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Pour l'Union européenne, l'an 2000 sera une période cruciale. C'est en effet au second<br />

semestre 2000 que devrait être conclue, sous présidence française, la conférence<br />

intergouvernementale chargée de négocier la réforme <strong>des</strong> institutions de l'Union<br />

européenne dans la perspective de son élargissement aux pays d'Europe centrale et<br />

orientale. Le moins que l'on puisse dire est que le débat sur cette question fondamentale<br />

n'a pas encore atteint <strong>des</strong> sommets de transparence. Tout au plus comprend-on que<br />

deux approches s'affrontent quant <strong>à</strong> l'ordre du jour de la négociation : réforme limitée<br />

défendue par la plupart <strong>des</strong> Etats membres et notamment la France, ou réforme<br />

« ambitieuse », prônée par la Commission européenne et le Parlement européen, sur la<br />

base du rapport <strong>des</strong> trois sages Dehaene, Weiszâcker et Simon.<br />

Un point semble néanmoins faire consensus entre les experts <strong>des</strong> deux camps : l'Union<br />

européenne reste <strong>à</strong> leurs yeux une entité « innommable » : ni Etat intégré, ni fédération,<br />

ni confédération, ni organisation internationale. Cette architecture « sui généris »,<br />

patiemment élaborée par un sénacle d'initiés inspirés, serait-elle trop subtile pour être<br />

livrée, en termes compréhensibles, au commun <strong>des</strong> mortels <br />

Dans sa première entreprise européenne, la Communauté européenne du charbon et de<br />

l'acier (CECA), révélée au monde par la déclaration Schuman du 9 mai 1950,<br />

l'architecture institutionnelle que Jean Monnet esquissait n'était pas celle d'une Europe<br />

fédérale mais celle d'une Europe unitaire. Monnet concevait la Haute Autorité comme un<br />

exécutif indépendant <strong>des</strong> États membres et responsable devant une assemblée<br />

parlementaire <strong>à</strong> une seule chambre, l'Assemblée commune, qui pouvait voter la censure.<br />

Les décisions de la Haute autorité s'imposaient aux États, mais étaient justiciables<br />

devant la Cour de Justice. Le premier schéma de Monnet pour la CECA ne comportait pas<br />

d'organe représentant les États : l'ancien secrétaire général adjoint de la Société <strong>des</strong><br />

Nations qu'était Monnet avait expérimenté <strong>à</strong> ses dépens l'impuissance congénitale <strong>des</strong><br />

organisations intergouvernementales, paralysées par l'unanimité et le refus de toute<br />

délégation de souveraineté.<br />

Et pourtant, sous la pression <strong>des</strong> gouvernements, Jean Monnet, pragmatique, dût<br />

accéder <strong>à</strong> l'exigence <strong>des</strong> États lors de la négociation du Traité de Paris. Il concéda la<br />

création du « Conseil de ministres », chargé de contrôler les décisions de la Haute<br />

autorité. Ce faisant, Monnet réinventa, cent ans après l'émerveillement de Tocqueville<br />

dans sa Démocratie en Amérique, le ressort fondamental du fédéralisme : recherche de<br />

synergie et d'équilibre entre <strong>des</strong> institutions clairement supranationales et <strong>des</strong><br />

institutions par nature inter-gouvernementales.<br />

Evitant <strong>à</strong> la fois l'impuissance intergouvernementale et le centralisme bureaucratique, le<br />

fédéralisme se fixe pour objectif de concilier l'unité propre aux États centralisés et la<br />

préservation <strong>des</strong> diversités qui caractérise les organisations intergouvernementales.<br />

Tocqueville est d'avis que cet arrangement est une <strong>des</strong> inventions les plus géniales de la<br />

science politique. C'est <strong>à</strong> la recherche d'un compromis entre ses convictions<br />

intégrationnistes visant <strong>à</strong> l'efficacité et la volonté souverainiste <strong>des</strong> États, que Monnet<br />

accepta la logique fédérale, expérimentant et théorisant a posteriori les vertus de celle-ci<br />

sous le vocable de « méthode communautaire ».<br />

Or dans le débat politique français, le fédéralisme, bien loin d'apparaître comme une voie<br />

de sagesse entre l'utopie d'un État européen intégré et l'impuissance d'une Europe<br />

intergouvernementale, est présenté comme un maximalisme en matière d'intégration.<br />

Aucun <strong>des</strong> initiés n'ose reconnaître que l'Union européenne répond d'ores et déj<strong>à</strong> très<br />

largement la logique fédérale : son exécutif, la Commission européenne est<br />

politiquement responsable devant un Parlement européen élu au suffrage universel ; son<br />

ordre législatif autonome, élaboré par un législateur <strong>à</strong> deux chambres (Parlement<br />

européen et Conseil) s'impose <strong>à</strong> l'ordre juridique national ; les arrêts de sa juridiction<br />

suprême, la Cour de justice, sont exécutoires sous peine de lour<strong>des</strong> astreintes<br />

financières. Sa monnaie unique a conquis les places financières ; un chef de l'État<br />

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