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Lecture hors ligne (pdf à télécharger - Groupe des Belles Feuilles

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parmi les vivants. La Constitution est nécessaire car c’est un cadre de règles. C’est<br />

nécessaire aussi pour faire face <strong>à</strong> l’Amérique. J’espère qu’au moment de voter il y aura<br />

un retour <strong>à</strong> la raison !<br />

BC : Pourquoi cette communauté européenne a-t-elle été créée <br />

J.G : Ce que nous avons fait en 1950 l’a été pour deux raisons circonstancielles : la<br />

menace de la guerre froide et la problématique du réarmement allemand.<br />

Ces deux facteurs ont contribué <strong>à</strong> motiver les premiers acteurs de la construction<br />

européenne. Les tensions de la guerre froide se faisaient de plus en plus inquiétantes et<br />

le problème du réarmement allemand était de plus en plus lancinant. Mais fondamentalement,<br />

ce qui était en cause, c’était la paix. Cette paix n’avait, alors, que cinq ans<br />

d’âge et elle avait été horriblement violée, <strong>à</strong> deux reprises, depuis le début du siècle. Elle<br />

était l’obsession <strong>des</strong> fondateurs de la construction européenne. Cela fait plus de 50 ans<br />

que cela dure et il y a eu <strong>des</strong> occasions pour que la paix soit menacée comme dans les<br />

Balkans par exemple… Au cours de ce demi-siècle, les occasions n’ont pas manqué où,<br />

en d’autres circonstances, il aurait suffi d’un accroc pour provoquer de nouvelles<br />

explosions entre les peuples d’Europe. On peut évoquer également les événements du<br />

Moyen-Orient ou les marches de l’empire soviétique pour imaginer ce qui aurait pu se<br />

passer si, les pays d’Europe se rangeant aux côtés <strong>des</strong> uns ou <strong>des</strong> autres, il eût suffi d’un<br />

événement mineur pour servir de détonateur, comme ce fut le cas chaque fois qu’un<br />

conflit majeur se déclencha dans l’Histoire.<br />

Il faut donc rappeler sans cesse pourquoi et comment, cinq ans seulement après la<br />

Seconde Guerre mondiale, la France et l’Allemagne ont proposé que six pays mettent en<br />

commun leurs ressources en charbon et en acier, les matières premières de la fabrication<br />

<strong>des</strong> armements.<br />

B.C : Quel bilan tirez vous de ces cinquante dernières années dans la construction<br />

européenne <br />

J.G : L’objectif de paix a été atteint, dans la continuité, pendant un demi-siècle, ce qui<br />

n’est pas un mince résultat, si l’on se réfère <strong>à</strong> l’Histoire ou si l’on observe ce qui se passe<br />

un peu partout dans le monde. L’existence de la construction européenne, en dépit de<br />

son inachèvement, a évité aux dirigeants politiques l’amorce même d’une tentation de<br />

revenir aux errements du passé et le risque de tension a provoqué aussitôt le contre-feu<br />

nécessaire. Sur ces entrefaites, intervient le référendum sur le projet de Constitution.<br />

Une réflexion élémentaire conduit <strong>à</strong> la conclusion qu’une réponse négative au référendum<br />

entraînerait une période de glaciation dans la construction européenne : ce serait d’abord<br />

la régression vers la situation antérieure avec le traité de Nice dont les imperfections<br />

sont connues ; la France perdrait tout crédit dans les instances internationales ; le couple<br />

franco-allemand, qui a été <strong>à</strong> la base <strong>des</strong> progrès principaux réalisés depuis cinquante ans<br />

serait miné ; les pays européens, privés de leur centre de cohésion, seraient conduits <strong>à</strong><br />

chercher, en désordre, <strong>à</strong> assurer leur avenir sous la protection <strong>des</strong> États-Unis. Serait-ce<br />

une manière de lutter contre l’ultralibéralisme qu’invoquent les adversaires du traité <br />

B.C : Alors pourquoi tant de personnes se tournent vers le « non » <br />

J.G : Le « non » est celui qui tourne autour de la peur d’une Europe libérale et c’est un<br />

contresens total. On peut parfaitement faire cohabiter un régime libéral avec un marché<br />

organisé. En 1950 les industries de l’acier étaient hostiles au lancement de la<br />

communauté car la Haute Autorité allait gêner leurs petits arrangements. C’est ce que<br />

j’ai vu quand nous sommes partis aux USA avec Jean Monnet pour négocier le premier<br />

emprunt. Les participants <strong>à</strong> la mise en oeuvre de la Communauté européenne du<br />

charbon et de l’acier se souviennent <strong>des</strong> difficultés de ces premiers mois où les<br />

entreprises <strong>des</strong> six pays participants unissaient leurs efforts pour tenter d’éviter que la<br />

Haute Autorité n’intervînt dans un marché dont la liberté théorique était, jusque-l<strong>à</strong>,<br />

contrôlée en fait par <strong>des</strong> cartels mis en place par ces entreprises. Celles-ci avaient même<br />

fait appel <strong>à</strong> la solidarité de leurs homologues américaines pour contrer les efforts de la<br />

Haute Autorité, pour obtenir aux États-Unis les moyens financiers <strong>des</strong>tinés <strong>à</strong> consolider<br />

son influence. La controverse sur la différence essentielle qui existe entre un marché<br />

libre et un marché organisé a occupé les premières années de la CECA et c’est cette<br />

conception nouvelle d’un marché organisé qui se trouve <strong>à</strong> la base de la Constitution<br />

européenne qui fait l’objet du référendum.<br />

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