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Lecture hors ligne (pdf à télécharger - Groupe des Belles Feuilles

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dans l'action. Il n'est pour s'en rendre compte, que de citer les principaux sujets qu'il<br />

avait proposés <strong>à</strong> la réflexion <strong>des</strong> membres de la Fondation : les problèmes de la jeunesse<br />

d'aujourd'hui, la place du travail dans notre société, les centres de pouvoir, le rôle et<br />

l'influence <strong>des</strong> media, le fondamentalisme musulman et aussi, thème sur lequel il<br />

revenait souvent, l'identité européenne. Cette attitude était inspirée par une conviction<br />

profonde, souvent affirmée, par exemple dans une leçon de 1963 : « L'Histoire, me<br />

semble-t-il, puisqu'elle est maniée par nous, hommes d'une époque, hommes d'une<br />

actualité, doit toujours déboucher au présent, pour nous rendre plus luci<strong>des</strong> de ce que<br />

nous sommes en train de vivre » et, un peu plus loin, « les fils, les replis du passé<br />

doivent conduire nos mains, nos rêves, nos projets pour l'avenir tout proche que nous<br />

avons besoin d'incarner ensemble » 66 . Idée reprise, avec force, par le Professeur<br />

Dupront, dans l'allocution qu'il prononça en 1984, lorsqu'il fut promu Commandeur de la<br />

Légion d'honneur : « Notre discours universitaire, nos recherches de cabinet ou de<br />

laboratoire, il faut, pour reprendre un mot d'aujourd'hui, les soumettre <strong>à</strong> l'épreuve du<br />

charbon. » En un mot, Alphonse Dupront n'était pas un homme embarrassé dans son<br />

immense savoir. Ce savoir était le terreau nourricier de sa pensée tout orientée vers le<br />

vivre au quotidien.<br />

* * *<br />

C'est sous le signe de cette ambivalence − un mot qui revenait souvent dans ses propos<br />

− que je vais tenter d'évoquer les visions européennes d'Alphonse Dupront, d'abord<br />

celles de l'historien, puis celles de notre contemporain, le citoyen, le sociologue, le<br />

philosophe, l'homme d'action. Le titre de mon propos − Alphonse Dupront, Visions<br />

d'Europe − montre qu'il ne s'agit en aucun cas de vouloir faire une présentation<br />

d'ensemble d'une réflexion dont les familiers <strong>des</strong> œuvres de Dupront connaissent la<br />

profondeur, l'ampleur, la richesse, mais aussi la complexité. Mon ambition est<br />

simplement d'essayer de montrer par quelques aperçus comment l'Europe est, presque<br />

constamment, au coeur de sa recherche. Je vais d'abord m'inspirer de la transcription, <strong>à</strong><br />

partir d'enregistrements au magnétophone, d'une série de leçons que le Professeur<br />

Dupront donna <strong>à</strong> Nancy en 1963 sur le thème : « L'Europe et le monde : histoire d'une<br />

interdépendance ». Je dois expliquer une difficulté <strong>à</strong> laquelle je me suis heurté et qui est<br />

relative au style d'Alphonse Dupront. C'est un style très personnel, qui demande au<br />

lecteur un effort initial pour pénétrer dans une phrase d'une infinie richesse, d'une<br />

parfaite cohérence, faite de termes choisis, pas toujours usuels. J'ai dit un jour au<br />

Professeur Dupront que son style me rappelait, dans un registre différent, celui de Marcel<br />

Proust et j'ai eu le sentiment que ma remarque ne lui était pas désagréable. La vérité,<br />

pour moi, est que, dans un cas comme dans l'autre, une fois franchie une porte quelque<br />

peu étroite, le lecteur entre dans un domaine enchanté dont il n'échappera pas aisément<br />

et dont il ne sortira pas indemne. C'est pourquoi il est difficile de parler d'un texte de<br />

Dupront comme celui <strong>des</strong> leçons de Nancy : il ne peut être question de le lire et le<br />

résumer, le commenter, l'interpréter, ou gloser sur lui risque de faire perdre le meilleur<br />

du jaillissement d'une pensée incarnée. Je prends donc le parti d'utiliser ç<strong>à</strong> et l<strong>à</strong> <strong>des</strong><br />

membres de phrase ou <strong>des</strong> expressions d'Alphonse Dupront sans pouvoir constamment<br />

rappeler qu'il s'agit de citations.<br />

Très naturellement, la démarche du Professeur s'ouvre sur une analyse de la naissance<br />

de l'Europe. Et l'originalité de la réflexion apparaît aussitôt. L'Europe n'est pas éternelle,<br />

elle n'est même pas carolingienne, en dépit de quelques amalgames simplistes. Pour<br />

Alphonse Dupront, c'est vers la fin du 17 e siècle seulement que naît une conscience<br />

commune de l'Europe. « Dans l'histoire de notre Occident − écrit-il − l'Europe, sa<br />

création, son développement, son rayonnement sont <strong>des</strong> faits modernes, c'est-<strong>à</strong>-dire <strong>des</strong><br />

66 Sauf indication contraire, toutes les citations sont extraites de la transcription, <strong>à</strong> partir<br />

d'enregistrements au magnétophone, <strong>des</strong> leçons données par A. Dupront <strong>à</strong> Nancy en 1963 sur le thème :<br />

« L'Europe et le monde : histoire d'une interdépendance ».<br />

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