Le Calvaire - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher
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OCTAVE MIRBEAU<br />
étourdi par le vent, par la pluie, par les rafales… Je vous le dis,<br />
vous reviendrez de là non seulement guéri, mais plus fort que<br />
jamais, mieux armé pour la lutte… Et vous aurez payé votre<br />
dette au monstre… Vous l’aurez payée de votre fortune!…<br />
Qu’est-ce que c’est cela?… Ah! tenez, je vous envie, et je voudrais<br />
bien aller avec vous… Allons, mon cher Mintié, un peu de<br />
courage!… Venez!<br />
— Oui, Lirat, vous avez raison… Il faut que je parte…<br />
—Eh bien, venez!<br />
— Je partirai demain, je vous le jure!<br />
— Demain?… Ah! demain! Elle va rentrer n’est-ce pas?… Et<br />
vous vous jetterez dans ses bras… Non, venez!<br />
— Laissez-moi lui écrire!… Je ne peux pourtant pas la quitter<br />
comme ça, sans un mot, sans un adieu… Lirat, songez donc!…<br />
Malgré les souffrances, malgré les hontes, il y a des souvenirs<br />
heureux, des heures bénies… Elle n’est pas méchante… elle ne<br />
sait pas, voilà tout… mais elle m’aime… Je m’en irai, je vous promets<br />
que je m’en irai… Accordez-moi un jour!… un seul jour!…<br />
Ce n’est pas beaucoup, un jour, puisque je ne la reverrai plus!<br />
Ah! un seul jour!<br />
—Non, venez!<br />
— Lirat!… mon bon Lirat!…<br />
—Non!…<br />
— Mais je n’ai pas d’argent!… Comment, voulez-vous que je<br />
parte, sans argent?<br />
— Il m’en reste assez pour votre voyage… Je vous en enverrai<br />
là-bas… Venez!<br />
— Que je fasse une valise au moins!<br />
— J’ai des tricots de laine et des bérets… ce qu’il vous faut…<br />
Venez!<br />
Il m’entraîna. Sans rien voir, presque sans comprendre, je traversai<br />
l’appartement, me butant aux meubles… je ne souffrais<br />
pas, car je n’avais conscience de rien; je marchais derrière Lirat<br />
de ce pas lourd, de cette allure passive des bêtes que l’on con<strong>du</strong>it<br />
à l’abattoir…<br />
— Eh bien, et votre chapeau?<br />
C’est vrai! je sortais sans chapeau… Il ne me semblait pas que<br />
j’abandonnais, que je laissais derrière moi une partie de moimême;<br />
que les choses que je voyais, au milieu desquelles j’avais<br />
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