Lecture hors ligne (pdf à télécharger - Groupe des Belles Feuilles
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Cela ne manque, a priori, pas d’allure de plaider pour cause d’urgence en faveur d’une<br />
reforme du système monétaire international ou plutôt en faveur de la création d’un<br />
nouveau, car celui qui est en place serait plutôt un « non système ». Le moins qu’on<br />
puisse dire est que cette nécessité n’est guère perçue de nos jours, ni par les hommes<br />
politiques, ni par les praticiens, ni par les professeurs de sciences économiques. Elle est,<br />
au contraire, expressément ou implicitement niée : où sont les crises de change <strong>à</strong><br />
répétition et de plus en plus graves que prévoyaient les Cassandre Qui peut prétendre,<br />
disent encore les modernes Pangloss, que les échanges sont entravés pour <strong>des</strong> causes<br />
monétaires La liberté <strong>des</strong> mouvements de capitaux ne s’est-elle pas aussi étendue <strong>à</strong> de<br />
nombreux pays, dont la France, qui pratiquaient depuis la guerre, avec une sorte de<br />
jubilation où entrait du sadisme, les contrôles les plus inquisiteurs <br />
Il se trouve qu’un banquier agissant sur la demande d’un homme politique, s’est livré <strong>à</strong><br />
cet exercice quelque peu iconoclaste. Il s’agit de Jean Guyot, fondé de pouvoir <strong>à</strong> la<br />
Banque Lazard, et bien connu depuis longtemps <strong>des</strong> milieux financiers et de la haute<br />
administration — il fit partie du comité Rueff de 1958 qui prépara un plan<br />
d’assainissement budgétaire draconien, accompagné d’une forte dévaluation et d’une<br />
soudaine ouverture de l’économie française sur l’extérieur. C’est sur une suggestion<br />
d’Edouard Balladur qu’il a rédigé un rapport portant le titre rueffien : Avant qu’il ne soit<br />
trop tard, réflexions sur le système monétaire international 63 .<br />
Si le thème est insolite par les temps qui courent, les solutions préconisées posent<br />
souvent autant de questions qu’elles semblent en résoudre. Outre qu’il éclaire certaines<br />
propositions de l’ancien ministre <strong>des</strong> finances, lesquelles pourraient redevenir dans les<br />
années <strong>à</strong> venir d’actualité, le document rompt opportunément avec certain conformisme<br />
du Quai de Bercy ; <strong>à</strong> sa manière, il apporte une bouffée d’air frais dans un climat<br />
inexplicablement caractérise par un satisfecit quasi général.<br />
Tandis que les théoriciens régnant sur les facultés de France et d’Angleterre, comme<br />
d’Amérique et du Japon, continuent d’enseigner <strong>des</strong> doctrines s’inspirant de la conviction<br />
que les marchés financiers sont essentiellement « rationnels » ; qu’en vertu de cette<br />
doctrine dominante aucune mesure de modernisation n’est désormais plus décidée dans<br />
un pays civilisé, qui ne soit directement dictée par les professionnels, il est bon dans de<br />
telles circonstances, qu’un praticien de grand renom et d’impeccable orthodoxie vienne<br />
rappeler que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur <strong>des</strong> mon<strong>des</strong> possibles. Son<br />
mérite est encore de relever le lien, en général passé sous silence, entre, d’une part, les<br />
procédés contestables <strong>des</strong> marchés de capitaux, où le volume <strong>des</strong> transactions double en<br />
l’espace de quelques années, et d’autre part, l’absence d’un système monétaire autorégulateur.<br />
« La technique <strong>des</strong> marchés <strong>à</strong> terme et <strong>des</strong> marchés d’actifs conditionnels, dit Jean<br />
Guyot, conduit les opérateurs <strong>à</strong> s’insérer le plus souvent dans la tendance du marché,<br />
seule manière de réaliser les profits <strong>à</strong> court terme généralement recherchés. De ce fait,<br />
la tendance du marché va s’amplifier. Selon l’expression d’un spécialiste, il se crée de la<br />
sorte <strong>des</strong> « marchés de Panurge. »<br />
Notre auteur ne s’en tient pas l<strong>à</strong>. Il ajoute aussitôt : « Une autre conséquence de la<br />
facilité financière presque illimitée qui résulte de l’absence de toute contrainte monétaire<br />
extérieure est le développement incontrôlé <strong>des</strong> opérations de « leverage », où le recours<br />
au crédit − et notamment au crédit extérieur − tient lieu de plan de financement, au défi<br />
de toutes les règles traditionnelles de prudence financière. »<br />
Sur les marchés <strong>des</strong> changes, les écarts de cours, désormais considérables, « ont sur la<br />
charge réelle <strong>des</strong> dettes, exprimée dans une monnaie qui n’est pas celle de l’emprunteur<br />
− ni parfois celle du prêteur, − un tel impact qu’ils font peser sur la situation financière<br />
<strong>des</strong> intervenants un risque anormal et qu’ils fragilisent la politique <strong>des</strong> Etats en matière<br />
63 Le document, de quarante huit pages, distribué par son auteur ne porte aucune mention d’éditeur.<br />
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