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CHAPITRE XXIII<br />
UNE VEILLÉE AU PRESBYTÈRE<br />
Miss Marp<strong>le</strong> occupait <strong>le</strong> grand fauteuil. Bunch était assise par terre, devant <strong>le</strong> feu, <strong>le</strong>s deux<br />
mains sur ses genoux. Le Révérend Julian Harmon, penché en avant, retrouvait des attitudes<br />
d’étudiant attentif. Tirant sur sa pipe, son verre de whisky-soda à la main, l’inspecteur<br />
Craddock donnait bien l’impression de ne pas être de service. Julia, Patrick, Edmund et<br />
Phillipa complétaient l’assemblée.<br />
— Il me semb<strong>le</strong>, miss Marp<strong>le</strong>, proposa Craddock, que c’est à vous de par<strong>le</strong>r. Cette histoire,<br />
c’est la vôtre !<br />
La vieil<strong>le</strong> demoisel<strong>le</strong> protesta.<br />
— Pas du tout ! Je vous ai donné un coup de main de temps à autre, mais c’est vous qui<br />
étiez chargé de l’enquête et c’est vous qui l’avez conduite. Vous êtes au courant d’un tas de<br />
choses que j’ignore.<br />
— Alors, dit Bunch, racontez-la ensemb<strong>le</strong>, en vous relayant. Voyons, tante Jane, quand<br />
avez-vous commencé à soupçonner que c’était la Blacklock qui avait tout machiné ?<br />
— Mon Dieu ! ma chère Bunch, c’est bien diffici<strong>le</strong> à préciser ! Bien sûr, tout au début, on<br />
avait l’impression que c’était el<strong>le</strong> qui avait tout manigancé. Les soupçons devaient forcément<br />
porter sur el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> était la seu<strong>le</strong> à avoir été en relation avec Rudi Scherz et el<strong>le</strong> était mieux<br />
placée que quiconque pour prendre <strong>le</strong>s dispositions nécessaires, puisque <strong>le</strong>s choses se<br />
passaient dans sa propre maison. Le chauffage central, par exemp<strong>le</strong>. Pour faire l’obscurité<br />
dans la pièce, il ne fallait pas qu’il y eût de feu dans la cheminée. <strong>Un</strong>e seu<strong>le</strong> personne<br />
pouvait décider qu’il n’y aurait pas de feu dans la cheminée et c’était évidemment la<br />
maîtresse de maison. Naturel<strong>le</strong>ment, je n’ai pas pensé ça à ce moment-là ! Ces idées-là me<br />
sont venues, mais je me suis dit que ce ne pouvait pas être ça ! C’était trop simp<strong>le</strong> et j’ai été<br />
prise comme tout <strong>le</strong> monde. J’ai cru qu’il y avait réel<strong>le</strong>ment quelqu’un qui en voulait à la vie<br />
de miss Blacklock.<br />
— Pour commencer, demanda Bunch, si vous nous disiez exactement ce qui s’est passé ?<br />
Ce jeune Suisse l’avait-il reconnue ?<br />
— Oui. Il avait travaillé à...<br />
Miss Marp<strong>le</strong> hésita et regarda Craddock, qui continua à sa place.<br />
— A Berne, dans la clinique du D r Adolf Koch, un chirurgien universel<strong>le</strong>ment connu,<br />
spécialiste de l’opération du goitre. Charlotte Blacklock était allée chez lui pour se faire<br />
opérer d’un goitre et Rudi Scherz était, à l’époque, un des infirmiers de la clinique. Il était<br />
venu par la suite en Ang<strong>le</strong>terre et, un jour, à l’hôtel, dans une cliente, il reconnut une des<br />
malades de Koch et, suivant son premier mouvement, il alla lui par<strong>le</strong>r. <strong>Un</strong>e chose qu’il<br />
n’aurait pas risqué s’il avait pris <strong>le</strong> temps de réfléchir, car c’est un peu précipitamment qu’il<br />
avait dû quitter la clinique. Il est vrai que <strong>le</strong>s faits qui l’avaient obligé à s’éloigner étaient très<br />
postérieurs au séjour de Charlotte et que cel<strong>le</strong>-ci ne pouvait <strong>le</strong>s connaître.<br />
— Alors, il ne lui a jamais dit que son père était hôtelier en Suisse et qu’il l’avait vue à<br />
Montreux ?<br />
— Non. C’est une fab<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> a imaginée pour expliquer qu’il lui avait parlé.