque<br />
matin et soir en quête d’un langage qui fût digne du Congrès du<br />
Mon<strong>de</strong>. Je ne négligeai pas les langues universelles ; j’abordai<br />
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