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Le livre de sable

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comme nos ancêtres les runes qu’Odin leur révéla après être<br />

resté pendu à un frêne – Odin sacrifié à Odin – durant neuf<br />

nuits.<br />

À ces informations d’ordre général j’ajouterai la relation <strong>de</strong><br />

mon entretien avec l’Islandais Ulf Sigurdarson, homme aux<br />

propos austères et mesurés. Nous nous rencontrâmes à Upsala,<br />

près du temple. <strong>Le</strong> feu <strong>de</strong> bois s’était éteint ; les fentes entre les<br />

lattes disjointes <strong>de</strong> la paroi laissèrent pénétrer le froid et l’aube.<br />

Au-<strong>de</strong>hors sans doute <strong>de</strong>vait-on voir sur la neige les traces<br />

pru<strong>de</strong>ntes <strong>de</strong>s loups gris qui dévorent la chair <strong>de</strong>s païens<br />

sacrifiés aux trois dieux. Notre conversation avait débuté en<br />

latin, comme il est d’usage entre clercs, mais nous ne tardâmes<br />

pas à passer à la langue nordique qui se pratique <strong>de</strong> la lointaine<br />

Thulé jusqu’aux marchés <strong>de</strong> l’Asie. L’homme déclara :<br />

— Je suis <strong>de</strong> la race <strong>de</strong>s Skalds 26 , dès que j’ai su que la poésie<br />

<strong>de</strong>s Urniens se réduisait à un seul mot je me suis mis à leur<br />

recherche et j’ai suivi la route qui <strong>de</strong>vait me mener jusqu’à leur<br />

pays. Non sans peine et fatigue, j’y suis parvenu au bout d’une<br />

année. Il faisait nuit ; je remarquai que les hommes que je<br />

croisais en chemin me regardaient <strong>de</strong> façon étrange et certains<br />

me lancèrent même <strong>de</strong>s pierres. J’aperçus le flamboiement<br />

d’une forge et entrai.<br />

<strong>Le</strong> forgeron m’offrit le gîte pour la nuit. Il s’appelait Orm. La<br />

langue qu’il parlait ressemblait plus ou moins à la nôtre. Nous<br />

échangeâmes quelques mots. J’entendis <strong>de</strong> sa bouche prononcer<br />

pour la première fois le nom du roi : Gunnlaug. J’appris que<br />

<strong>de</strong>puis la fin <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière guerre, ce roi voyait d’un mauvais<br />

œil les étrangers et qu’il avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> les crucifier. Pour<br />

éviter un pareil sort, qui convient moins à un homme qu’à un<br />

Dieu, j’entrepris d’écrire une drapa, ou dithyrambe qui célébrait<br />

les victoires, la renommée et la magnanimité du roi. À peine la<br />

savais-je par cœur que <strong>de</strong>ux hommes vinrent me chercher. Je<br />

me refusai à leur remettre mon épée, mais je me laissai<br />

emmener.<br />

Des étoiles brillaient encore dans l’aube. Nous traversâmes<br />

un espace découvert, avec <strong>de</strong>s masures <strong>de</strong> part et d’autre. On<br />

26 Poètes islandais.<br />

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