Le Calvaire - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher
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LE CALVAIRE<br />
III<br />
— Toc, toc, toc.<br />
Et, en même temps, dans l’entrebâillement de la porte, une<br />
petite capote de loutre se montra, puis deux yeux souriants, sous<br />
une voilette, puis un long manteau de fourrure, qui dessinait un<br />
corps mince de jeune femme.<br />
— Je ne vous dérange pas?… On peut entrer? <strong>Le</strong> peintre<br />
Lirat leva la tête.<br />
— Ah! c’est vous, Madame! dit-il d’un ton bref, presque<br />
irrité, en secouant ses mains salies de pastel… mais oui, certainement…<br />
Entrez donc!<br />
Il quitta son chevalet, offrit un siège.<br />
— Charles va bien? demanda-t-il.<br />
— Très bien, je vous remercie.<br />
Elle s’assit, toujours souriante, et son sourire vraiment était<br />
charmant et triste. Quoique voilés de gaze, ses yeux clairs, d’un<br />
bleu rose, ses yeux très grands qui l’illuminaient toute, me parurent<br />
d’une douceur infinie… Elle était mise fort élégamment,<br />
sans recherches prétentieuses. Un peu trop parfumée pourtant…<br />
Il y eut un moment de silence.<br />
L’atelier <strong>du</strong> peintre Lirat, situé dans une cité tranquille <strong>du</strong> faubourg<br />
Saint-Honoré, la cité Rodrigues, était une vaste pièce nue,<br />
aux murs gris, aux charpentes visibles, sans meubles. Lirat<br />
l’appelait familièrement « son hangar ». Un hangar, en effet, où<br />
la bise soufflait, où la pluie tombait <strong>du</strong> toit par de petites crevasses.<br />
Deux longues tables, en bois blanc, supportaient des<br />
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