Compte rendu des travaux - Féderation - La cgt
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gue, l’industrie en débris; mettre en<br />
place une telle institution toute neuve,<br />
qui fait l’objet de l’hostilité <strong>des</strong> médecins,<br />
<strong>des</strong> assurances et <strong>des</strong> mutuelles<br />
de l’époque, n’est pas aisé. Il va s’y<br />
employer contre vents et marées.<br />
Les assurances sociales sont en effet<br />
régies par les sociétés de secours<br />
mutuels, par <strong>des</strong> congrégations religieuses,<br />
par <strong>des</strong> caisses professionnelles<br />
tenues par le patronat et les<br />
assurances privées. <strong>La</strong> «retraite <strong>des</strong><br />
vieux», comme on disait à l’époque,<br />
ne représente pas grand chose : une<br />
aumône. Il va être le bâtisseur politique<br />
de la sécurité sociale.<br />
Certes il n’est pas seul, dans la CGT<br />
réunifi ée en 1943 il y a <strong>des</strong> dirigeants<br />
qui vont l’aider. Au dehors il reçoit<br />
le concours de Pierre <strong>La</strong>roque, un<br />
spécialiste <strong>des</strong> assurances sociales<br />
d’avant guerre, un haut fonctionnaire<br />
gaulliste qui sera le directeur de la<br />
sécurité sociale jusqu’en 1967. L’ordonnance<br />
créant la Sécurité sociale<br />
est l’œuvre de tous ces personnages.<br />
Elle sera signée le 4 octobre 1945<br />
par Parodi, ministre du travail du<br />
gouvernement provisoire, quelques<br />
jours avant la nomination de Croizat<br />
comme ministre.<br />
Mais je vous ai dit « Croizat bâtisseur<br />
social » ; cette appellation résume<br />
bien le fait qu’il va faire en sorte que<br />
les fondations de la sécurité sociale<br />
reposent sur du solide. Ce solide,<br />
c’est son fi nancement. C’est lui qui<br />
impose la cotisation Sécurité sociale<br />
calculée sur l’assiette salariale. Il impose<br />
un système solidaire et par répartition<br />
auquel Sarkozy s’est attaqué<br />
par la réforme <strong>des</strong> retraites de 2010.<br />
Rappelons en le mécanisme, une<br />
cotisation du salarié, ainsi qu’une cotisation<br />
de l’entreprise – et non de l’employeur,<br />
comme on dit aujourd’hui.<br />
Cela fait débat à l’Assemblée nationale,<br />
certains députés voulaient imiter<br />
la Grande-Bretagne qui choisit et<br />
imposa l’impôt ignorant l’entreprise<br />
cotisante. Ambroise Croizat va se<br />
battre pour une assurance maladie<br />
pour tous les citoyens et il affrontera<br />
toute une toile d’araignée d’organisations<br />
assurant plus ou moins le risque<br />
maladie. Après maintes discussions, il<br />
les intégrera dans la sécurité sociale,<br />
et pacifi era les relations avec les mutuelles<br />
et la médecine libérale.<br />
Il a pris encore plus de temps pour<br />
s’assurer de la réalisation concrète de<br />
la sécurité sociale alors que certaines<br />
mauvaises langues considéraient<br />
qu’elle ne serait qu’un château de<br />
cartes qui tomberait rapidement parce<br />
qu’irréalisable. Elles en furent pour<br />
leur frais. Il prit, pour ainsi dire, son<br />
bâton de pèlerin, fi t de nombreuses<br />
inaugurations de caisses primaires<br />
et en appela aux organisations syndicales<br />
CGT pour la mise en place<br />
effective dans <strong>des</strong> locaux provisoires.<br />
Ce sont souvent les militants de la CGT<br />
qui les mettront en place. D’ailleurs,<br />
encore aujourd’hui, quoique fussent<br />
toutes les opérations politiciennes<br />
pour ignorer la contribution de la CGT,<br />
c’est bien celle-ci qui fut la principale<br />
bâtisseuse de cette grande conquête<br />
sociale avec Croizat.<br />
Pour mieux défaire cette célébrité,<br />
ses successeurs ont décidé de l’ignorer<br />
complètement jusqu’au point que<br />
pour le centième anniversaire de la<br />
création du ministère du travail le nom<br />
de Croizat a disparu <strong>des</strong> tablettes du<br />
ministère. Ils ont ainsi poussé l’ingratitude<br />
au Comité d’histoire de la Sécurité<br />
sociale jusqu’à gommer son nom<br />
ne retenant que Pierre <strong>La</strong>roque.<br />
Mais l’histoire a de ses persistances<br />
que rien ne peut enfouir.<br />
Les faits sont têtus et c’est un hommage<br />
du vice à la vertu qui lui a <strong>rendu</strong><br />
Denis Kessler, l’ancien vice président<br />
du MEDEF et PDG assureur, quand<br />
il déclara dans un éditorial du journal<br />
Challenges : « Adieu 1945, raccrochons<br />
notre pays au monde. Le modèle<br />
social français est le pur produit<br />
du Conseil national de la Résistance.<br />
(…) Il est grand temps de le réformer<br />
et le gouvernement s’y emploie.» Les<br />
annonces successives <strong>des</strong> différentes<br />
réformes par le gouvernement peuvent<br />
donner une impression de patchwork,<br />
tant elles paraissent variées,<br />
d’importance inégale, et de portées<br />
diverses : statut de la fonction publique,<br />
régimes spéciaux de retraite,<br />
refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…<br />
A y regarder de plus près, on<br />
constate qu’il y a une profonde unité<br />
à ce programme ambitieux. <strong>La</strong> liste<br />
<strong>des</strong> réformes ? C’est simple, prenez<br />
tout ce qui a été mis en place entre<br />
1944 et 1952, sans exception. Elle<br />
est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de<br />
1945, et de défaire méthodiquement<br />
le programme du Conseil national de<br />
la Résistance !<br />
Oui, Croizat fut incontestablement le<br />
ministre du travail le plus prolifi que en<br />
matière de lois sociales. Il le fi t dans<br />
un sens progressiste et c’est cela que<br />
ne peut plus supporter le patronat<br />
français. Il fut à l’origine du véritable<br />
statut <strong>des</strong> comités d’entreprise. Il faut<br />
savoir que De Gaulle et Parodi avait<br />
sorti à la sauvette une ordonnance sur<br />
la mise en place <strong>des</strong> CE en 1945 en limitant<br />
leurs attributions à <strong>des</strong> œuvres<br />
culturelles, sportives et sociales. J’y<br />
reviendrai.<br />
Si nous regardons aussi loin que possible,<br />
jamais depuis le création de<br />
ce ministère, les droits <strong>des</strong> salariés<br />
n’avaient été aussi mis en évidence<br />
et en pratique. Par exemple, il sortira<br />
l’inspection dut travail <strong>des</strong> griffes<br />
du patronat et de la collaboration vichyste.<br />
Naîtra une inspection ayant<br />
<strong>des</strong> missions comme le contrôle de<br />
l’emploi, la protection <strong>des</strong> institutions<br />
représentatives du personnel et <strong>des</strong><br />
conditions de travail.<br />
<strong>La</strong> bataille pour l’établissement de<br />
nouveaux droits était diffi cile mais<br />
prenante et Croizat avait un avantage<br />
c’est que derrière lui, il y avait cinq<br />
millions de syndiqués à la CGT, près<br />
d’un million à la fédération CGT de<br />
la métallurgie et le parti communiste<br />
auquel il faisait partie était le premier<br />
parti de France. Cela pèse.<br />
Croizat a donc été un inventeur social.<br />
D’ailleurs, c’est le seul ministre du travail<br />
parmi les cent premiers depuis la<br />
création de ce ministère en 1905 qui<br />
a été honoré par les travailleurs qui<br />
l’avaient baptisé le ministre <strong>des</strong> travailleurs.<br />
Quelle reconnaissance !<br />
Le temps m’étant compté, je vais résumer<br />
à grands traits les séries de réformes<br />
à son actif en tant que ministre<br />
du Travail.<br />
• la Sécurité sociale<br />
J’en ai parlé. Je rajouterais que ce<br />
fut une transformation complète en<br />
matière de droits à la santé et de retraite.<br />
Croizat généralisera à tous le<br />
bénéfi ce <strong>des</strong> prestations sociales en<br />
créant un régime unifi é de retraite, de<br />
maladie, d’allocations familiales. Ce<br />
fut une vraie révolution sociale.<br />
• il laisse son nom à une autre série<br />
de réformes sur le droit du travail<br />
C’est en fait le second socle du droit<br />
au travail à la française qu’il créé (le<br />
premier a été construit dans les années<br />
1890 à 1913). Les réformes qu’il<br />
va introduire sont la suite de 1936 et<br />
du Front populaire auquel il avait apporté<br />
la contribution <strong>des</strong> métallos lors<br />
<strong>des</strong> négociations à Matignon avec<br />
Jean Pierre Timbaud, qui, comme<br />
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